Vannes ville vénète

Les Vikings

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Pythéas avait composé en grec deux ouvrages dans lesquels il exposait ce qu’il avait vu de remarquable. Le premier sous le titre de Description de l’Océan, contenait une relation de son voyage par mer depuis Gades, Cadix, jusqu’à Thulé, Islande. Le second était la description de celui qu’il avait fait le long des côtes de l’Océan jusque dans la mer Baltique. Ces écrits existaient encore au temps d’Etienne de Byzance, écrivain du Ve siècle ;

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Commerce maritime des Venètes avant la conquête romaine. –

 Changements apportés dans ce commerce par la conquête et la nouvelle organisation des Gaules par Auguste, l'an 27 de J.-C.

  

Vers le milieu du IVe siècle avant J.C, un astronome contemporain d'Aristote, s'il n'est plus ancien que lui, avant même que l'expédition d'Alexandre, dans les Indes, n'eût fait connaître le Gange aux Grecs, par conséquent avant l'an 327 avant J.-C., constatait par lui-même, que la zone habitée de l'ancien inonde s’étendait au nord jusqu'aux pays situés au 67e degré de latitude septentrionale. Cet astronome, qui était en même temps un habile naturaliste, un géographe exact, un hardi navigateur partit du port de Marseille et, voguant de cap en cap, cotoya toute la partie orientale de l'Ibérie, l'Espagne, pour entrer dans le bras de la Méditerranée qui, baignant le midi de ce pays et le nord de l'Afrique, se joint à l'Océan par le détroit des Colonnes d’Hercule, de Gibraltar.

 

Au sortir de ce détroit, il remonta vers le nord le long des côtes de la Lusitanie, Espagne et Portugal, et, continuant de faire le tour de ces côtes, en comptant cinq jours de navigation depuis Gadès, Cadix, jusqu’au cap Sacré, nommé par les modernes cap Saint-Vincent, ce qui ne peut avoir lieu qu’en naviguant terre à terre, il parcourut ainsi les côtes de l’Aquitaine et de l’Armorique qu’il doubla pour entrer dans le canal que l’on nomme aujourd’hui la Manche. (Strabon, liv. I, p. 63, liv. III, p. 148.)

 

Au-delà du canal, il suivit les côtes orientales des îles Britanniques, et lorsqu’il fut à la partie la plus septentrionale, poussant toujours vers le nord, il s’avança en six journées de navigation jusqu’à un pays que les barbares nommaient Thulé, et où la durée du jour solsticial était de 24 heures ; ce qui suppose 66 degrés 30 minutes de latitude septentrionale. (Pline, liv. II, c. 75 ; IV, c. 16 ; VI, c. 34 ; Cleomedes de sphaera). Ce pays, c’était l’Islande, située entre les 65e et 67e degrés de latitude ; ce voyageur, c’est le marseillais Pythéas, tant accusé d’infidélité et de mensonge par Polybe et Strabon, qui lui ont emprunté tout ce qu’ils ont dit d’exact sur la partie septentrionale et occidentale du monde connu des anciens. 1

 


 

1. Voir les Eclaircissements sur la vie et les voyages de Pythéas de Marseille, par Bougainville, publiés dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. T. XIX, p. 146.

 


 

Nous devons à Pythéas et à ce voyage d’exploration le nom donné alors à la partie du continent qui s'avance le plus à l’ouest, à l'extrémité de la péninsule armoricaine, qu'il désigne sous le nom de cap Calbium, Kalbion. Les indigènes dans leur langue celtique l'appellent Pen-er-Bed, bout du monde ; les documents du moyen-âge Finisterrae et cap Saint-Mahé, du nom d'une abbaye qui y fut fondée au VIe ou VIIe siècle sous le patronage de S. Mathieu, Mazhé ou Mahé en breton. Enfin, par barbarisme, Finistère, nom donné au département.

 

Le navigateur marseillais nous signale aussi en passant l’île d’Ouessant, encore plus à l’ouest du cap, il l’appelle Uxisama, Oujisamh, et Ostidamnii, Vstidamneoi, et Timii, Timeoi, le peuple qui habitait cette contrée.

