wanc LES SORABES DE LUSACE
wanzel
vanth Géographie
wendes
wąż C'est un coin fiché entre la frontière tchèque et polonaise de l'ancienne Allemagne de l'Est. S'étendant sur environ 7000 km2, la Lusace est baignée dans toute son étendue par la Spree. Au nord, avant de traverser Berlin, cet affluent de la Havel qui verse elle-même dans l'Elbe, arrose un territoire envoûtant. Domaine de la forêt, parsemé de marécages, de canaux, de petits lacs, voici le Spreewald. L'étymologie de Lusace, "la flaque", "le trou d'eau", correspond bien à la réalité physique de la région. A l'image d'une grande partie de l'Allemagne du Nord, le reste du pays est formé de collines, cultivées ou boisées. Au centre, autour d'Hoyerswerda et du combinat de Schwarze Pumpe, la lande et les bois ont fait place aux terrils et à un paysage industriel liés à l'exploitation d'un important gisement de lignite. Un peu plus élevé, le Lausitzer Bergland borne la Lusace vers le sud.
sorabes A cheval sur deux Lander, la Lusace, Luzica, en sorabe, Lausitz, en allemand, se partage entre deux régions historiques: la Haute-Lusace, au sud, dont les centres principaux sont Budysin/Bautzen et Wojerecy/Hoyerswerda, est rattachée à la Saxe; la Basse-Lusace, au nord, autour de Chosebuz/Cottbus et Grodk/Spremberg, appartient au Brandebourg. On compte cinq districts, en tout ou en partie sorabes, dans chacun de ces deux Lander. Au delà de la Nysa/Neisse, aux environs de Barsc/Forst, le pays sorabe déborde également un peu la frontière germano-polonaise.
wanc agger
wanklin Peuplement
wanicz
wanik Les Sorabes sont le dernier vestige de l'ancienne population slave de I'Allemagne du Nord. Des premiers siècles avant notre ère jusqu'au Xe siècle, les Obodrites, les Liutitzi - réputés pour leur férocité -, les Lusici, les Sorbes et quelques autres peuplades occupent une vaste région limitée par l'Elbe, au nord, la Fulda, au sud. Les Germains les dénomment collectivement Wenden d'après une terme celtique signifiant "blond". Pour contenir la poussée slave, Charlemagne fait construire le limes sorbicus. A partir du Xe siècle, germanisés et convertis de force au christianisme lorsqu'ils ne sont pas tout bonnement massacrés par les Francs et les Saxons, les Slaves/Wendes disparaissent progressivement. Leur assimilation s'accélére avec le Drang nach Osten, la marche vers l'Est des Germains. Parfois appelés par les seigneurs locaux, des colons s'installent en masse au milieu des peuples slaves, apportant leurs techniques agricoles et industrielles, leur droit, leur langue.
werszowcy A la fin du Moyen-Age, le peuplement se stabilise en Lusace. C'est à cette époque que Lusiciens et Sorbes fusionnent formant ainsi l'ethnie sorabe. Les uns donnent leur nom au pays, Lusica, les autres, à ses habitants, les Serb, Sorabes ou Serbes de Lusace. Mélangés aux paysans saxons mais restés très majoritaires, les Sorabes ne forment plus qu'un ilôt, entouré de régions germanophones et détaché du reste du monde slave. Cet ilôt résiste, s'adapte et perdure ainsi jusqu'à nos jours.
vrsovici Mais depuis 1850, avec les débuts de l'industrialisation, ensuite avec les régimes nazi et communiste, le peuple sorabe est profondément affecté par l'assimilation. L'exploitation du lignite entraîne l'afflux de milliers de Saxons et Thuringeois de langue allemande. En un siècle, le nombre de sorabophones est réduit de plus de la moitié. Actuellement, ils ne représentent plus que 15% des habitants de la Lusace.
przemyslidi Bien que leurs voisins allemands les distinguent en Sorben/Serbes de Saxe et WendenlWendes du Brandebourg, la conscience nationale reste vive chez les Sorabes qui ont maintenu l'usage de leur langue ancestrale. Elle est par contre plus limitée chez beaucoup de ceux qui ont changé d'appartenance linguistique et culturelle. La division traditionnelle entre catholiques et protestants luthériens ne semble pas avoir trop nui au maintien du sentiment national. Cependant, les protestants ont délaissé massivement l'idiome local depuis un siècle. Désormais, les 150 000 Sorabes sont bien minoritaires dans leur pays où ils constituent seulement 40% environ de la population totale.
chroviste
korycinski Langue
rakoczy
wanclik On compte aujourd'hui à peu près 67 000 locuteurs du sorabe, les 2/3 en Haute-Lusace, le tiers restant en Basse-Lusace. En 1926, 129 000 personnes se déclaraient de langue sorabe, dont 71 400 au Brandebourg. Et en 1956, ils étaient encore 80 000. Je ne possède aucune indication sur la pratique de cette langue chez les ressortissants polonais d'ethnie sorabe. Leur nombre ne saurait excéder quelques centaines d'usagers tout au plus.
wanzlik Il y a moins d'un siècle, le sorabe était comme pris en sandwich entre les régions proprement de langue allemande, au sud, et celles de langue néerlandaise le bas-allemand -, au nord. En 1945, I'avancée de l'Armée rouge soviétique et les déplacements massifs de populations qui s'ensuivirent recréèrent le contact lointainement perdu avec les soeurs slaves de l'Ouest.
wantzel Le plus occidental des idiomes slaves est proche parent du polonais et du tchécoslovaque. En fonction de leur situation géographique, les deux grands dialectes, bas et haut-sorabe, se rapprochent de l'une ou l'autre de ces deux langues. Ainsi, dira-t-on, par exemple, pour la montagne, gora, comme en polonais, si l'on utilise le parler de Chosebuz, hora, comme en tchécoslovaque, si l'on habite Budysin. Quelques autres critères phonétiques distinguent les deux dialectes. Toutefois, il est admis qu'autour de Wojerecy/Hoyerswerda et de Bela Woda/Weisswasser, se parlent des variantes intermédiaires.
katazyna A partir de la Réforme, au XVIe siècle, bas et haut-sorabe ont servi de base à la codification de la langue par le biais de textes religieux. Il en est résulté deux standards littéraires qui restent en usage dans les média de chacun des Lander concernés. Les premiers textes imprimés datent de 1574. Tour à tour, chacun des deux dialectes impose sa suprématie culturelle, le haut-sorabe, aux XVIe et XVIIe siècles, le bas, au XVIIIe. La renaissance littéraire du XIXe siècle est contrecarrée par l'intense germanisation de la société sorabe qui culmine avec le régime næi. Dans les années 50, le renouveau moderne de la langue s'affirme dans le cadre de la RDA communiste. L'orthographe est perfectionnée; des manuels scolaires, des dictionnaires, un atlas dialectal sont publiés. De nombreuses traductions de la littérature universelle ainsi que des créations propres voient le jour. Mais l'industrialisation à outrance, au coeur même de la Lusace, vanifie ces progrès car la pratique de la langue y connaît un déclin rapide.
rosa Pour la période actuelle, j'emprunte à "L'Europe des ethnies" de Guy Héraud les éléments suivants. Partout où on le parle, le sorabe est langue co-officielle dans l'administration et la justice. Une participation minimale du groupe ethnique à la fonction publique est assurée. Le régime scolaire, réglé par une loi saxonne du 3 juillet 1991, et une loi brandebourgeoise de la même année, fait du sorabe la langue véhiculaire en plusieurs matières (écoles A) ou une langue enseignée (écoles B). Le sorabe a droit de cité dans de nombreux Iycées et écoles techniques.
waza Il est bien difficile d'admettre que la langue locale jouit d'une place de choix dans les média. Mis à part sa présence dans quelques revues de caractère confessionnel, elle ne bénéficie que d'une seule émission de radio par mois dans le Brandebourg. Par contre, le sorabe s'affiche dans la signalétique routière sur toute l'étendue de la région slavophone. De plus, dans les villes sorabes, de nombreux édifices portent des inscriptions bilingues. Mais l'usage ordinaire des parlers autochtones reste circonscrit à quelques zones rurales à dominante catholique de Haute-Lusace. Dans la même région, les protestants ont massivement abandonné l'usage du parler et le port des costumes traditionnels. L'Eglise luthérienne maintient toutefois une présence symbolique de la langue dans la liturgie. Le Théâtre national sorabe est par ailleurs très populaire et commence à s'exporter; on l'a vu notamment, à Nîmes, en Occitanie, à l'automne dernier.
sulewicz
wrsowic Brève histoire
wenzelik
wentzlick Aussi loin que l'on remonte dans le temps, les Sorabes n'ont pas eu d'Etat en propre. Un seul prince suprême est signalé au début du IXe siècle. Il n'y eût point d'union des tribus comme chez les voisins polonais ou tchèques. Les Serb construisirent cependant de nombreux bourgs fortifiés dont les plus importants furent Misen, aujourd'hui Meissen, en Saxe, et Budysin. Situé aux confins du Saint Empire germanique, le pays sorabe constitue pendant deux siècles le plus gros des marches de Lusace et de Misnie (Meissen). En 1018, à la paix de Bautzen, il tombe momentanément dans la mouvance polonaise sous le règne de Boleslav Chrobry.
wenzhyk Vassalisé par les princes allemands, le territoire serbe en conaît les vicissitudes. Au début du XVe siècle, les Sorabes subissent notamment les campagnes menées par l'armée populaire hussite de Bohême contre les Allemands. Au cours de la guerre de Trente Ans, la Lusace, devenue luthérienne mais qui appartient alors aux Habsbourgs d'Autriche, catholiques, est conquise par le prince électeur de Saxe, allié de ces derniers. En 1623, cette province est alors donnée en gage à la Saxe, puis incorporée à celle-ci, en 1648, aux traités de Westphalie.
sarmates Au siècle suivant, on assiste à la montée en puissance de la Prusse. La Lusace va alors se voir progressivement absorbée par le nouvel "homme fort" de l'Europe. En 1813, les Allemands mènent une guerre de libération contre les troupes napoléoniennes.
vrshovci Budysin est le théâtre d'une grande bataille entre Français et Prussiens, gagnée en vain par l'Empereur. Le mois précédent, la Prusse s'est annexée la Saxe, alliée de Napoléon, et avec elle, la Lusace. Deux ans après, le traité de Vienne partage le pays entre la Prusse et la Saxe qui regagne son indépendance mais se trouve amoindrie territorialement. C'est donc en 1815 que sont artificiellement dissociées la Haute et la Basse-Lusace. Budysin est au XlXe siècle, le foyer de la renaissance nationale. En 1862, se fonde le Théatre wende. A Wojerecy, une association paysanne sorabe se crée en 1885. En 1912, dans la même ville, patrie du poète national Hendrij Zejler, est constituée la Domowina, I'Union des Sorabes de Lusace, une fédération d'associations culturelles.
sarmat A la paix de Versailles, les Tchèques tentent en vain de se rattacher les Sorabes. La République de Weimar se montre libérale; ellepermet l'enseignement du sorabe à l'école primaire et au Iycée de Budysin. De libres relations avec la Tchécoslovaquie permettent aux associations régionalistes de maintenir la personnalité de la minorité slave. Brutal changement en 1938, les nazis interdisent l'usage du sorabe. On déporte les élites, les prêtres, les instituteurs. Mais le projet, conçu vers 1941, de déportation massive en Alsace, ne voit pas le jour; les Sorabes auraient été remplacés par des Alsaciens.
wenzhyk Dès 1945, les Soviétiques tentent, aidés de conseillers tchèques, de réveiller le sentiment national sorabe. On favorise les voyages en Tchécoslovaquie et en Pologne. On ressuscite la Domowina qui compte rapidement près de 100 000 membres. En janvier 1946, le Conseil national sorabe réclame auprès de l'ONU, la création d'un Etat indépendant. Un an après, c'est l'annexion à la Tchécoslovaquie qu'il revendique. Finalement, un plébiscite tranche pour le maintien dans l'Allemagne. La permanence des sentiments religieux et l'adhésion massive de la population au parti démocrate-chrétien - manifeste, avec 75% des votes, aux élections aux Lander de 1946 - freine la politique nationalitaire léniniste. Celle-ci est d'ailleurs, très mal vécue par les communistes allemands du Brandebourg. A partir de 1948, un traitement différencié est alors appliqué, assez favorable en HauteLusace, beaucoup plus restrictif dans la région de Chosebuz. Au décret saxon portant sur "la sauvegarde des droits de la population sorabe" répond, deux ans après seulement, le décret du Brandebourg sur "la promotion et le développement pour l'encouragement de la culture sorabe". En Haute-Lusace, au bilinguisme institutionnel, au maintien des traditions culturelles, s'ajoute le droit d'arborer l'emblème national. A Chosebuz et dans son arrondissement, I'enseignement du sorabe demeure facultatif.
vannius En 1989, I'effondrement du système soviétique, symbolisé par la chute du Mur de Berlin, est suivi par l'unification des deux Allemagnes. Les droits nationaux du peuple sorabe sont maintenus, son statut de minorité territoriale sanctionné par la nouvelle Constitution. Les lois citées plus haut au chapitre de la langue égalisent le statut du sorabe dans les deux régions historiques. En 1991, le gouvernement de Bonn institue la Fondation pour le peuple sorabe établie à Budysin. Financé par l'Etat fédéral et les Lander intéressés, le budget de celle-ci ~41 M. de DM) sert à l'entretien des différentes institutions culturelles, le Serbski muzej (Musée sorabe), le Théâtre national, notamment.
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vandyck Perspectives
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dulaba Les Allemands ignorent généralement llexistence de la Lusace et des Sorabes. Lorsqu'ils les connaissent, c'est souvent à partir de clichés. Le premier, bien sympathique, ce sont les oeufs colorés, fabriqués et vendus à Pâques par les Lusaciens. Le second, plus repoussant, ce sont les bandes de skinheads de Cottbus et Hoyerswerda.
wanclik La Lusace, basse et moyenne, a été laissée exsangue par l'échec du régime communiste. L'industrialisation forcenée a ravagé le paysage et les esprits. La brutale immersion dans une société libérale sans scrupules a rendu obsolètes le lignite et les industries lusaciennes. Le chômage -17% dans l'arrondissement de Cottbus - et le découragement sont devenus le lot de nombreux ouvriers, de nombreux jeunes de la région. Le phénomène skinhead s'est développpé sur le fertile terreau de la déshérence. Le mal-être trouve son exutoire dans les nombreux actes criminels contre les étrangers de toutes origines qui habitent la province.
vandyk Un miracle s'est produit avec la montée en Bundesliga, le championnat fédéral de football, du petit club "Energie Cottbus", multiethnique et multicolore. Ses succès ont servi à canaliser positivement le trop plein d'énergie d'une jeunesse désoeuvrée. Ils ont rendu sa fierté à toute une région qui a repris confiance en ellemême.
janik Que pèsent 0,2% de Sorabes dans une Allemagne de 80M. d'habitants ? Rien, et c'est bien ce qui inquiète ce petit peuple. Ce reliquat de l'ancien peuplement slave de l'antique Germanie mériterait une protection plus importante. Ses revendications actuelles portent sur l'établissement d'un arrondissement (Kreis ) autonome. C'est le moins que la Grande Allemagne puisse faire à défaut de lui octroyer un Land à part entière. Cet arrondissement unirait Basse et HauteLusace; les institutions culturelles pourraient demeurer à Budysin, capitale historique du Sud, et à Chosebuz, capitale du Nord; la ville moderne de Wojerecy, idéalement située à mi-chemin, pourrait en être le centre administratif et le lieu de réintroduction pilote de la langue autochtone.
wentzl Un patrimoine touristique de grand intérêt, des traditions spécifiques et charmantes, la proximité de la Pologne et de la République tchèque bientôt "européennes" sont des atouts non négligeables. Les Sorabes sont une petite nation attachée à sa terre, à sa langue et à son particularisme. Dans une Europe qui bouge, celle-ci a aujourd'hui une chance exceptionnelle de pouvoir être reconnue et de rompre avec la spirale infernale de l'assimilation.
wenzl
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xpansion chrétienne
 
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enue d'Orient, la foi des chrétiens s'était répandue dans tout l'empire romain que minait la perspective du déclin. Dès qu'au sein de celui-ci, l'équilibre des forces fut renversé en sa faveur, l'Église qui se structurait progressivement n'eut de cesse d'accroître son pouvoir spirituel, puis temporel. En son propre sein, la foi chrétienne se livrait à une lutte intestine acharnée entre ses diverses obédiences dont il ne faut pas minimiser l'impact historique ainsi qu'en atteste l'abolition de l'arianisme au profit du catholicisme, permettant l'émergence de la puissance franque fraîchement convertie aux dépens de tous les autres royaumes romano-germaniques.
 
  Mosaïque du baptistère des ariens à Ravenne,http://www.imperia-europa.org/Divers/O.gif
 
  r, pour se maintenir là où l'empire avait disparu, le pouvoir des souverains germaniques eut à s'appuyer sur l'élite issue de la structure romaine déjà convertie au christianisme. Le développement de la puissance de l'Église n'a donc nullement été ralenti par l'instauration des royaumes romano-germaniques et tant par phénomène d'intégration à la population de base que par opportunisme politique des chefs, la conversion s'étendit des peuples inclus dans les frontières de l'empire à ceux qui autrefois vivaient au-delà du limes et qui s'étaient déplacés en son sein. Le haut Moyen Âge était un magma issu de l'Antiquité qui allait se figer en des États qui perdureraient des siècles durant, engendrant une différenciation progressive des peuples pour aboutir à un concept inconnu alors, celui de l'État-nation.
 
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out au long de leur christianisation, les Germains firent preuve d'une tolérance religieuse marquée, pour autant que le prosélytisme des prêtres ne menaçât pas les fondements de leur mythologie et de leur civilisation. Ainsi, quand des missionnaires venaient les entretenir du Christ, les Germains estimèrent qu'il s'agissait là d'une entité similaire à leurs propres divinités, si bien qu'ils l'intégrèrent progressivement à leur panthéon, à côté de tous les dieux traditionnels. Cette attitude n'est pas sans rappeler dans un contexte plus martial l'habitude des Romains d'intégrer à leur panthéon l'ensemble des divinités des provinces qu'ils annexaient à l'empire, dans ce cas en signe d'appropriation et de possession. La brève coexistence religieuse explique les quelques éléments chrétiens qui furent incorporés dans les mythes germaniques, mais le paganisme polythéiste était condamné par un christianisme théoriquement monothéiste ne pouvant admettre des écarts si importants vis-à-vis du dogme.
 
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epoussant sans cesse les limites de l'espace chrétien au moyen de la politique expansionniste du royaume des Francs et de ses satellites, l'Église mena de vastes campagnes d'évangélisation qui étaient relayées avec une sinistre efficacité par la force armée. Ainsi, quand Charlemagne et ses troupes envahissaient des territoires non chrétiens, ils détruisaient les lieux de culte, abattant entre autres des bois entiers qui représentaient pour les Germains autant d'endroits où s'exprimait le mieux le lien entre le concret et l'immatériel.
 
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a campagne contre les Saxons païens débuta par l'épisode de la destruction en 772 du majestueux tronc de l'Irminsul, symbolisation de l'arbre servant d'axe et de colonne à l'univers. Dès lors, nombre de Saxons de la noblesse firent allégeance aux Francs bien que Widukind, l'un des ducs, c'est-à-dire un chef de guerre dirigeant une tribu, décidât de poursuivre la lutte jusqu'à ce qu'il fût contraint de déposer les armes à son tour en 785. Entretemps, il fut exigé de tous les Saxons qu'ils abjurassent leur foi dans les Dieux et qu'ils se convertissent au christianisme, ce qui eût à la fois été le symbole de la puissance spirituelle de Rome et une garantie de soumission politique pour les chefs francs. Comme nombre de ceux que l'on considérait avec mépris comme des païens idolâtrant un panthéon insoutenable aux yeux du pape refusèrent de trahir leur héritage culturel, ils furent exécutés, comme lors de la tristement célèbre Journée de Verden durant laquelle Charlemagne fit décapiter quatre mille cinq cents païens, hommes, femmes et enfants qui refusaient le baptême.
 
  Bas-relief chrétien sur le site des Externsteine,http://www.imperia-europa.org/Divers/Y.gif
 
  eût-il même dix mille épées qu'elles n'eussent pu trancher cent mille têtes. Cependant, durant tout le Moyen Âge, les religions dites "païennes", mot qui conserve dans la bouche de beaucoup une exécrable connotation péjorative, n'eurent d'autre possibilité que de reculer face à l'application et à l'acharnement dont firent preuve leurs ennemis afin de les annihiler. La christianisation de l'Europe jusqu'à l'Elbe s'achevait donc.
 
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vec la division de l'empire carolingien et la période incertaine qui entraîna le rattachement de la Lotharingie au pays des Francs de l'Est, c'est à un phénomène essentiel de l'histoire de l'Europe que l'on est confronté : l'apparition de deux nations en gestation, la France et l'Allemagne à laquelle échut la dignité impériale, héritière de la tradition romaine. Si les relations entre ce qui allait devenir en 962 l'empire germanique et la papauté furent par la suite très complexes et troublées, le thème de la religion permettait de retrouver un sujet d'entente, ce qui se fit aux dépens cette fois des Slaves qui, après les invasions barbares avaient occupé les terres orientales délaissées par les Germains. Ainsi commença le Drang nach Osten. Une fois encore, il s'agissait pour le pouvoir temporel d'étendre ses domaines vers des terres susceptibles d'être colonisées tandis que les autorités spirituelles y voyaient le moyen de poursuivre l'évangélisation, la Bible dans une main et l'épée dans l'autre. Plusieurs croisades furent menées, contre les Obodrites, les Wilzes, les Wendes, les Borusses -dont est issu le nom de la Prusse- et jusque dans les pays baltes. Chez les Scandinaves, la christianisation ne s'accompagna pas des mêmes objectifs territoriaux, d'où une apparente transition moins violente, exception faite du Danemark.
 
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ntre l'expansion carolingienne et la conversion des Scandinaves d'Islande ne s'écoulèrent que deux siècles qui suffirent à précipiter les dieux anciens dans le domaine du Mal, suivant les canons de la nouvelle religion officielle. Quant aux Slaves, soumis à la double pression des catholiques à l'Ouest et des orthodoxes à l'Est, il ne résistèrent pas beaucoup plus longtemps. Les Baltes et en particulier les Lituaniens qui avaient fondé une puissante principauté de la Baltique à la mer Noire furent les derniers à se convertir en 1386, soit près de quatre siècles après les Scandinaves. Le paganisme ne subsistait plus que dans quelques territoires reculés, inhospitaliers et très peu peuplés. La suite ne fut dès lors qu'une formalité.
 
               
  Dagobert I
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  Roi des Francs (629-639). Fils aîné de Bertrude et de Clotaire II, il fut couronné roi d'Austrasie par son père en 623. A sa majorité, Dagobert échappa à ses tuteurs (Pépin de Landen et Arnoul, évêque de Metz), puis évinça son frère Caribert après la mort de leur père pour se faire reconnaître roi en Bourgogne et en Neustrie: c'est par ces manœuvres politiques qu'il reconstitua le «regnum Francorum». D'après son chroniqueur Frédégaire, le «bon» roi Dagobert était tout aussi cruel et débauché que ses prédécesseurs, mais contrairement à ces derniers, il sut s'entourer de conseillers de valeur, tels que le trésorier Didier, le référendaire Dadon (futur saint Ouen) et l'orfèvre Eligius (futur saint Eloi). 
 
  Il se montra également un bon administrateur, cherchant à restaurer l'ordre dans son royaume. Ainsi, il combattit les Wendes en 632, soumit les Gascons en 637, les Bretons par l'intermédiaire du prince de Domnonée, Judicaël, et il signa un traité avec l'empereur de Byzance. Dagobert dut diviser son royaume entre ses deux fils: Sigebert III reçut l'Austrasie en 634 et Clovis II, la Neustrie en 639, ce qui annonçait un retour au désordre. 
  Le roi Dagobert vouait un culte tout particulier à saint Denis, et les fouilles récentes ont montré qu'il était à l'origine de l'agrandissement de l'oratoire, construit sur le lieu supposé de la sépulture du saint, ainsi que de la fondation de l'abbaye bénédictine. Il la combla de ses faveurs et y installa des moines, qu'il autorisa à ouvrir un marché pour y vendre leur vin. Ce marché devint rapidement une plaque tournante du commerce avec l'Angleterre et les pays du Nord, siège des foires du lendit. 
  Mort à Saint-Denis, près de Paris, vers 639, Dagobert fut le premier d'une longue série de rois à être inhumé dans l'église, devenue le mémorial de la monarchie.   
  Dagobert
 
  Fils de Clotaire II et de Berthe, Dagobert est né vers 610.
 
  Afin de satisfaire le particularisme de l’aristocratie austrasienne, que dominaient le maire du palais Pépin de Landen et l’évêque de Metz Arnoul, son père l’avait envoyé en Austrasie comme roi dès 623.
 
  Monnaie d'or représentant Dagobert Ier
 
  Dagobert devint l’unique roi des Francs à la mort de Clotaire II en 629 et surtout après la mort de son frère, Caribert en 632, à qui il avait dû laisser le gouvernement d’une partie de l’Aquitaine et du Languedoc. Il dut cependant composer à son tour avec les exigences de l’aristocratie et donner pour roi aux Austrasiens son fils Sigebert en 634, alors en bas âge. Afin d’éviter que celui-ci ne s’approprie un jour la totalité du royaume, Dagobert attribua de son vivant à son second fils, Clovis II, la Bourgogne et la Neustrie.
 
  Pendant les dix années de son règne, Dagobert a joui d’un pouvoir absolu, et la postérité en a gardé le souvenir, embelli par la comparaison avec ses médiocres successeurs. Il fit reconnaître son autorité par les Saxons, les Gascons (en 637) et les Bretons, intervint dans les affaires intérieures du royaume Wisigoth d’Espagne, entretint de bonnes relations avec Byzance et tenta de s’opposer, avec les Saxons, les Thuringiens, les Alamans et les Lombards, à la poussée de la nouvelle puissance slave et partulièrement les Wendes qu'il vainquit en 632. Le prestige personnel de Dagobert, qui lui assura la soumission absolue de son royaume, fut tel, hors de ce royaume, qu’aucun roi des Francs ne l’égala plus avant l’avènement de Pépin le Bref.
 
  Il meurt en novembre 639
 
  Outre le rétablissement de son pouvoir sur l'ensemble de son royaume, Dagobert Ier entreprit de nouvelles guerres extérieures contre des peuples plus ou moins menaçant. Il organisa une expédition contre les Slaves qui lentement migraient dans toute l’Europe de l'Est et venaient de s'établir en Moravie et en Bohème. Un commerçant franc, Samo, parvint à organiser et à diriger une puissante tribu slave, les Wendes. Mais en les laissant massacrer des Francs, Samo défiait indirectement Dagobert. Refusant de châtier les auteurs du massacre, Samo suscita contre lui une riposte militaire. En effet, Dagobert Ier mit sur pied une grande armée dirigée par Chrodeberg. Or, après des débuts prometteurs, ce dernier fut finalement défait en 631 en Bohème, à Wogstisbourg. Malgré cela, Dagobert Ier persista à poursuivre la guerre et vainquit en définitive les Wendes même s'il ne put les soumettre à son pouvoir. Par la suite, il combattit  victorieusement les Wisigoths puis imposa sa souveraineté dans le turbulent duché de Thuringe. Toutes ces expéditions avaient l'avantage de rapporter de nombreux butins qui permettaient d'enrichir le roi et l'aristocratie franque. Cette dernière voyait plus d'intérêt à soutenir le roi qui les enrichissait plutôt que de le combattre.
 