 

Pythéas avait composé en grec deux ouvrages dans lesquels il exposait ce qu’il avait vu de remarquable. Le premier sous le titre de Description de l’Océan, contenait une relation de son voyage par mer depuis Gades, Cadix, jusqu’à Thulé, Islande. Le second était la description de celui qu’il avait fait le long des côtes de l’Océan jusque dans la mer Baltique. Ces écrits existaient encore au temps d’Etienne de Byzance, écrivain du Ve siècle ; mais ils ne sont malheureusement pas parvenus jusqu’à nous, et nous sommes réduits à quelques citations ; encore faut-il les prendre le plus souvent dans des auteurs prévenus contre Pythéas et qui lui prêtent leurs propres erreurs. Strabon écrivait vers l'an 44 de J.-C., plus de 300 ans après Pythéas, il n’avait parcouru les pays dont il parle, vers le couchant, que depuis l’Arménie jusqu’à cette partie de la Toscane qui est en face de la Sardaigne, - liv. II, p. 117 ; - il s’était imaginé que le froid rendait la terre inhabitable au-dessus du 54e degré de latitude, et parce que les navigateurs de son temps ne dépassaient point l'Irlande, l’Hibernie, il se croyait en droit de traiter de mensonges tout ce Pythéas avait dit sur Thulé, l’Islande, et les mers du Nord.

 

« Le prolongement des caps entr’autres ce cap des Ostidamniens qu'on appelle Calbium, dit-il, et des îles voisines, dont la dernière nommée Uxisama est selon Pythéas à trois journées de navigation du continent, n’augmente en rien la longueur de la terre habitée. Tous ces lieux sont situés vers Nord ; ils appartiennent à la Celtique et non à l'Ibérie, ou plutôt ils ne sont qu’une invention de Pythéas. -. Strabon, liv. I, p. 64, traduction de Coray, t. I, p. 161. »

 

« Uxisama est l'île d'Ouessant. J'ai eu souvent occasion, dit, dans la note 2, (Loc. cit.) le savant Gosselin, de remarquer que plusieurs fois les anciens géographes se sont trompés sur la distance des îles au continent le plus voisin, en confondant leur éloignement d’un point donné par les navigateurs avec l’intervalle qui les sépare de la terre ferme. Les trois journées de navigation que l’on met ici entre Uxisama et les côtes de la Gaule sont une erreur du même genre qui ne peut être attribuée à Pythéas, mais seulement à Eratostène qui le cite mal et a commis plusieurs méprises semblables. »

 

Pythéas aura dit qu’Uxisama Ouessant, était à trois journées de navigation du cap Cantium, pays de Kent, dans la Grande-Bretagne, et Strabon, citant Eratostène place cette île à trois journées de navigation des côtes de la Gaule et du cap Calbium qui en est éloigné de 4 lieues et demie seulement.

 

Strabon a raison de dire que le prolongement du cap Calbium n’ajoutait rien à la longueur du continent ; mais il a tort quand il prétend que son existence est une invention de Pythéas, puis que ce cap est celui de St-Mahé, vis-à-vis d’Ouessant, et, en faisant disparaître ce prolongement de sa carte, Strabon a étrangement défiguré la Gaule.

 

C’est ainsi que Pythéas, ayant dit encore que du Cantium, pays de Kent, dans l’île de Bretagne, on apercevait la Celtique, côtes de la Gaule, d’après César, - liv. I, c. 1, - depuis la Seine jusqu’à la Garonne et que le Rhin à plusieurs journées du Cantium terminait le Belgique, Eratostène et Strabon d’après lui en ont conclu que du Cantium on apercevait le Rhin. – Strabon, liv. I, p. 63.

 

César enfin, dans son liv. I, c. 1, divise Gaules en trois parties et place les Belges depuis le Rhin jusqu'à la Seine ; les Celtes depuis la Seine jusqu'à la Garonne et les Aquitains depuis la Garonne jusqu'aux Pyrénées et ne compte pas la Gaule narbonnaise précédemment réduite en province romaine. Strabon place la Gaule narbonnaise dans la Celtique et compte les Veneti parmi les peuples belges qui habitent les côtes de l'Océan, (liv. IV, c. III, p. 194), regarde les habitants des côtes de la Normandie et de la Bretagne comme des Belges malgré tout ce qu'en avait dit César.

 

Enfin nous lisons dans ce même Strabon, liv. IV, c. 2, p. 190 : « La Loire se décharge entre les Pictones et les Nannetes. Autrefois, proteron, il y avait sur ce fleuve une place de commerce nommée Corbilon : Polybe en parle à l’occasion des fables qu'avait débitées Pythéas au sujet de l'île de Bretagne. Les Marseillais, dit-il, dans un entretien qu’ils eurent avec Scipion, ayant été questionnés sur cette île, aucun d'eux n'eut rien à dire de remarquable. Il en fut de même des habitants de Narbonne et de Corbilon ; ils n'en étaient pas plus instruits que ces derniers, quoique ces deux villes fussent les plus considérables de ce pays. Pythéas seul osa débiter beaucoup de mensonges sur l'île de Bretagne. » Traduction de Coray, t. II, p. 39 et 40.