 
  Les rivalités, l'ambition, les mesquineries qui assombrissent l'histoire de l'Europe, au moyen âge, ne tardèrent pas à pénétrer également dans le petit royaume chrétien de Jérusalem. L'idéal religieux auquel il devait son origine n'était pas éteint, sans doute, et se manifestait même de bien des manières, mais les intrigues de famille, l'orgueil, la cupidité jouaient aussi leur rôle. Peu à peu, l'opinion s'était installée au sein de la chevalerie qu'il était honteux pour un chevalier de n'avoir pas fait un voyage cri Terre sainte et, de leur côté, les chevaliers qui séjournaient dans le royaume de Jérusalem pour un temps prolongé en tiraient vanité, à l'égard de ceux qui ne faisaient que le visiter. La cupidité des marchands italiens exerçait aussi une influence démoralisante. Enfin, Constantinople - non sans raison - réclamait la suzeraineté sur le royaume de Jérusalem, et la principauté d'Antioche était plus menacée par l'ambition byzantine que par les musulmans. Mais, surtout, les croisés s'étaient crus trop vite arrivés au terme de leur effort. Quelques-uns seulement avaient conseillé la conquête de la Mésopotamie, faisant preuve en cela, non d'une fantaisie débridée, mais d'un sens politique avisé. On ne les avait pas écoutés et pourtant il est bien évident que, pour n'avoir pas assuré sa domination sur les califes de Bagdad et du Caire, le royaume de Jérusalem était voué à une rapide disparition. Mais les rivalités qui divisaient les musulmans rassuraient les chrétiens. Les Fatimides, qui régnaient en Egypte, étaient hostiles au calife de Bagdad, qui s'était laissé dépouiller de son autorité par différents émirs qui, dès lors, s'étaient dressés les uns contre les autres. Mais l'énergique Atabeg Imadeddlin Zengi, de Mossoul, vainquit ces émirs les uns après les autres et, dès 1137, se tourna contre les chrétiens. A la fin de l'année 1144, Edesse tomba, Edesse qui couvrait la frontière orientale du royaume chrétien. Dès lors, la chute de Jérusalem rie fut plus qu'une question de temps.
  Comme des appels au secours pressants parvenaient en Europe, le pape Eugène III mit tout son zèle à organiser une nouvelle Croisade. Il encouragea le roi de France, Louis VII, à en prendre la tête. Celui-ci accepta ce rôle d'autant plus volontiers qu'il espérait ainsi expier un crime dont le souvenir le tourmentait: l'incendie d'une église dans laquelle un certain nombre de personnes avaient cherché refuge. Puis le pape chargea Bernard de Clairvaux de prêcher la Croisade. Son succès ne faisait aucun doute. Il était respecté partout comme un prophète et un apôtre, et on lui attribuait un miracle. De lourdes responsabilités pesaient déjà sur ses épaules; pourtant, il n'hésita pas à assumer la mission qui lui avait été confiée. Il est vrai qu'il avait pour Eugène III, ancien moine de l'abbaye de Clairvaux, et l'un de ses anciens disciples, un attachement particulier. Il avait reproché aux cardinaux d'avoir placé sur le trône pontifical ce moine timide et conciliant, mais il le soutenait de tout son pouvoir. Il mit donc au service de la Croisade toutes les forces de sa riche personnalité et tout le feu de sa parole. Son succès fut incroyable. Le peuple et la noblesse accouraient à lui par milliers. Lorsque, à Vézelay, en Bourgogne, il parla en plein air devant une assemblée immense, à laquelle s'était mêlé le roi Louis VII, les assistants lui répondirent par le cri: « Des croix, des croix, qu'on nous donne des croix ! » Dans une conversation personnelle qu'il eut avec Bernard, l'empereur Conrad refusa d'abord de se croiser, prétextant que l'opposition des Welf exigeait sa présence dans le royaume. Le pape, d'ailleurs, désirait le retenir en Europe, à cause de la perpétuelle menace que les Normands faisaient peser sur l'Italie. Mais lorsque, quelque temps plus tard, faisant une tournée dans l'Allemagne occidentale et méridionale, Bernard rencontra l'empereur à Spire, il enleva sa décision. Pendant la messe, il se tourna brusquement vers Conrad, lui adressant personnellement un discours enflammé, tandis qu'il le regardait dans les yeux. L'empereur, avec larmes, se déclara prêt à se croiser. C'est à la fin de mai 1147 qu'il partit de Ratisbonne. La plus haute noblesse d'Allemagne l'accompagnait, dont son neveu Frédéric Barberousse, Henri Welf de Bavière, Henri Babenberg et un grand nombre d'évêques, parmi lesquels le fameux chroniqueur Othon de Freising. Suivant le Danube - une partie d'entre elle descendant le fleuve en bateau - l'armée, à laquelle s'étaient joints des Tchèques et des Hongrois, atteignit les Balkans. Les Français les suivirent de près par le même chemin. Mais, à Constantinople, les difficultés commencèrent. Négligeant l'avis de l'empereur Manuel, les Allemands s'obstinèrent à cingler vers l'Asie-Mineure par le plus court chemin; seul, Othon de Freising, à la tête d'une petite troupe, se décida à suivre la côte. Mais au bout de quelques jours, les Seldjoucides attaquèrent avec une telle violence que l'armée allemande dut se retirer; sa retraite ne fut rien moins qu'un combat défensif. A Nicée, elle rejoignit l'armée française. Diminuée d'une grande partie de son effectif, tombé sous les coups des Turcs, elle se dirigea sur Antioche par mer. Freising, lui, débarqua ses forces plus au sud. La vanité et la désunion des chefs de la Croisade vinrent tout entraver. Au lieu de secourir les points les plus menacés, Alep et Edesse, ils allèrent mettre le siège autour de Damas, puis, bridés par un accord secret conclu entre l'émir de cette ville et le roi de Jérusalem, ils renoncèrent sans autre à cette entreprise. Les deux rois d'Occident engagèrent alors leurs armées dans des aventures inutiles. Sur le chemin du retour, Louis VII partit pour la Sicile, accompagné d'Henri Welf, oncle d'Henri le Lion; il y conclut avec Roger II un pacte d'assistance contre les Hohenstaufen. Pendant ce temps, Antioche et Damas tombèrent aux mains de Nureddin, fils et successeur de Zengi. Le sort de Jérusalem se trouva fixé.
  L'échec de la Croisade, entreprise avec tant d'enthousiasme, fit à l'abbé de Clairvaux une peine affreuse. Dans une lettre, il écrivit: « Malheur aux chefs responsables. Ils n'ont rien su faire de bon en Terre sainte. Dès que les premières hostilités ont pris fin, ils se sont hâtés de regagner leurs seigneuries, où ils se livrent à toutes sortes de désordres... Impuissants pour le bien, ils ne sont que trop puissants pour faire le mal ». La véritable cause de l'échec de la Croisade, c'est que l'enthousiasme ardent qui animait le pape Eugène et Bernard de Clairvaux manquait au coeur des croisés. Par sa prédication, Bernard, sans doute, avait allumé un feu qui s'était éteint trop vite.
  A la même époque se produisirent d'autres petites entreprises guerrières que l'on peut, jusqu'à un certain point, considérer comme des Croisades, car un de leurs buts était bien l'expansion du christianisme. Une armée, composée d'Allemands, d'Anglais et de Normands, se rendit dans la péninsule Ibérique, en 1147, appelée par Alphonse de Portugal qui lui demandait de chasser les Maures de Lisbonne; elle y réussit. Albert l'Ours et Henri le Lion organisèrent une campagne contre les Wendes des bords de la Baltique, au cours de laquelle ils se mesurèrent aussi avec les Danois, dans des combats navals. Un détachement de l'armée marcha contre les Abodrites, un autre contre les Poméraniens. Mais la guerre se termina par de vagues compromis.
  A la fin du VIIe siècle, les migrations slaves se trouvaient fixées au bord de l’Elbe, sur les rivages de l’Adriatique et dans le Péloponnèse. Partagés entre Slaves de l’est, du sud et de l’ouest, leurs divers peuples menèrent longtemps encore leur vie de nomades, jusqu’au moment où, spontanément ou contraints par les Germains ou par Byzance, ils se donnèrent une organisation politique et adoptèrent le christianisme. Les Slaves de l’est, en Russie, et les Slaves du sud, dans les Balkans, à l’exception des Croates, ne font pas partie du groupe occidental, de culture latine, mais de celui de l’Europe orientale et doivent être étudiés à part. Au IXe siècle déjà, s’élevèrent entre les diverses tribus des Slaves, au-delà de l’Elbe et de la Saale, Abodrites, Wendes et autres, alors qu’ils choisissaient le lieu de leur résidence, des rivalités armées qui devaient avoir pour conclusion leur assujettissement et leur germanisation. Dès lors, leur histoire se confond avec celle du royaume allemand. En revanche, les rameaux Slaves des Tchèques, des Moraves et des Polonais méritent une attention particulière. Tandis que les Slaves de l’Elbe se montraient politiquement faibles et sans initiative, une activité politique remarquable se manifesta de bonne heure dans le territoire de la Bohème et de la Moravie. Déjà dans la première moitié du VIle siècle, le Franc Samo fonda un royaume qui s’étendait bien au-delà de la Bohème, mais qui disparut avec lui (658). Depuis l’époque de Charlemagne, le territoire de la Bohème et de la Moravie se trouva rattaché à l’empire des Francs par un lien assez lâche. Puis au IXe siècle, sous la domination du prince morave Ratislav (846-870), un grand royaume se constitua qui, outre la Bohême et la Moravie, comprenait la Slovaquie et s’étendait plus loin jusqu’à l’Elbe et à la Saale au nord et à la Tisza au sud. Ainsi les Slaves de l’ouest se trouvèrent rassemblés en un seul Etat national dans lequel, au temps de Ratislav, des missionnaires allemands de Salzburg et de Passau apportèrent le christianisme. 
  Quatorze seigneurs tchèques se firent baptiser à Ratisbonne, en 845. Mais, là-dessus, un grave conflit éclata entre missionnaires. Ratislav, obéissant à son antipathie pour la mentalité allemande, demanda à l’empereur d’Orient, Michel III, de lui envoyer quelques missionnaires. Cyrille et Méthode, deux moines d’une haute culture, furent envoyés de Salonique, mais, fort malheureusement pour la cause chrétienne, ils entrèrent en conflit avec les évêques allemands qui voyaient en eux des rivaux. Ils avaient commencé à traduire la Bible en langue slave et célébraient le culte dans la langue populaire, ce à quoi les missionnaires allemands s’opposaient avec violence. Le litige fut porté à Rome, où Cyrille devait mourir, mais Méthode sortit victorieux de la lutte. Cependant, après sa mort, en 885, l’influence allemande devint prépondérante en Bohème et le rite latin fut introduit dans les cérémonies du culte. Les Slaves de l’ouest regardèrent résolument vers Rome et l’Occident, ce qui, à l’époque, avait d’autant plus d’importance que la rupture inévitable entre Rome et Constantinople allait se produire. 
  L’empereur Arnoulf engagea une lutte à mort contre Swatopulk, successeur de Ratislav et appela les Hongrois à l’aide. Le grand royaume morave succomba sous leurs coups (906); mais la Bohème se releva bientôt de ses ruines et enfanta un nouvel Etat des Slaves de l'ouest, le duché - plus tard royaume - de Bohème. Les Tchèques furent les véritables soutiens de cet Etat dont les souverains appartenaient à la famille des Premyslides. La citadelle de Prague devint le centre d’un Etat et d’une civilisation. 
  Les Premyslides se fixèrent deux buts: faire l’unité des Slaves de l’ouest et fortifier la civilisation chrétienne; ils surent atteindre l’un et l’autre parfaitement. Wenzel Ier (920-929), par un accommodement avec le roi Henri l’Oiseleur, régla la question des relations de son duché avec l’Allemagne, dont il reconnut la suzeraineté, et introduisit définitivement son peuple dans le domaine de la civilisation chrétienne de l’Occident. Mais il devait périr assassiné, sans doute victime d’une conjuration dont son frère Boleslav était le chef et dont les membres, encore païens, haïssaient toute influence allemande. Othon Ier jugula la rébellion de Boleslav et rétablit les choses dans leur ancien état. Les missions chrétiennes reprirent leur activité et furent définitivement conduites par l’Église d’Allemagne. Avec l’assentiment du pape et du grand évêque Wolfgang de Ratisbonne, un évêché fut fondé à Prague en 973. Ainsi la Bohème eut son centre ecclésiastique propre, quoique le nouvel évêché se trouvât dans la dépendance de celui de Ratisbonne. Par la suite, les relations avec l’empire devinrent beaucoup moins solides et moins précises. 
  C’est au Xe siècle que les Polonais entrent vraiment dans le champ de l’histoire. La dynastie des Piastes fonda un Etat qui groupa divers peuples slaves entre l’Oder et la Vistule. Mieszko (960-992), prince capable et qui voyait clairement le but à atteindre, se laissa gagner au christianisme par son épouse tchèque Dubravka, et imposa le christianisme à son peuple. Des raisons politiques semblent avoir pesé d’un grand poids sur ses décisions. En effet, c’est par l’adoption du christianisme que Mieszko pouvait prévenir le plus sûrement le danger allemand, puisque les Allemands ne pourraient plus dissimuler leur ambition de conquête sous le prétexte de se protéger contre des païens ignorants. Toutefois, il semble que Mieszko ail toujours reconnu la suzeraineté de l’Allemagne, et l’évêché de Posen, qui fut fondé sous son règne, fut ensuite placé sous la dépendance de celui de Magdebourg. Ainsi la Pologne se trouva, à son tour, orientée vers Rome et l’Occident, ce qui constitue l’un des faits les plus importants de son histoire. Mais de lui découle un autre fait digne de réflexion: la fissure qui partagea dès lors en deux le monde slave; les Slaves de l’est et du sud (à l’exception des Croates et des Slovènes) entrèrent dans l’orbite de Constantinople dont ils adoptèrent les idées religieuses et la culture, tandis que les Slaves de l’ouest (Tchèques, Slovaques, Polonais) se rattachaient à l’Occident latin. 
  Les premiers maîtres de la Pologne furent les plus remarquables de tous ceux qui la gouvernèrent au cours de son histoire. Au grand Mieszko succéda un fils plus grand encore, Boleslav Chrobry (c’est-à-dire le Vaillant) (992-1025). C’était un homme d’une énergie puissante et un politicien réaliste et sans scrupule. Il sut utiliser à ses fins propres l’idéalisme stérile de l’empereur Othon III. Avec son assentiment et celui du pape, il fonda l’archevêché de Gnesen, détacha ainsi la Pologne de I’Eglise allemande et donna au pays son propre centre religieux. Des conquêtes militaires furent nécessaires au succès de ses visées politiques et culturelles. Boleslav s’empara de Cracovie, de la Silésie et de la Slovaquie, jusque-là possessions de la Bohème. Après la mort d’Othon III, il pénétra en Allemagne et occupa la Lusace et Meissen, voire même Prague. Il s’ensuivit une guerre de quatorze ans avec l’empereur Henri Il, qui se termina tout à l’avantage de la Pologne. Boleslav, il est vrai, dut reconnaître formellement la suzeraineté du roi d’Allemagne, mais il conserva ses conquêtes. Du côté de l’est, il agrandit aussi son domaine et, pour quelque temps, retint même Kiev sous son sceptre. Ainsi fut constitué un grand royaume de Pologne qui s’étendait de la Baltique à la Moravie et du Boug jusqu’à l’Elbe. Peu avant sa mort, Boleslav compléta son oeuvre en se faisant couronner roi
  Mais le jeune Etat n’avait pas une organisation intérieure solide; si bien qu’il s’effondra rapidement dans la confusion qui suivit la mort de ce grand prince. 
 
 
 
 
 
Initiales de l'auteur
  Des origines à l'avènement des Jagellons
  1386
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 La Pologne des premiers Piast (966-1138) 
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 Morcellement et réunification de la Pologne (1138-1370) 
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 La dynastie hongroise (1370-1386) 
 
 
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  La Pologne des premiers Piast (966-1138) 
  En 966, en épousant la princesse Dubravka , sœur du duc de Bohême Boleslav I er , et en se convertissant à la foi chrétienne, Mieszko I er , prince des Polanes (963-992), entrave la poussée germanique et évite que l'évangélisation des Slaves païens se fasse sous l'autorité du Saint Empire. A long terme, il incorpore la Pologne, pays isolé et perpétuellement voué à la défensive, à l'Europe.   
 
  Il entreprend en 983 de parachever la conquête, commencée au début de son règne, de la Poméranie occidentale avec le castrum de Stettin et le littoral de la Baltique. Après la mort de Dubravka, il épouse Oda, fille du duc de la marche du Nord Brandebourg, rompt son alliance avec la Bohême, et se lance dans la conquête de la Petite Pologne de Cracovie et de la Silésie. Vers 990, dans le souci de protéger l'indépendance de son Etat et d'obtenir pour son fils une couronne royale, Mieszko I er fait don de son royaume au Saint-Siège.   
  Le fils de Mieszko, Boleslas Ier Chobry («le Vaillant», 992-1025), étend les frontières de l'Etat tout en ménageant de bonnes relations avec l'empereur Oton III (983-1002); toutefois, lorsqu'il tente de soumettre les Vélètes (Wendes) de la Lusace, il se heurte à leur protecteur, l'empereur Henri II de Bavière. En revanche, en 1003-1004, il conquiert la Bohême, la Moravie, la Lusace et le pays de Milsko (Milzenland). Mais la Bohême est reprise par Henri II en 1018 ; la paix conclue à Budisyn laisse au duc de Pologne le Milzenland, la Lusace et la Moravie. Il s'empare ensuite des territoires du Bog et du San avec les places fortes de Czerwien et de Przemysl. Boleslav, qui entretient des relations épistolaires avec les empereurs de Byzance et avec le pape, obtient de ce dernier, en 1000, la création de l'archevêché de Gniezno, qui fait de la Pologne une province ecclésiastique dépendant directement de Rome. En 1025, il se fait couronner roi avec le consentement du pape.   
  Avec ses successeurs, Mieszko II, Casimir Ier le Rénovateur, Boleslas II le Hardi et Boleslas III Bouche-Torse (1102-1138), s'ouvre une période de crise (1034-1040) puis de relèvement de la monarchie. Débauché et ivrogne, Mieszko II (1025-1034) compromet l'œuvre de son père : son règne est marqué par de nombreuses révoltes et il doit finalement reconnaître la suzeraineté de l'empereur Conrad II. Confronté aux appétits du Saint Empire, aux révoltes des nobles et aux invasions des Mongols et des Lituaniens païens en Grande Pologne et en Mazovie, le pays se disloque en duchés indépendants, même s'ils restent liés encore par le sentiment d'appartenance à une langue, à une religion et à une culture commune. 
  En 1037, Casimir I er le Rénovateur (1038-1058) est chassé par ses sujets révoltés et ce n'est qu'avec l'aide de l'empereur Henri III qu'il parvient à rétablir son autorité, l'année suivante. Boleslas II le Hardi, qui lui succède (1058-1079), mène des guerres victorieuses et prend la couronne royale en 1076, mais, après une expédition malheureuse contre Kiev, il se heurte à une rebellion des barons et des prélats, adversaires d'un pouvoir monarchique fort; excommunié après avoir fait exécuter l'évêque Stanislas de Cracovie, il doit s'exiler. Sorti vainqueur d'une lutte contre son frère Zbigniew qui lui disputait la succession, Boleslas III Bouche-Torse (1102-1138) parvient à réunifier la Pologne et recouvre la Poméranie occidentale perdue par ses prédécesseurs (1135), mais il procède au partage de la Pologne entre ses fils, dont l'aîné portera le titre de prince suzerain.   
 
  Morcellement et réunification de la Pologne (1138-1370) 
  La rivalité des prétendants au trône du prince suzerain établi à Cracovie entraîne de nombreuses guerres civiles. Le morcellement de la Pologne s'aggrave par la création de nouvelles principautés qui se rendent indépendantes, entraînant un affaiblissement de plus en plus marqué de l'autorité des princes suzerains en faveur du grands seigneurs ecclésiastiques et laïcs qui les déposent à leur gré. Ainsi, après Boleslas IV (1146-1173), Mieszko III (1173-1177) est renversé par les aristocrates, qui le remplacent par son frère Casimir II (1177-1194).  
  De nombreux colons allemands s'établissent en Poméranie occidentale et en Basse-Silésie, ce qui amène une germanisation de ces provinces. La marche du Brandebourg s'empare d'une partie des provinces occidentales de la Pologne. La situation s'aggrave en 1226, lorsque les chevaliers Teutoniques, venus évangéliser les Prussiens, se retournent contre leurs hôtes polonais, conquièrent la Prusse et fondent un Etat indépendant. Le 14 novembre 1308, les Teutoniques entrent dans Gda4sk, dont ils massacrent la population, et s'emparent de la Poméranie orientale. S'ajoutent aussi, depuis 1241, les ravages récurrents des invasions mongoles, qui dévastent le pays. Cependant, la conscience des dangers politiques, renforcée par une forte identité linguistique, culturelle et religieuse (métropole ecclésiastique de Gniezno) suscite une tendance à la réunification du pays. 
  Après un morcellement de deux siècles, où les duchés étaient divisés en châtellenies autour d'un château tenu par un baron féodal, un souverain énergique Ladislas I er le Court (Wladislaw Lokietek, 1260-1333) parvient à reconstituer un royaume amputé en réunissant la Grande et la Petite Pologne ainsi que la province de Kujawie (ou Cujavie, région située entre la Grande Pologne et le duché des chevaliers Teutoniques). En 1320, il consacre la réunification du pays en recevant à Cracovie la couronne royale que porteront désormais tous ses successeurs.  
  Son fils, Casimir III le Grand (1333-1370), rétablit l'Etat, et son règne est une ère de prospérité et d'épanouissement (selon l'expression polonaise, Casimir le Grand trouva une Pologne en bois et laissa à sa mort une Pologne en briques). Ce «roi de paysans», protecteur des Juifs (il accueille ainsi 300 communautés ashkénazes fuyant les pogroms d'Allemagne, et une «ville juive» se forme à Cracovie), réforme l'Etat, instaure la monnaie, codifie les lois, encourage le commerce et favorise l'émergence des villes en Petite et Grande Pologne; il fonde l'université de Cracovie en 1364. Il sait aussi conclure la paix avec Jean de Luxembourg en persuadant celui-ci de renoncer au trône de Pologne, et négocier par le traité de Kalisz avec les chevaliers Teutoniques la réincorporation dans son royaume de la Kujawie et de la terre de Dobrzyn en acceptant de perdre la Poméranie de Gdacsk. Il rencontre cependant un échec en 1348 avec les deux ducs Piast de Silésie, qui préfèrent rester sous la suzeraineté de la Bohême ; la région la plus riche et la plus peuplée du royaume échappe ainsi définitivement à la Pologne. 
  Par une longue guerre qui dure de 1348 à sa mort, Casimir III poursuit une politique de conquêtes en direction de l'Est. Il obtient ainsi les territoires de Halicz, de Przemysl et de Lvov. Il s'emploie à poloniser les Slaves orthodoxes qui peuplent ces régions, créant notamment à Lvov un archevêché catholique. Avec lui s'achève la dynastie des Piast. N'ayant pas de fils, il désigne son neveu, l'Angevin Louis I er le Grand, roi de Hongrie, pour lui succéder (1370).   
 
  La dynastie hongroise (1370-1386) 
  Louis I er le Grand, n'ayant pas d'héritier mâle, accorda de nombreux privilèges aux nobles afin d'assurer à sa mort (1382), le trône à sa fille, Hedwidge d'Anjou, âgée de treize ans; devenue reine de Pologne (1384), Hedwige épouse en 1386 le grand-duc de Lituanie, Ladislas (Wladislaw) Jagellon; celui-ci se convertit pour l'occasion au christianisme, et évangélise son pays. De ce mariage date l'union - personnelle au commencement -, de la Lituanie et de la Pologne, événement capital dans l'histoire de la Pologne. 
  [...itch.] Les Slaves d'Autriche et les Magyars. Études ethnographiques, politiques et littéraires sur les Polono-Galliciens, Ruthènes, Tchèques ou Bohèmes, Moraves, Slovaques, Sloventzis ou Wendes méridionaux, Croates, Slavons, Dalmates, Serbes, etc. Et les Hongrois proprement dits ou Magyars, Paris : Passard, 1861.
  Avant-propos 1
  Les Slaves d'Autriche 3
  I. Situation actuelle de l'Autriche 18
  II. Constitution de l'Autriche 31
  III. Nationalités 49
  IV. Nationalités politiques de l'Autriche au point de vue politique et historique 67
  V. Nationalités des États de l'Autriche au point de vue des races et de l'idiome 91
  VI.- Les Magyars et leurs rapports avec les autres nationalités historiques et ethnologique des pays hongrois 121
  VII. Luttes des nationalités d'Autriche en 1848 141
  Conclusion 163
         
 
 
  [1]
  AVANT-PROPOS
  On lit dans le journal le Nord, du 18 août 1860 :
  Nous avons souvent été à même, à notre grand regret, de constater dans plusieurs journaux, lorsque la question des races slaves s'y trouvait évoquée, un défaut essentiel de notions et de renseignements sur une des plus graves questions qui intéressent l'avenir de l'Europe. Nous croyons devoir en conséquence ouvrir nos colonnes à un travail considérable sur les populations slaves de l'Autriche, dû à la plume la plus autorisée et la plus marquante dans cette matière. Nous publions ce travail, sur lequel nous
  [2]
  appelons toute l'attention de nos lecteurs , sans en rien retrancher, nous réservant le droit de présenter, sous forme de notes, les observations que certains passages pourraient nous suggérer.
  [3]
  Les Slaves d'Autriche
 