 

Ce passage de Polybe est fort obscur dans Strabon et nécessite quelques explications, car il nous fait connaître le nom, Corbilon, de l’entrepôt du commerce des îles Britanniques sur la côte occidentale des Gaules au temps de Pythéas, et sa situation vers l’embouchure de la Loire.

 

A peine Scipion-Emilien eût-il détruit Carthage et Numance vers l’an 133 avant J.-C., que Polybe à la tête d’une flotte fut chargé d’aller ravager les anciennes possessions des Carthaginois au-delà du détroit, mais elles étaient alors bien déchues de leur ancienne splendeur : la plupart avaient même disparu, et le tableau qu’il en fit au retour de son expédition répondait si peu à l’idée qu’on s’était formée de leur nombre et de leur opulence, que les Grecs et les Romains traitèrent de fable ce qu’on en avait publié jusqu’alors. 1

 


 

1. Gosselin : Recherches sur la Géographie systématique et positive des anciens, t. 1, p. 106.

 


 

Polybe, instruit par les documents trouvés dans Carthage, entreprit de suivre la même route qu’Hannon près de trois cents ans avant lui le long des côtes d’Afrique. Après avoir franchi le détroit des Colonnes, Gibraltar, que les Phéniciens de Tyr et de Carthage, que les Marseillais Euthymène et Pythéas avaient seuls dépassé avant lui, il annonce « qu’on lui devra les premières notions exactes sur ces contrées presque inconnues jusqu’alors. » Polybe, Hist. liv. III, c. 59. Mais il se borna explorer les côtes de l'Afrique, et quant au commerce avec les îles Britanniques et les mers du Nord, Polybe, pour se dispenser de suivre l'itinéraire d’Himilcon et de Pythéas, se contenta des renseignements pris à cette époque (146-134 avant J.-C.), auprès des négociants de Marseille et de Narbonne et de ceux de Corbilon qui s’y trouvaient, et s’appuie sur leur silence pour traiter de fables les récits de Pythéas.

 

La discrétion des mercatores de Marseille et de Narbonne et des négociants de l'ouest de la Gaule, en supposant avec Strabon qu'ils fussent encore habitants de l'ancienne ville de Corbilon sur Loire, ne doit cependant pas nous étonner. De tout temps, les peuples en possession d'un commerce se sont efforcés d'en cacher les sources et de s'en réserver le monopole. Nous avons vu les mercatores Venètes refuser à César ces mêmes renseignements lorsqu'il préparait sa première expédition dans l'île de Bretagne (César, liv. IV, 20 et 21). et Strabon raconte, liv. III, p. 175, « que des Romains ayant voulu suivre un navire phénicien  qui se dirigeait vers cette île, le maître du navire, afin de cacher sa route, aima mieux s'échouer volontairement et perdre son navire afin d’entraîner dans son naufrage ceux qui le suivaient. Pour lui, s'étant sauvé sur des débris, la valeur de ses marchandises lui fut payée sur les deniers publics. » L’intérêt seul suffirait donc pour expliquer le refus de renseignements sur le commerce des îles Britanniques par les mercatores de Corbilon à Scipion-Emilien, comme celui des Venètes à César cent ans plus tard, et d'un autre côté les révolutions arrivées dans la Gaule et dans son commerce pendant les deux cents ans qui s’étaient écoulés depuis la relation du voyage de Pythéas jusqu’au temps de Polybe, avaient modifié les relations commerciales des Marseillais avec la Bretagne, au point qu’ils pouvaient n'avoir plus une connaissance particulière de cette île dont ils ne recevaient pas les produits directement, mais par l’intermédiaire des navigateurs armoricains.

 

L'existence d’un port de commerce, , nommé Corbilon, vers l’embouchure de la Loire, , pour le commerce avec les îles Brtanniques, au temps de Pythéas, nous paraît incontestable. Remarquons seulement qu’au temps de Polybe et de Strabon, ce n’était déjà plus qu’une tradition : « il y avait autrefois, disent-ils,. Et depuis Polybe, aucun auteur ancien ne parle de Corbilon. Au temps de César et de la conquête, l’existence de ce port de commerce sur la Loire non-seulement est incompatible avec les récits des commentaires, nous l’avons démontré,  mais encore César nous apprend que Genabum, Orléans, était sur la Loire l’entrepôt du commerce fluvial lorsque Fusius Cita, l'intendant des vivres, et les citoyens romains que le commerce y avait attirés, qui negotiandi causa ibi constiterant, y furent massacrés l'an 52 avant J.-C. par les chefs Carnutes Cotuatus et Conétodunus. (Liv. VII-3.) Tout le commerce maritime était concentré aux mains des Venètes, les plus puissants de cette côte, qui possédaient les nombreux vaisseaux faisant la navigation des îles Britanniques et étaient les maîtres du petit nombre de ports situés sur cette mer vaste et orageuse, d’où ils rendaient tributaires tous ceux qui y naviguaient. (Liv. III-8)