  L'Autriche est malade, bien malade! Voilà un mot prononcé d'abord par un homme du parti conservateur en Autriche et répété cent fois dans les journaux, de sorte qu'il a passé en proverbe. Mais si tout le monde est d'accord sur la maladie, les opinions sur son caractère, sur les causes, sur la possibilité d'y apporter remède et les,moyens à employer diffèrent considérablement.
  Il est inutile de dire que les suites de cette maladie peuvent avoir des conséquences de la plus haute importance pour toutes les nations de l'Europe; car si le malade devait succomber, les disputes qu'entraînerait le partage d'un héritage aussi riche se
  [4]
  raient bien autrement graves que celles que pourrait entraîner le partage de la Turquie. Si un édifice aussi élevé venait à s'écrouler, les débris en tomberaient bien loin, sans doute. Il importe donc bien à tout le monde de se préoccuper de la possibilité d'un pareil événement et de chercher à connaître l'état des choses. En outre, cette Autriche est une construction bien singulière. Ce n'est pas un État comme les autres; ce n'a jamais été qu'un assemblage de différents États, plus ou moins indépendants, placés au centre de l'Europe et réunis sous un seul sceptre. Dans cet assemblage se trouvent des portions considérables, des trois grandes familles de la noble race indo-européenne, qui ont créé la civilisation et se sont partagé la vieille Europe, d'où elles dominent le monde; je parle des familles latine, germanique et slave. Par conséquent, si cet assemblage de nationalités dont se compose l'Autriche venait à se dissoudre, ces trois familles y seraient fortement intéressées.
  Malheureusement, il n'est pas facile de se procurer, par les journaux du pays et de l'étranger, des renseignements exacts sur la situation, les souffrances et les besoins de l'Autriche. Ceux qu'on trouve dans la presse française, anglaise ou alle-
  [5]
  mande ne sont que trop souvent faussés par l'esprit de parti. Les correspondants sont tous ou presque tous des Allemands ou des Hongrois émigrés, qui aiment à représenter les choses au point de vue exclusif de, leur nationalité et qui souvent n'ont pas même une idée bien juste des changements survenus dans les rapports entre les différents peuples soumis à la domination autrichienne. Cependant, à côté de la race allemande, et de la race hongroise, il existe une qui, à elle seule, constitue presque la moitié de ce vaste empire, sur laquelle repose principalement la force militaire de l'Autriche et. dont les sympathies et les antipathies ont toujours exercé une très grande influence sur ses destinées. C'est elle qui, en 1848, a sauvé la monarchie, pour ainsi dire presque malgré elle, et qui, probablement, est appelée à décider encore une fois de son sort. Ainsi, jusqu'à présent, on n'est instruit, qu'à demi sur l'état de l'Autriche, parce que les Slaves, qui n'ont pas de rapports suivis avec la presse de l'Occident, comme les Allemands et les Hongrois, ne peuvent dévoiler leur situation ni leurs tendances politiques.
  Quant à la presse périodique du pays elle est opprimée à un tel point qu'on a même saisi des jour-
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  naux semi-officiels, et c'est à cause de cette oppression et de la sévérité de la police que quelques-unes des nations sujettes à l'Autriche n'ont pas d'organe politique in, organe de la noblesse gallicienne. Les Magyars ne sont guère mieux partagés. Aux Bohèmes, dont la littérature est si féconde et si active, le gouvernement refuse obstinément toute concession pour la fondation d'un journal politique indépendant. Il se flatte de mieux servir la population bohémo-slave de 7 millions d'âmes, en publiant lui-même trois journaux officiels. De même il n'y a que des journaux officiels pour les Slaves du Sud, pour les Vallaques (Roumains) de la Transylvanie et de la Hongrie, et pour les Petits-Russiens de la Gallicie. Les Serbes orthodoxes de l'Autriche avaient une seule feuille périodique ; le gouvernement l'a supprimée, parce qu'elle ne voulait renier ni sa foi, ni sa nationalité. On connaît quelle liberté est accordée à la presse italienne ! Mais au moins les Italiens ont un point d'appui dans la presse piémontaise et dans la presse étrangère, qui se font l'écho de leurs doléances et s'en préoccupent. Au reste, quand même la presse autrichienne serait plus indépendante qu'elle
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  former qu'une idée imparfaite des choses, et peu conforme à la réalité.
  Cela étant, la presse française et la presse anglaise sont forcées de puiser à une source altérée, c'est-à-dire dans la presse allemande, la plus grande partie de leurs informations. Voici pourquoi la maison d'Autriche ne saurait oublier l'éclat que jetait jadis autour d'elle la couronne d'Allemagne, qu'elle garde encore de nos jours soigneusement à Vienne dans la chambre du trésor, et qu'elle espère replacer un jour sur sa tête. Dans cette espérance elle aime à se poser, devant le monde allemand, comme le champion le plus ardent de l'esprit et de la nationalité allemands, comme un propagateur zélé des idées germaniques, parmi les peuples qui composent soit empire. Il faudrait cependant une bonne dose de naïveté pour croire à cette propagande: l'Autriche actuelle ne peut admettre aucune idée de progrès, dont les Allemands puissent s'honorer. Pourtant ces bons Allemands aiment à croire à la propagande autrichienne et se, laissent bercer de cette illusion, parce que, avant tout, ils chérissent l'idée qu'ils sont destinés à porter la. civilisation dans l'Est, c'est-à-dire à y dominer ! Le doux chatouillement de cette opinion, qui est fixe chez eux,dédommage cette na-
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  tion, d'ailleurs si respectable sous beaucoup de rapports, du peu d'influence qu'elle a, comme nation, sur la haute politique européenne. A cause de cette injuste ambition des Allemands de dominer leurs voisins, et de leur imposer leur langue et leur littérature avec l'aide d'une dynastie allemande, l'Autriche après cent échecs devant l'opinion publique, est toujours parvenue à reconstituer son parti dans la presse du pays, pour faire approu ver sa politique a l'extérieur et applaudir à son administration à l'intérieur. L'organe le. plus dévoué à la politique autrichienne est la Gazette d'Augsbourg, qui ne cesse d'insulter ces pauvres nations sutjettes de l'Empire, en les représentant comme des races inférieures, incapables d'une civilisation propre et forcées, par leur nature, de se soumettre à la conduite et à la domination de la race allemande. Gagner tous ces peuples à la domination. de l'Allemagne, c'est, d'après cette gazette, la sainte mission de l'Autriche, et tout bon Allemand doit lui prêter son concours, sans y regarder de trop près, parce, qu'il s'agit d'une cause nationale. La presse dévouée à l'Autriche, flattant, par une argumentation aussi perfide, ce faux orgueil national des Allemands, leur persuade de prendre parti contre ces peuples et de trouver bonnes,quelles
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  qu'elles soient, les mesures que, le gouvernement emploie pour étouffer les efforts qu'ils font afiin de donner la vie à leur nationalité et de se développer dans leur individualité. Il est convenu de considérer tous les pays de l'Autriche comme autant de provinces d'une Allemagne future, et les nations qui les habitent, comme des vassales de la race allemande ; on doit donc considérer comme un crime toute tentative de leur part pour arriver à une vie propre et nationale. Cette avidité de dominer éblouit même souvent des libéraux honnêtes et leur fait seconder les tendances réactionnaires du gouverne ment autrichien ; cela se voit tous les jours à l'égard des Slaves et des Magyars, et nous l'avons vu dernièrement dans la question des Principautés. Toute la presse allemande, presque sans exception, s'est mise à la remorque de l'Autriche et a montré une malveillance extrême contre une pauvre nation, dont le seul tort envers l'Allemagne était de sentir trop vivement combien elle avait été négligée sous le joug des Turcs, et de vouloir devenir quelque chose par l'union et par ses aspirations à la liberté et à une civilisation propre. C'est encore ce faux orgueil national qui, pendant la dernière guerre d'Italie, a grossi énormément le parti de l'Autriche
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  La Gazette d'Augsbourg, oubliant toute morale et toute dignité, ne cessait de répéter que dans cette guerre il ne s'agissait au fond ni de la justice de l'administration de l'Autriche, ni de ses droits sur les pays italiens, mais que tout bon Allemand devait la soutenir, parce que « l'Italie est la seule terre au monde où l'Allemand peut agir en maître. &ra C'est ainsi que la réaction autrichienne peut soulever, en Allemagne, un brouillard factice de faux esprit national, qui séduit le peuple et le porte, par ses idées de conquêtes, à convoiter les champs d'autrui, au lieu de s'occuper exclusivement de ses possessions réelles, et de pousser aux réformes nécessaires de sa vie politique afin d'arriver au plus tôt à cette uniter nationale qui lui est si chère. Il n'y a que les esprits supérieurs et les hommes vraiment libéraux qui parviennent à percer ce brouillard. Écoutez le célèbre Vogt, comme il se moque, et avec raison, de ce butor aristocratique allemand à qui le plaisir de commander aux esclaves cause une démangeaison de plaisir. Le même écrivain donne aux Allemands le conseil salutaire de s'en tenir strictement et dans toute la portée des mots au proverbe français : il faut laisser l'Allemagne aux Allemands; c'est-à-dire il faut laisser à chaque nation ce qui lui re-
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  vient. Malheureusement , la presse allemande est bien loin d'adopter ce principe à l'égard des Slaves, des Magyars et des Roumains de l'Autriche. Elle est presque unanime à dénoncer au monde comme des actes d'hostilité contre l'Allemagne tous les efforts de ces peuples qui tendent à défendre contre les empiètements du gouvernement et à développer leur nationalité ; d'après elle, ne point accepter le bienfait que leur offre le gouvernement d'introduire dans leurs écoles la langue allemande, c'est méconnaître la supériorité de la civilisation allemande, c'est, de leur part, un entêtement aveugle qui repousse la civilisation. On traite de fanatiques du nationalisme tous ceux qui veulent conserver, et, au besoin, défendre leur nationalité : de sorte que, suivant cette presse, on devrait appeler fanatique de la propriété quiconque veut conserver, et, à l'occasion, défendre son bien. Le titre de fanatiques du nationalisme siérait bien mieux et avec plusde raison à ceux qui, non contents de leur nationalité, veulent, absorber celle d'autrui. Ces injustes prétentions, cet orgueil mal entendu, font que les questions qui s'élèvent entre les populations non allemandes de l'Autriche et leur gouvernement sont toujours discutées au point de vue allemand, et ja-
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  mais comme une affaire à part, exclusivement autrichienne. Tout au plus on examine si. le résultat de ces questions de nationalités profitera à l'un ou à l'autre des deux rivaux qui se disputent l'hégémonie ou la couronne d'Allemagne.
 
  Je ne suis pas arrivé à noter précisément sur les divers papiers manuscrits, en ma possession, si le nom est "BRIESENMEISTER" ou "BRIESEMEISTER". Dans un message datant de 1999, un professeur de l'université de Iena Monsieur Dietrich Briesemeister m'avait envoyé une explication sur ces deux noms.[FBB-03-09-07]
  Voici la lettre que j'ai reçue :
  Madame,
 
  J'ai bien reçu votre lettre électronique dirigée au professeur K..
 
  En effet, je peux vous donner quelques informations sur mon (ou notre) nom de famille. Que je sache, il y a plusieurs explications. Comme désignation toponymique on trouve des noms (surtout autour de Berlin) comme Brieselang, Brießnitz (Br_zecy), Briesnig, Briest, Brieske, Briesing (Brjazyna Dolna Lu_yca), Britz, Briesen, qui sont d'origine slave (une tribu des Wendes, de Lusace, minorité qui encore aujourd'hui parle cette langue slave). Si je ne me trompe le mot dérive de breza, brjazka (forme diminutive), c'est à dire bouleau (du latin betula, arbre très répandu à l'est sur des sols aréneux peu fertiles, Apparentement il y a aussi un village Bries (Brezno) en Silésie. Il semble donc possible que le nom de votre mari dérive du polonais, peut-être pouvez-vous trouver dans le document de naturalisation la forme d'origine complète.
 
  Le nom Briesemeister désigne un maître-artisan (Meister = maître, du latin magister), cordelier ou passementier. En moyen haut allemand brise signifie passepoil, cordon, bordure. Si le nom de votre mari dérive de Briesemeister, il n'est donc pas d'origine slave.
  Ce nom n'est trop rare en Allemagne. La famille de mon père vient de Brandebourg, province prussienne. Il y a aussi de nombreux émigrants aux États Unis. D'après ce que je sais, il y a eu une forte immigration en Prusse au XVIIIième siècle, sous le roi Frédéric II, qui appelait des artisans à travailler là, où il y avait une grande demande de passementiers pour tisser les bordures des uniformes et robes. La Silésie fut conquise sur les Autrichiens en 1741, sauf une petite partie devenue ensuite tchèque. La Silésie prussienne céda en 1919 sa partie méridionale à la Pologne. Le reste constituait les provinces prussiennes de Haute et de Basse Silésie jusqu'en 1945. Depuis là, toute la Silésie appartient à la Pologne.
 
 
  Dans les plaines de la Tisza et du Danube, presque complètement dépeuplées depuis l’anéantissement des Avars, se précipita, vers la fin du IXe siècle, le peuple asiatique des Hongrois ou, comme ils s’intitulaient eux-mêmes, des Megy-Eri (Magyars). Ils n’étaient pas indo-européens, mais un rameau des peuples primitifs uralo-altaïques, donc apparentés aux Huns, aux Turcs et aux Finnois. Leur chef Arpad (896-907) rassembla leurs sept rameaux en une sorte d’unité politique et exerça sur eux une puissante autorité. Alors commença l’époque des violentes attaques des Hongrois contre l’Occident, qui durèrent un demi-siècle et répandirent la terreur dans l’Europe occidentale. Les chroniqueurs du temps parlent avec effroi de l’apparition des Hongrois et de leurs moeurs; ils les disent horriblement cruels et laids, des diables à forme humaine. Mais c’est là des portraits comme on a coutume d’en peindre de l’ennemi. En réalité, les Hongrois ne différaient pas des autres hordes de pillards du temps des grandes migrations, mais ils sévissaient de façon effrayante dans les pays civilisés. Là où ils avaient passé sur leurs montures rapides, leur route était jalonnée de cadavres et de ruines fumantes. Comme jadis les Avars, ce qu’ils cherchaient à se procurer, ce n’était pas le sol, mais du butin. Ils pénétrèrent en Lombardie à l’aurore du Xe siècle, mirent fin à la Marche allemande de l’est, battirent les derniers Carolingiens d’Allemagne et pillèrent le sol allemand année après année. Le couvent de Saint-Gall, entre autres, fut attaqué à l’improviste par une troupe de Hongrois en 926. 
  Les Allemands apprirent à se défendre momentanément contre ces cavaliers rapides, armés d’arcs et de flèches, puis Henri l’Oiseleur parvint à les écraser dans la bataille de l’Unstrut en 933. Mais vingt ans plus tard leur essaim reparut. Ils assiégèrent Augsbourg qui fut défendue vaillamment et avec succès par l’évêque Ulrich. Là-dessus, ils essuyèrent sur les bords du Lech une défaite définitive que leur infligea l’armée du roi Othon Ier (955). On dit que sept rescapés seulement regagnèrent la Hongrie. Les Magyars se virent contraints d’adopter des moeurs pacifiques. Presque complètement encerclés par des nations chrétiennes, ils n’auraient pu se maintenir avec leur mentalité de fils de la steppe. Leur prince Geza (992-997) se fit baptiser avec son fils Wajk (Etienne). Geza appela d’Allemagne des missionnaires et, dans les années qui suivirent, le rattachement de la Hongrie à la communauté des peuples de l’Occident s’accomplit; mais ce fut le grand roi Etienne, fils de Geza, qui prit les mesures décisives en faveur de la christianisation et de l’européanisation de son peuple. Son père l’avait marié à Gisèle, fille du duc de Bavière, futur roi Henri Il. Ce mariage représenta pour lui un lien solide avec l’Occident et l’Empire d’Allemagne. Grâce à Etienne, la Hongrie fut incorporée définitivement au monde occidental et chrétien. La tradition hongroise et orientale s’unissait, chez le jeune roi, à l’admiration pour la civilisation allemande et le christianisme; son rattachement à l’Allemagne fut d’abord un acte personnel, mais il résolut de l’imposer aussi à son peuple. Il était bien la personnalité désignée pour cette tâche en sa qualité de prince énergique, intelligent, amateur de culture. 
  Son premier soin fut d’introduire en Hongrie l’influence de l’Eglise romaine. Chrétien convaincu, très exigeant pour lui-même, Etienne était décidé à mener à bien la conversion de son peuple. Il dut commencer par étouffer une révolte des Hongrois encore attachés à leurs conceptions païennes. Il construisit des églises, créa des couvents de Bénédictins, appela d’Allemagne de nombreux clercs qui l’aidèrent à organiser l’Église de Hongrie; mais, d’un autre côté, il eut l’intelligence d’affranchir son pays de la dépendance de la Métropole en obtenant du pape Sylvestre Il la création de l’archevêché de Gran. Ainsi la Hongrie eut son centre ecclésiastique propre, ce qui l’aida considérablement à devenir un Etat autonome. En effet, la dépendance du Saint-Siège, qu’Etienne avait cherchée, n’équivalait qu’à une très faible dépendance politique et une couronne royale en or qu’il reçut du pape fut pour lui d’un prix inestimable. Le 15 août 1001, il fut couronné à Gran. 
  La Hongrie était devenue un royaume au caractère chrétien bien net et qui affirmait sa prétention à l’autonomie. Le pape pourvut encore Etienne du titre de «roi apostolique» et lui accorda d’importants privilèges dans le domaine ecclésiastique. Etienne se préoccupa aussi de la vie économique du pays. Il mena à bien la conquête de la Transylvanie. Il imita l’Allemagne sur le plan de l’organisation militaire, sociale et juridique qu’il confia à des Allemands. Plusieurs seigneurs d’Allemagne de la suite de Gisèle l’avaient accompagnée en Hongrie, d’autres y furent appelés en grand nombre. Ils formèrent le noyau de la chevalerie et de la future noblesse hongroise. Le système féodal de l’Occident fut adopté; les relations de propriété et de droit furent modifiées conformément à ses coutumes. Le pays fut divisé en vingt-cinq comtés; la forteresse qui servait de centre à chacun d’eux fut souvent le noyau d’une ville. Le roi protégea les paysans libres au moyen de lois très nettes. La façon dont il assura l’indépendance de la Hongrie, tout en ouvrant largement la porte à la culture étrangère, parle en faveur de son énergie politique et de sa largesse d’esprit. Il comprit parfaitement la situation des Hongrois à la recherche d’une civilisation et qui avaient besoin de l’étranger pour se dégager de leur mentalité. Avec insistance, il recommanda à son fils de respecter les étrangers et d’apprendre à connaître leurs différentes langues, leurs coutumes, leurs doctrines et leurs armes. «Car un royaume qui ne connaît que sa langue et ses moeurs est faible et fragile.» L’évolution qui fit de la Hongrie un État autonome, national et chrétien, comme son rattachement à l’Occident, est l’oeuvre d’Etienne Ier, le Saint. 
  Cependant, le royaume resta menacé intérieurement par les réveils du paganisme et de la tradition asiatique qui n’étaient pas encore com  
  Il est généralement admis que les Normands n’ont pas peu contribué à la ruine de l’Empire carolingien. Leurs voyages et leurs expéditions de pillage durèrent des siècles et ne sont au fond rien d’autre qu’une tardive manifestation des grandes migrations. Les «hommes du nord» (Nordmannen) sont le rameau septentrional de la race germanique et leur civilisation ne se distingue guère, en somme, de celle des Germains du sud, ainsi que le révèle l’examen de leurs sépultures; c’est d’eux qu’ils apprirent à utiliser les caractères runiques que l’on peut voir sur un grand nombre de monuments de pierre et qui furent même plus en usage en Scandinavie que chez les autres peuples germains, quoiqu’il ne puisse être encore question, dans ces temps reculés, d’une véritable littérature. Mais ce qui distingue les Normands des autres Germains, c’est l’attrait que la mer exerçait sur eux et leurs excursions aventureuses. L’eau était leur élément. Dans leurs barques à rames, de petite dimension, ils se lançaient sur l’océan et remontaient les fleuves. Ce qu’ils recherchaient avant tout, ce n’était pas les conquêtes, mais le butin. Puis, avec le temps, ils prirent l’habitude d’établir des camps fortifiés pour hiverner et, finalement, ils se construisirent de véritables résidences en pays étranger. Mais il ne faut pas voir, dans les incursions normandes, seulement le pillage et les actes de violence. Sans doute imposèrent-elles de terribles souffrances aux peuples d’Occident, mais les Normands ne furent pas uniquement des destructeurs. L’expansion de ce jeune peuple plein de vigueur apporta à l’édification de l’Europe à venir des éléments très positifs. Les Germains du nord ne se distinguaient pas seulement par une énergie exceptionnelle, mais encore par une aptitude peu commune à organiser et édifier un Etat. Leur esprit pratique et ouvert intervint de façon heureuse dans le développement de la civilisation et de la politique. Le duché de Normandie, le jeune royaume d’Angleterre, les Etats de l’Italie méridionale et de la Russie sont des institutions normandes. La politique primitive du pillage fut abandonnée enfin; les Normands devinrent sédentaires; ils adoptèrent le christianisme et accomplirent, dans le domaine de la civilisation, une oeuvre d’une haute importance. 
  Dès les temps du plus lointain moyen âge, les Normands étaient divisés en trois groupes: Norvégiens, Suédois et Danois. Partant des fjords de la côte occidentale de la Scandinavie, les Norvégiens se révélèrent des marins particulièrement hardis et, du milieu du IXe siècle jusqu’à la fin du Xe siècle, ils firent de puissantes conquêtes. Ils occupèrent l’Irlande et une partie de la côte occidentale de l’Angleterre et firent de la mer d’Irlande une mer norvégienne. Plus tard, ils s’emparèrent des Hébrides, des Orcades et des îles Shetland. De l’Islande, où ils fondèrent Rekjavik en 870, ils atteignirent la côte orientale du Groenland et, de là, le Labrador, Terre-Neuve et d’autres points de l’Amérique du Nord. Au début de l’an 1000, ils entretenaient des relations avec ces rivages lointains. Mais, à la longue, ils ne purent les maintenir et leurs grandes découvertes tombèrent plus tard dans l’oubli. 
  Les Suédois, dont le centre était à Upsala, étaient, de par leur position géographique, orientés vers la Baltique. Ils entretenaient un commerce actif, mais pas toujours pacifique, avec les populations de Riga et du golfe de Finlande. De là, ils découvrirent le chemin du Dniéper. Ce qu’ils obtinrent alors ce fut du butin, un commerce rémunérateur, enfin de la puissance et des terres. Ils entreprirent une véritable colonisation. Le long des routes qu’empruntait leur trafic, ils établissaient des entrepôts fortifiés qui, avec le temps, devinrent des villes. Novgorod et Kiev sont les plus fameuses d’entre elles. Nous reparlerons, à propos de l’histoire de la Russie, du développement politique très important qui trouva là son origine. 
  Les Danois, sortis du centre de la Suède, s’étaient emparés de la presqu’île du Jutland et des îles voisines, y compris Bornholm. De là, ils poussèrent jusqu’au pays des Abodrites et à la Frise. Au IXe siècle, ils fondèrent, dans les Pays-Bas, une principauté autonome. Dans les dernières années du règne de Louis le Pieux, ils pillèrent à plusieurs reprises les contrées qui se trouvaient aux embouchures du Rhin et de l’Escaut. Bientôt, ils trouvèrent moyen de remonter la Seine; en 841, ils réduisirent Rouen en ruines; un peu plus tard et plus d’une fois, Paris fut leur victime. Au-delà de la Loire et de la Garonne, ils pénétrèrent profondément dans le centre de la France. A Nantes, en 843, ils assassinèrent l’évêque et le clergé. A Tours, Blois, Orléans, Beauvais, comme dans un grand nombre d’autres villes, ils se conduisirent de la même façon. Vers le milieu du siècle, les Normands cherchèrent en France des places fortes où hiverner; ils se fixèrent enfin pour longtemps dans les contrées qu’arrosent la Seine et la Loire. Leurs incursions prirent fln, comme nous l’avons dit plus haut, lorsqu’en 911, le faible Carolingien, Charles le Simple, céda en due forme au prince normand Rollon un territoire qui devait prendre plus tard le nom de Normandie. 
  L’autre principale cible des Danois était l’Angleterre, dont ils déterminèrent les destinées durant deux siècles environ. 
  Au VIIIe et au IXe siècles, l’Angleterre était encore morcelée en plusieurs royaumes, l’hégémonie appartenant tantôt à l’un tantôt à l’autre. Au temps de Charlemagne, elle était le partage de l’intelligent Offa, roi de Mercie; plus tard, le Wessex supplanta la Mercie et, autour de lui, se groupa une fédération d’Etats qui fut durable. Le roi Egbert (802-839) ne régna pas sur le Wessex seulement, mais sur toute l’Angleterre jusqu’aux frontières de l’Ecosse. Puis, les Danois envahirent la Grande-Bretagne et leur furieux essaim se répandit en tous sens. En 851, ils remontèrent la Tamise avec trois cent cinquante bateaux et réduisirent en cendres Cantorbury et Londres. Pendant un certain temps, l’Angleterre fut, plus que toute autre contrée, le siège des incursions pillardes des Danois. Ils commencèrent à hiverner et firent mine de s’installer de façon durable. L’Etat et la civilisation des Anglo-Saxons se trouvèrent dangereusement menacés. Comme dans l’Empire franc, le peu de souplesse d’une armée trop lourdement équipée rendait la défense très difficile. Ce fut le roi Alfred (871-899) qui conjura le danger, arracha l’Angleterre à sa misère et l’éleva à un niveau qu’elle n’avait pas encore atteint. 
  L’histoire de ce roi met en évidence ce dont est capable une personnalité intelligente et énergique et le rôle qu’elle peut tenir dans l’enchaînement des faits. Le début de son règne fut des plus lamentables. En 878, il dut fuir devant les Danois jusqu’à l’extrémité sud-ouest du pays et se retrancher dans les forêts et les marais du Somerset, en compagnie d’une toute petite troupe de fidèles, tandis que beaucoup de ses sujets fuyaient sur le continent pour éviter d’être réduits en captivité par les Danois. On put croire que la dernière heure du royaume saxon avait sonné. Mais Alfred ne perdit pas courage et, soutenu par une petite armée, parvint, au bout de quelque temps, à vaincre l’adversaire. Le roi danois Guthrum se fit baptiser et conclut avec Alfred un partage des terres d’après lequel la route conduisant de Londres à Chester marquait une frontière au nord de laquelle les lois danoises étaient appliquées, tandis que les lois saxonnes restaient en honneur au sud. 
  Pendant ce temps, Alfred s’armait en vue de nouvelles agressions. Sa grande innovation consista dans la construction d’une flotte dont les bateaux étaient deux fois plus longs et beaucoup plus rapides que ceux des Danois. Ce fut la première apparition d’une flotte anglaise. Le résultat ne se fit pas attendre. Avec le temps, les Danois essuyèrent tant de revers que, dès le milieu du IXe siècle, on ne les vit plus reparaître et l’Angleterre connut le repos. 
  Alfred remédia au désordre des lois en codifiant le droit anglo-saxon. Il réunit non seulement les lois du Wessex, mais encore, pour autant qu’il le trouva utile et en toute liberté de choix, celles d’autres royaumes, auxquelles il en ajouta de nouvelles. De la sorte, il rapprocha encore les diverses parties du pays et leur permit de faire un nouveau pas sur le chemin qui devait les conduire à l’unité. En tête du code, Alfred fit inscrire les dix commandements et des préceptes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Par cette mesure, ainsi qu’il l’avait espéré, il s’attira la considération de l’Eglise et s’assura son concours pour le maintien de l’ordre et le respect des lois. Ainsi, son Etat se trouva fondé, comme il en est peu, sur une base chrétienne. 
  Chez Alfred, le zèle religieux marche de pair avec un intérêt actif pour la civilisation. Ils se marquent l’un et l’autre dans ses efforts pour répandre l’instruction, efforts qui sont son plus grand titre de gloire. Les temps où des hommes venaient du continent fréquenter les écoles anglo-saxonnes n’était plus. Alfred affirme que les prêtres saxons comprenaient à peine le latin de leur livre de messe et qu’aucun d’entre eux ne pouvait traduire une lettre latine en langue vulgaire. Afin de mieux lutter contre semblable ignorance, il apprit le latin dans l’âge adulte et, avec le temps, en poussa l’étude si loin qu’il osait transposer en langue saxonne des oeuvres classiques, afin de rendre accessible à son peuple et surtout au clergé les trésors de la pensée. Le choix qu’il faisait de ces oeuvres est révélateur de sa mentalité. Il le fit en première ligne en faveur d’un enseignement moral et religieux et pour poser les bases philosophiques et théologiques d’une culture chrétienne. Il traduisit l’histoire générale d’Orosius, l’histoire de l’Eglise anglaise de Bede, l’ouvrage de Grégoire le Grand qui traite des peines de l’âme, les «Consolations de la philosophie» de Béothius, une partie des psaumes et, probablement, les monologues de Saint­Augustin. Sans doute, ses traductions sont très imparfaites; souvent il ne fait que rapporter le sens de l’oeuvre et y ajoute beaucoup de considérations personnelles, de descriptions géographiques et de rapports maritimes. «La véritable grandeur prend racine dans l’esprit, non dans la chair. » Telle est, parmi d’autres, une réflexion personnelle du roi. 
  L’entrain qu’Alfred mit à instruire et à éduquer ses sujets fut très profitable aux écoles. Celle de son palais, qu’il avait instituée avant tout pour son fils, mais qu’il ouvrit aussi aux enfants des nobles et même à des garçons de plus humble origine, fut le point de départ d’un renouveau dans l’enseignement du peuple. Alfred exigeait des laïques qu’ils s’instruisissent jusqu’à ce qu’ils pussent lire parfaitement l’écriture anglaise; mais ceux qui se destinaient à l’état ecclésiastique devaient aussi apprendre le latin. 
  Le roi Alfred peut donc s’attribuer la gloire d’avoir non seulement assuré à son peuple la liberté et la paix, mais aussi de lui avoir donné une organisation nationale et des lois et d’avoir renouvelé en sa faveur les bases de l’instruction. Le fait qu’il fonda l’enseignement non sur le latin, mais sur la langue saxonne, est d’une grande importance. Par ses traductions et celles que d’autres firent à son exemple, il a pourvu son peuple d’une littérature anglo-saxonne, qui facilita plus tard le développement de la prose anglaise. La langue populaire conserva en Angleterre une importance beaucoup plus grande que ce ne fut le cas sur le continent. Le savoir fut, de ce fait, plus proche du peuple, plus national qu’ailleurs. Mais, d’un autre côté, une fissure se préparait, sans doute, qui devait isoler l’Angleterre de toute la chrétienté d’Occident. 
  Les premiers successeurs d’Alfred surent non seulement conserver ce qui était acquis, mais ils l’augmentèrent encore en anéantissant les Ecossais et les Danois qui s’étaient maintenus en Angleterre et en Irlande. Le roi Edouard, fils d’Alfred, prit le titre de roi d’Angleterre. Edgar (957-975), à qui les rois celtes du Pays de Galles et de l’Ecosse prêtèrent serment de fidélité, se fit même couronner empereur­auguste d’Angleterre. Il éleva le moine Dunstan à la dignité d’archevêque de Cantorbury et lui assura une grande influence dans l’Etat et dans l’Eglise. Dunstan s’efforça de réconcilier les Anglo-Saxons avec les Danois et d’établir un lien fédératif entre leurs diverses tribus. C’est lui surtout qui, avec l’appui du roi, implanta en Angleterre la réforme bénédictine, venue de France, et arracha ainsi les couvents, comme le clergé séculier, à leur terrible indolence. Le rattachement spirituel de l’Angleterre au continent fut rétabli de ce fait et l’avenir devait le fortifier encore. 
  Le Xe siècle vit l’apogée de la vieille civilisation anglo-saxonne. Une noblesse terrienne et une armée de métier étaient parfaitement constituées. La vie économique avait atteint un degré remarquable. Tandis que les paysans devenus sédentaires se vouaient à l’exploitation du sol et à l’élevage, l’artisanat s’installait dans les villes, donnant essor à un commerce actif que les rois encourageaient avec ardeur. Dans les assemblées de village et les assemblées des comtés, se développait une activité publique limitée et, avec elle, une certaine conscience démocratique de la solidarité. 
  La royauté ne fut jamais tyrannique. Seul, le sheriff, administrateur des domaines royaux, était directement soumis au roi, un fonctionnaire dans sa dépendance immédiate. Pour le reste, le roi dépendait de l’assemblée royale, constituée selon une règle établie, le «Witenagemot ». C’était l’assemblée des seigneurs ecclésiastiques et laïques. Elle choisissait le roi, éventuellement le déposait, sanctionnait les impôts, rendait la justice et intervenait même par ses conseils et ses décisions dans la vie de l’Eglise. Elle nommait les évêques et les abbés, discutait de la politique étrangère, de l’armée et de la flotte. Cette assemblée fut l’une des racines du parlement anglais. Mais à la fin du Xe siècle se produisit une décadence politique, l’oeuvre d’Alfred et de Dunstan tomba en ruines. Sous le règne du faible et cruel Ethelred Il (978-1016), l’Angleterre connut une nouvelle invasion danoise. Tout d’abord, le roi acheta la paix en acceptant de payer un tribut annuel. Ensuite, dans l’espoir de se libérer, il donna l’ordre d’assassiner tous les Danois qui étaient en Angleterre (1002); il en tomba des milliers; mais une guerre de revanche s’ensuivit. Le roi danois, Sven, furieux, se jeta sur l’Angleterre. Cantorbury fut saccagée et l’archevêque tué. Ethelred dut fuir en Normandie. Le fils de Sven, Canute le Grand, se fit reconnaître pour roi par les seigneurs anglo-saxons. Dès lors, l’Angleterre ne fut plus qu’un morceau du grand empire danois qui s’étendait de la Baltique au Groenland, par­dessus les diverses îles britanniques, car, en 1028, Canute s’empara aussi de la Norvège et de toutes ses dépendances. Entre temps, il était devenu chrétien, ce qui provoqua chez lui une transformation intérieure. Il gouverna son empire avec sagesse et équité, interdit le paganisme, abolit l’esclavage, fonda des églises et des couvents. Mais après sa mort (1035), son empire s’effondra et l’Église y fut troublée par le désordre et la confusion. 
 