 L’entrepôt du commerce avec les îles Britanniques était donc alors dans un des ports des Venètes, et le Morbihan, la Venetia de César, est assez près de l’embouchure de la Loire pour que, si Pythéas a dit que Corbilon était situé vers la Loire, Polybe et Strabon aient pu prendre sur eux de placer cette ville sur le fleuve même, quoique Pythéas n’ait entendu parler que de la ville des Venètes près de son embouchure. Les méprises de ce genre que nous avons relevées dans les géographes grecs qui n’avaient point visité les lieux par eux-mêmes, nous autorisent à faire cette rectification.

 

Quoiqu'il en soit, les Nannètes nommés une seule fois par César, (liv. III-9), pour les peuples coalisés avec les Veneti et appelés Samnites, Samnitoi, par presque tous les auteurs grecs, ne paraissent pas avoir eu sur la Loire d'établissement considérable avant le Portus Nannetum, dont le nom nous est signalé pour la première fois par la Table Théodosienne ou carte de Peutinger, document du IIIe ou du IVe siècle, et les plus anciennes inscriptions trouvées dans ses ruines ne remontent pas au-delà de Claude et de Néron au premier siècle de notre ère. C’est donc en vain qu’on chercherait dans des rapprochements de noms plus ou moins ingénieux ou ridicules, la situation sur la Loire de l’ancienne place de commerce, Corbilon. Elle n’a pas plus laissé de trace dans l’histoire que sur le sol. 1

 

L’antiquité du commerce des Venètes avec les îles Britanniques nous paraît au contraire, remonter aux siècles les plus reculés et résulte des plus anciens documents sur lesquels repose l'histoire du commerce et de la navigation aux premiers âges.

 

Ce nom de Venètes, dit Henri Martin, Histoire de France, t. 1, p. 20, semble celui d'un peuple primitif qui se serait brisé dans les âges anté-historiques, et dont les tribus se seraient dispersées parmi les principales races de l'Occident : sans parler des Henètes de la Paphlagonie, qui font grande figure dans le monde homérique, on trouve chez les Gaulois

 

 

 

Des Nannètes et de leur ancienne capitale, par M. Bizeul, de Blain, Nantes, veuve Mellinet, 1851.

 

 

nos fameux Venètes de Vannes, et les Venètes de la Grande-Bretagne (Gwened, Vénédotie : la partie nord du pays de Galles et la partie sud de l’Ecosse, portent toutes deux ce nom) ; chez les Slaves, les Vendes ou Venèdes ; chez les Germains, les Vandales ou Vindiles. Le lec de Constance s’est appelé Lac Venète (Pomp. Mel.). – Polybe (II, p. 105) dit que les Venètes d’Italie parlaient une langue différente des Gaulois, mais qu’ils leur étaient à peu près semblables par les mœurs et l’état social. En langue Kimrique, Venète ou Gwened dérive de gwen, blanc, beau, brillant. »

 

Remarquons les positions maritimes prises par les diverses fractions homonymes de ce peuple : les Venedi de la Germanie, dont parlent Pline et Tacite, Ounedai de Ptolémée, occupaient dans la mer Baltique le golfe Venedicus sinus, maintenant golfe de Dantzic, près de la Vistule ; les Heneti de la Paphlagonie, Enetoi d’Homère, d’Hérodote, de Strabon, etc, les rives du Pont-Euxin ou mer Noire, entre les fleuves Parthenius et Halys ; les Veneti du golfe Adriatique, depuis la dernière embouchure du Pô jusqu’aux contrées des Carni ; les Veneti Armoricains le Morbihan, près des embouchures de la Vilaine et de la Loire ; le lac de Constance, Venetus lacus de Pomponius Mela, liv. V, chap. II, est traversé par le Rhin près duquel Strabon, liv. IV, p. 193, place les Vendelici au midi du Danube : c’est dans l'Aestuarium Sabrinae, canal de Saint-Georges ou de Bristol, où la Saverne a son embouchure, que nous trouvons la Venta ou Veneta Silurum de l’itinéraire d’Antonin, devenue Caer-Went ou Guénèd britannique, sans parler de la Venta Belgarum, Wenchester sur la côte sud ; de Venta Icenorum, Nordwich, sur la côte nord, Ptolémée, liv. II, chap. II, nous montre les Venicnii, Ouenikneoi, occupant sur la côte septentrionale de l’Hibernie, Irlande, le promontoire qui prit le nom de Venicnium promontorium.