  En Angleterre, sous Edouard le Confesseur (1042-1065), les Anglo-Saxons rentrèrent dans leurs droits. Pendant son règne et grâce à lui, l’abbaye de Westminster fut construite. Toutefois, il manquait complètement de personnalité et avait noué avec les Normands de France des relations tellement étroites qu’il lui devint impossible d’échapper à leur emprise. Après sa mort, le duc Guillaume de Normandie prétendit avoir des droits au trône d’Angleterre. Il sut gagner le pape à son point de vue et donner à sa conquête l’apparence d’une croisade. En septembre 1066, il s’embarqua sur la Manche avec une flotte puissante et débarqua près de Hastings. Une bataille s’engagea dans le voisinage qui décida du sort de l’Angleterre. On raconte que le chevalier-trouvère, Taillefer, chanta la chanson de Roland devant l’armée prête au combat, afin de réveiller son ardeur. Les Normands eurent la victoire. Harold tomba sur le champ de bataille; il est reconnu comme le dernier des rois anglo-saxons. Avec Guillaume Ier, le Conquérant, commence une ère nouvelle de l’histoire d’Angleterre. Les Normands, tant ceux venus de France que les Danois, ont exercé une influence considérable sur l’évolution si diversement orientée des Anglo-Saxons. Par la dernière grande invasion, un sang nouveau fut infusé aux peuples de l’île; l’Etat fut fondé sur une base nouvelle, l’Eglise rénovée. Les rapports qui unissaient la dynastie avec la Normandie renforcèrent le lien qui rattachait la culture anglaise à celle des peuples chrétiens de l’Occident. 
 
   plètement déracinés, si bien que, peu après la mort d’Etienne déjà, il connut de sérieux revers.
  Par leur victoire de Xérès de la Frontera (711), les Musulmans, venus d’Afrique, avaient anéanti le royaume délabré des Wisigoths. Presque toute l’Espagne tomba entre leurs mains, sans qu’ils eussent rencontré grande résistance. Alors leurs hordes guerrières apparurent en France, au-delà des Pyrénées; elles conquirent l’ancienne Septimanie et s’avancèrent jusqu’au Rhône et la Garonne. L’Empire des Francs, et avec lui tout l’Occident chrétien, parut menacé. Mais Charles Martel refoula le flot montant des Musulmans en battant l’armée d’Abderrhaman près de Poitiers, en 732. Et, plus encore que cette défaite, la division qui régnait parmi les Maures - ainsi désignait-on les Musulmans d’Afrique - les arrêta dans leur marche en avant. Par la suite, Charlemagne entreprit des expéditions guerrières au-delà des Pyrénées; elles eurent pour conséquence l’établissement de la riche Marche d’Espagne qui s’étendait jusqu’à l’Ebre et dont Barcelone était la capitale; mais il ne parvint pas à pénétrer plus avant dans le pays. 
  Le royaume arabe d’Espagne se fortifia intérieurement, le prince ommiade, Abderrhaman, ayant trouvé moyen de s’élever au rang de souverain autonome et d’établir un émirat indépendant dont le siège était à Cordoue (758). L’un de ses lointains successeurs, Abderrhaman IX, fut même assez audacieux pour prendre, en 929, le titre de calife. Une civilisation d’origine arabe, particulièrement avancée, s’installa en Espagne. Des mosquées et des palais de style mauresque furent construits à Cordoue et dans les autres villes du royaume. Avec le temps, une vie intellectuelle intense se développa autour des souverains que fréquentaient des poètes, des chroniqueurs, des philosophes. La philosophie chrétienne d’Occident, à l’époque du haut moyen âge, en reçut même une impulsion d’une grande valeur. 
  Les Espagnols vaincus représentaient naturellement l’élément le plus nombreux de la population, assujettie à une petite minorité étrangère. Leur sujétion comportait avant tout des charges matérielles; outre un impôt personnel, ils payaient un impôt foncier et ils assuraient le recrutement des armées de leurs maîtres. Cependant les Arabes manifestaient une grande tolérance à l’égard du peuple chrétien qu’ils avaient vaincu, car, conformément à leur coutume, ils ne faisaient point de prosélytes, si ce n’est parmi d’autres Arabes. Sans doute les chrétiens étaient-ils passibles de la peine de mort quand ils s’attaquaient à l’Islam, mais ils purent conserver leur législation propre, leurs tribunaux, leurs services divins et leur hiérarchie ecclésiastique, avec leurs évêques et leurs métropolitains. Ils pouvaient même prétendre aux charges et aux dignités publiques. On vit des mosquées et des synagogues s’édifier dans les villes à côté des églises. Aucun gouffre ne se creusa entre les deux civilisations. Les chrétiens parlaient et écrivaient l’arabe avec prédilection. Cette langue devint même celle des poètes, si bien que l’Espagne chrétienne courut le danger que sa propre culture ne fût submergée par celle de l’étranger. Nombreux furent les Espagnols qui s’adaptèrent à la mentalité arabe; d’autres, par intérêt, abjurèrent le christianisme; d’autres encore, même au sein du clergé, consentirent à des compromis. Mais il y en eut aussi qui, résolument, voire même fanatiquement, luttèrent contre l’emprise arabe. Leur attitude provoqua un revirement chez les Maures qui, du milieu du VIe jusqu’au milieu du XIe siècle, se manifesta par des persécutions. 
  Par bonheur pour l’Espagne chrétienne, une petite partie de la péninsule, Asturies, Galice, Biscaye, avait pu, dès le début, échapper à l’invasion. Ces braves petites communautés qui se trouvèrent fortifiées par l’arrivée de réfugiés fuyant le reste de l’Espagne, préparèrent immédiatement la guerre contre l’étranger et entreprirent avec ténacité la reconquête de l’Espagne; il y fallut sept cents ans. Dès le milieu du VIIIe siècle, le territoire qui se trouvait au pouvoir des chrétiens s’étendait déjà jusqu’au-delà de la Sierra Guadarrama. 
  Peu à peu, du VIIle au XIe siècle, de petits Etats sortirent de ce premier foyer de résistance. Le premier fut le Léon, fondé dans les Asturies et qui atteignit bientôt la frontière française; au Xe siècle, il fut élevé au rang de royaume. Dans les Pyrénées occidentales, au fond du golfe de Biscaye, le petit royaume de Navarre, avec Pampelune pour centre, se constitua au IXe siècle. La Marche d’Espagne, instituée par Charlemagne, se détacha par la suite de l’Empire franc et se morcela. D’elle sortit le comté de Barcelone ou Catalogne et, plus à l’ouest, le royaume d’Aragon qui devait s’unir à lui en 1137. 
  La Castille est également issue des Asturies. Ce ne fut à l’origine qu’un territoire le long de la frontière, couvert de nombreux châteaux forts (castels) destinés à la défense contre les Maures. En 940, un comte de Burgos, fondateur d’une dynastie, en fit un Etat indépendant. Et la Castille devait dans l’avenir, grâce à sa position centrale, exercer une grande force d’attraction et devenir le noyau du royaume d’Espagne. 
 
  Durant des siècles, la lutte contre l’étranger musulman fut la grande préoccupation des Espagnols. Le développement politique, l’éveil d’un esprit national, la naissance progressive de la nation, y sont intimement liés. Elle se prolongea jusqu’à la fin du moyen âge, aussi en reparlerons-nous dans d'autres pages. 
 
   Dans l'île de Bretagne
  Une partie d'entre eux, ainsi que des Angles, des Jutes et des Frisons, envahirent la Grande-Bretagne au début du Moyen-Âge.
 
  Selon la tradition anglaise et ainsi que le rapporte Bède le Vénérable, les premiers d'entre eux auraient été dirigés par deux frères, Hengist et Horsa et seraient venus à l'instigation du roi breton Vortigern, vers 450, afin de défendre l'île de Bretagne contre les Pictes, une peuplade indigène non romanisée. L'archéologie, quant à elle, atteste la présence de mercenaires germaniques aux alentours de Londres dès les premières années du Ve siècle.
 
  Quoi qu'il en soit, l'arrivée des Saxons et les troubles politiques relatifs au morcellement de la Bretagne romaine en de nombreux royaumes résultèrent en une période sombre, que l'historiographie anglaise a enregistré sous le nom de Dark Ages (littéralement, « âges sombres ». Un dépeuplement massif, lié aux calamités de la guerre et aux épidémies, semble également avoir favorisé la germanisation de l'ancienne province romaine au Ve siècle.
 
  Sans doute dès le VIe siècle, Les Saxons constituèrent quatre royaumes au sud de l'île : l'Essex, le Sussex, et le Wessex (respectivement terres saxonnes de l'Est, du Sud et de l'Ouest) ainsi que le Middlesex, plus éphémère puisqu'il fut annexé à la terre des Angles, l'Angleterre (England). Dans l'ensemble, les Saxons montrèrent également une résistance assez forte au Christianisme qui gagna le royaume de Kent au début du VIIe siècle, sous l'influence du missionnaire romain Paulinus.
 
  Si dès le VIIe siècle la présence de Bretwaldas, sortes de « sur-rois » est attestée parmi les Anglo-Saxons de Grande-Bretagne C'est seulement au Xe siècle qu'une dynastie saxonne, à savoir celle de Wessex, s'imposa finalement sur l'île sous le règne d'Alfred le Grand et pour une courte période jusqu'à l'invasion normande.
 
  La langue des Saxons donna naissance au Old English le Vieil Anglais, et se prolonge aujourd'hui encore dans le dialecte Bas-Saxon.
 
  Les Saxons « continentaux » au Haut Moyen Âge
  La majorité des Saxons est cependant restée sur le continent, fondant dès le VIIIe siècle le duché de Saxe. Ils ont longtemps résisté à la vague de christianisation dans l'orbite du royaume des Francs, mais leur conquête par Charlemagne à la suite des campagnes annuelles qu'il mena de 772 à 804, imposa le baptême et la conversion aux chefs ainsi qu'à leurs gens. Selon la coutume carolingiennene, ils furent astreints au versement d'un tribut et, comme les peuples slaves des Abodrites et des Wendes, durent bien souvent fournir des troupes à leurs suzerains.
 
  Les ducs de Saxe régnèrent sur l'Allemagne au Xe siècle mais leur royaume fut démantelé en 1180.
 
  Au long du Moyen Age on trouve le duché de Saxe qui devient l'électorat de Saxe, bientôt scindé en un duché et un électorat. Puis coexistent, avec l'électorat, plusieurs duchés de Saxe : Saxe-Cobourg, Saxe-Gotha-Altenbourg, Saxe-Lauenbourg, Saxe-Meiningen, Saxe-Weimar.
 
  Le territoire connu sous le nom de royaume de Saxe de 1806 à 1918, et qui se situe au sud-est de l'Allemagne, doit son nom à l'acquisition du duché de Saxe par le margrave de Meissen en 1423 et se trouve en fait au delà des terres saxonnes.
 
  Les Saxons de Roumanie
  Des colons saxons ont émigré au XIIIe siècle en Transylvanie où ils constituaient une communauté d'environ 250.000 âmes au début du XXe siècle.
 
  La plupart sont partis à l'issue de la Seconde Guerre mondiale et ce mouvement s'est poursuivi dans les années 1970 et 1980 à cause de la politique de roumanisation menée par le régime Ceaucescu.
 
  Saxons actuels
  Trois Länder de l'Allemagne fédérale d'aujourd'hui doivent leur nom aux Saxons.
 
 
  Les rivalités, l'ambition, les mesquineries qui assombrissent l'histoire de l'Europe, au moyen âge, ne tardèrent pas à pénétrer également dans le petit royaume chrétien de Jérusalem. L'idéal religieux auquel il devait son origine n'était pas éteint, sans doute, et se manifestait même de bien des manières, mais les intrigues de famille, l'orgueil, la cupidité jouaient aussi leur rôle. Peu à peu, l'opinion s'était installée au sein de la chevalerie qu'il était honteux pour un chevalier de n'avoir pas fait un voyage cri Terre sainte et, de leur côté, les chevaliers qui séjournaient dans le royaume de Jérusalem pour un temps prolongé en tiraient vanité, à l'égard de ceux qui ne faisaient que le visiter. La cupidité des marchands italiens exerçait aussi une influence démoralisante. Enfin, Constantinople - non sans raison - réclamait la suzeraineté sur le royaume de Jérusalem, et la principauté d'Antioche était plus menacée par l'ambition byzantine que par les musulmans. Mais, surtout, les croisés s'étaient crus trop vite arrivés au terme de leur effort. Quelques-uns seulement avaient conseillé la conquête de la Mésopotamie, faisant preuve en cela, non d'une fantaisie débridée, mais d'un sens politique avisé. On ne les avait pas écoutés et pourtant il est bien évident que, pour n'avoir pas assuré sa domination sur les califes de Bagdad et du Caire, le royaume de Jérusalem était voué à une rapide disparition. Mais les rivalités qui divisaient les musulmans rassuraient les chrétiens. Les Fatimides, qui régnaient en Egypte, étaient hostiles au calife de Bagdad, qui s'était laissé dépouiller de son autorité par différents émirs qui, dès lors, s'étaient dressés les uns contre les autres. Mais l'énergique Atabeg Imadeddlin Zengi, de Mossoul, vainquit ces émirs les uns après les autres et, dès 1137, se tourna contre les chrétiens. A la fin de l'année 1144, Edesse tomba, Edesse qui couvrait la frontière orientale du royaume chrétien. Dès lors, la chute de Jérusalem rie fut plus qu'une question de temps.
  Comme des appels au secours pressants parvenaient en Europe, le pape Eugène III mit tout son zèle à organiser une nouvelle Croisade. Il encouragea le roi de France, Louis VII, à en prendre la tête. Celui-ci accepta ce rôle d'autant plus volontiers qu'il espérait ainsi expier un crime dont le souvenir le tourmentait: l'incendie d'une église dans laquelle un certain nombre de personnes avaient cherché refuge. Puis le pape chargea Bernard de Clairvaux de prêcher la Croisade. Son succès ne faisait aucun doute. Il était respecté partout comme un prophète et un apôtre, et on lui attribuait un miracle. De lourdes responsabilités pesaient déjà sur ses épaules; pourtant, il n'hésita pas à assumer la mission qui lui avait été confiée. Il est vrai qu'il avait pour Eugène III, ancien moine de l'abbaye de Clairvaux, et l'un de ses anciens disciples, un attachement particulier. Il avait reproché aux cardinaux d'avoir placé sur le trône pontifical ce moine timide et conciliant, mais il le soutenait de tout son pouvoir. Il mit donc au service de la Croisade toutes les forces de sa riche personnalité et tout le feu de sa parole. Son succès fut incroyable. Le peuple et la noblesse accouraient à lui par milliers. Lorsque, à Vézelay, en Bourgogne, il parla en plein air devant une assemblée immense, à laquelle s'était mêlé le roi Louis VII, les assistants lui répondirent par le cri: « Des croix, des croix, qu'on nous donne des croix ! » Dans une conversation personnelle qu'il eut avec Bernard, l'empereur Conrad refusa d'abord de se croiser, prétextant que l'opposition des Welf exigeait sa présence dans le royaume. Le pape, d'ailleurs, désirait le retenir en Europe, à cause de la perpétuelle menace que les Normands faisaient peser sur l'Italie. Mais lorsque, quelque temps plus tard, faisant une tournée dans l'Allemagne occidentale et méridionale, Bernard rencontra l'empereur à Spire, il enleva sa décision. Pendant la messe, il se tourna brusquement vers Conrad, lui adressant personnellement un discours enflammé, tandis qu'il le regardait dans les yeux. L'empereur, avec larmes, se déclara prêt à se croiser. C'est à la fin de mai 1147 qu'il partit de Ratisbonne. La plus haute noblesse d'Allemagne l'accompagnait, dont son neveu Frédéric Barberousse, Henri Welf de Bavière, Henri Babenberg et un grand nombre d'évêques, parmi lesquels le fameux chroniqueur Othon de Freising. Suivant le Danube - une partie d'entre elle descendant le fleuve en bateau - l'armée, à laquelle s'étaient joints des Tchèques et des Hongrois, atteignit les Balkans. Les Français les suivirent de près par le même chemin. Mais, à Constantinople, les difficultés commencèrent. Négligeant l'avis de l'empereur Manuel, les Allemands s'obstinèrent à cingler vers l'Asie-Mineure par le plus court chemin; seul, Othon de Freising, à la tête d'une petite troupe, se décida à suivre la côte. Mais au bout de quelques jours, les Seldjoucides attaquèrent avec une telle violence que l'armée allemande dut se retirer; sa retraite ne fut rien moins qu'un combat défensif. A Nicée, elle rejoignit l'armée française. Diminuée d'une grande partie de son effectif, tombé sous les coups des Turcs, elle se dirigea sur Antioche par mer. Freising, lui, débarqua ses forces plus au sud. La vanité et la désunion des chefs de la Croisade vinrent tout entraver. Au lieu de secourir les points les plus menacés, Alep et Edesse, ils allèrent mettre le siège autour de Damas, puis, bridés par un accord secret conclu entre l'émir de cette ville et le roi de Jérusalem, ils renoncèrent sans autre à cette entreprise. Les deux rois d'Occident engagèrent alors leurs armées dans des aventures inutiles. Sur le chemin du retour, Louis VII partit pour la Sicile, accompagné d'Henri Welf, oncle d'Henri le Lion; il y conclut avec Roger II un pacte d'assistance contre les Hohenstaufen. Pendant ce temps, Antioche et Damas tombèrent aux mains de Nureddin, fils et successeur de Zengi. Le sort de Jérusalem se trouva fixé.
  L'échec de la Croisade, entreprise avec tant d'enthousiasme, fit à l'abbé de Clairvaux une peine affreuse. Dans une lettre, il écrivit: « Malheur aux chefs responsables. Ils n'ont rien su faire de bon en Terre sainte. Dès que les premières hostilités ont pris fin, ils se sont hâtés de regagner leurs seigneuries, où ils se livrent à toutes sortes de désordres... Impuissants pour le bien, ils ne sont que trop puissants pour faire le mal ». La véritable cause de l'échec de la Croisade, c'est que l'enthousiasme ardent qui animait le pape Eugène et Bernard de Clairvaux manquait au coeur des croisés. Par sa prédication, Bernard, sans doute, avait allumé un feu qui s'était éteint trop vite.
  A la même époque se produisirent d'autres petites entreprises guerrières que l'on peut, jusqu'à un certain point, considérer comme des Croisades, car un de leurs buts était bien l'expansion du christianisme. Une armée, composée d'Allemands, d'Anglais et de Normands, se rendit dans la péninsule Ibérique, en 1147, appelée par Alphonse de Portugal qui lui demandait de chasser les Maures de Lisbonne; elle y réussit. Albert l'Ours et Henri le Lion organisèrent une campagne contre les Wendes des bords de la Baltique, au cours de laquelle ils se mesurèrent aussi avec les Danois, dans des combats navals. Un détachement de l'armée marcha contre les Abodrites, un autre contre les Poméraniens. Mais la guerre se termina par de vagues compromis.
  Le christianisme et la germanisation des peuples slaves de la frontière n'en progressa pas moins rapidement à partir de cette époque. Henri le Lion, sans aucun égard pour les droits de l'étranger, transforma son duché en un Etat important qui exerça sa force au détriment des Slaves. Il pénétra dans le pays des Abodrites et en Poméranie et encouragea la fondation de nouveaux évêchés à Oldenbourg, Ratzbourg et Mecklembourg. Quant à l'autre grand prince du Nord, Albert l'Ours, il s'assura, par des voies pacifiques, la possession du Brandebourg, compensation à la perte du duché de Saxe. Primislav, un prince de la race des Heveller, qui possédait le bassin de la Havel dont Brandebourg était le centre, le choisit pour héritier. A partir de ce moment (1150), il s'intitula souvent margrave de Brandebourg. Dans ces territoires slaves nouvellement acquis et qui étaient très peu peuplés, des paysans allemands furent établis systématiquement. Ils apportèrent avec eux les coutumes et le droit allemands. Le roi Conrad III ne prit guère part à cette expansion très importante de l'Allemagne vers l'est. Il mourut en 1152, sans avoir pu mettre à exécution un projet qu'il avait arrêté, d'accord avec le pape Eugène; il comptait se rendre à Rome pour y recevoir la couronne d'empereur et mettre un terme aux usurpations de Roger II. On ne peut refuser au premier des Hohenstaufen de la grandeur et de hautes capacités. Ses contemporains déjà en jugèrent ainsi. L'été de l'année suivante, le pape Eugène mourut à son tour. Les rébellions des Romains l'avaient obligé à passer hors de Rome la plus grande partie de son pontificat, mais il ne s'était jamais courbé devant ses adversaires. Quelques semaines après lui, son grand maître Bernard de Clairvaux mourut aussi. Une grande foule se pressa à ses funérailles.
 
  Avec lui disparut l'une des grandes personnalités du moyen âge. Son biographe, Vacandard, a dit de lui: « La joie sur son visage, la modestie dans son maintien, la prudence dans ses paroles, la sobriété dans ses actions. » Il fréquentait les cours des princes, apaisait les pires conflits, dirigeait le pape par ses conseils et, de la sorte, toute la chrétienté. Tout cela l'obligeait à une activité extérieure considérable, qui, souvent, l'effrayait lui-même, mais qui n'était que la manifestation visible de sa profonde vie intérieure. Il resta, dans toute l'acception du mot, un véritable moine, qui châtiait son corps et dont l'âme était en communion constante avec Dieu. Après s'être acquitté des missions nombreuses dont il était chargé, il regagnait immédiatement son couvent. Aucun succès ne l'amena à perdre son humilité, si bien qu'il a pu dire sur son lit de mort: « je me suis toujours appuyé sur le jugement des autres, plus que sur le mien propre. » Malgré une ascèse austère, il ne perdit jamais son individualité, ni les dons qu'il devait à son caractère. Sa parole et son tempérament sont purement français, et, sous plus d'un rapport, il est l'enfant de son époque. Malgré ses dispositions à la douceur, il pensait que l'usage des armes était nécessaire contre les hérétiques obstinés. En dépit de fréquentes pénitences, il ne put jamais dompter sa nature emportée. Il pouvait prononcer des paroles d'une dureté inouïe, discuter avec violence, lâcher la bride à son indignation. Et pourtant, il resta toujours sensible, distingué; il ne connaissait pas la haine et se laissait conduire par l'amour.
  The Women of Weinsberg
  Jacob and Wilhelm Grimm
 
  When King Conrad III defeated the Duke of Welf (in the year 1140) and placed Weinsberg under siege, the wives of the besieged castle negotiated a surrender which granted them the right to leave with whatever they could carry on their shoulders. The king allowed them that much. Leaving everything else aside, each woman took her own husband on her shoulders and carried him out. When the king's people saw what was happening, many of them said that that was not what had been meant and wanted to put a stop to it. But the king laughed and accepted the women's clever trick. "A king," he said, "should always stand by his word."
 
  http://www.pitt.edu/~dash/vinland.html