 

Les Veneti étaient donc une nation essentiellement armoricaine (ar, sur ; mor, mer) : leur origine celtique n’est pas douteuse, et nous pourrions suivre avec Le Huérou, dans ses Recherches sur les origines celtiques et sur la première colonisation de la Gaule, de la Bretagne, de l’Irlande et de l’Écosse publiées en tête de la nouvelle édition d’Ogée, par Marteville, les diverses émigrations de ce peuple forcé de se retirer devant les hordes scythiques qui le poursuivaient, avec la masse des Celtes, à travers les plaines de l’Europe septentrionale, et occupant, sur cette ligne immense, les diverses positions où nous venons de les signaler. Mais l’ordre chronologique de ces établissements est beaucoup plus difficile à déterminer, et il faut nous contenter du peu de lumière jetée sur le berceau de nos ancêtres, par les rares passages des auteurs anciens qui nous en parlent.

 

« C'est dans l'Asie que la Genèse a placé le berceau du genre humain. C’est vers ce point que toutes les histoires doivent remonter comme vers leur source, Le Huérou, p. 36 » Au commencement du siècle dernier, notre savant compatriote, le P. Pezron, d’Hennebont, fit faire un pas décisif à la question, en plaçant hardiment le berceau de la race celtique dans la Bactriane, au centre de la Haute-Asie1.


1. Antiquités de la nation et de la langue des Celtes, par Don Yves Pezron (Paris, Martin, 1703, in-12)


 

Depuis, la question a fait un dernier pas, et c’est sur la frontière de l’Inde, au sommet de l’Himalaya et du Thibet, qu’il faut la chercher aujourd’hui. C’est qu’une lumière inattendue est venue briller, de nos jours, sur ce point de l’horizon ; et l’on n’a pas vu sans surprise, que des sons, qui se répètent depuis deux mille ans dans les chaumières de la Bretagne et du pays de Galles, se consevent depuis trois mille ans dans la langue sacrée des Pogades de l’Inde, Le Huérou, p. 36.

Vers la fin du XVIIIe siècle, la critique est parvenue à éclaircir un peuces ténèbres, en rattachant les Cimbres et les Celtes de notre Europe aux Cimmériens de l’Asie. C’était l’opinion à peu près unanime de l’antiquité. Strabon, liv. VII-2, admet, sans hésiter, l’identité des deux peuples ; Diodore de Sicile, V-9, est du même avis ; Plutarque in Mario XI) n'en doutait pas et Appius (de Bell. Civ.I in Illyrie IV) le répète deux fois dans son histoire.

 

Les Cimmerii d'Homère et d'Hérodote sont, de l’aveu des plus graves auteurs de l’antiquité, les mêmes que les Cimbres de César, de Tacite et de Plutarque. Lorsque l’histoire les découvre pour la première fois, ils habitaient les bords du Palus Maeotis, entre l’Europe et l’Asie. Les Scythes, chassés par les Massagètes des pays qu’ils occupaient dans le voisinage de la mer Caspienne, se jetèrent sur les Cimmériens à la fin du VIIe siècle avant J.-C., et forcèrent les uns à se réfugier dans l'Asie-Mineure, pendant que les autres franchissaient le Tyros (Dniester,) et continuaient leur marche vers l'occident, Hérodote, IV, II.

 

C'est à cette époque et à cette cause que nous ferons remonter les deux migrations des Venedi de la mer Baltique et des Heneti de la Paphlagonie.

 

Pline, dans sa géographie, place, sur la mer Baltique ou sur la mer Blanche, une contrée, qu'il appelle Celtica, non loin des Hyperboréens (IV-14) et un peu en-deçà dans le voisinage des Scythes, des Cimmerii, qui, sans doute, étaient un débris de la grande nation qui avait autrefois occupé tout ce pays.

 

Strabon, au liv. XII, s’exprime ainsi : Après ce fleuve (Parthénius) on trouve la Paphlagonie et les Henètes. Mais quels sont ces Henètes dont Homère parle, lorsqu'il dit, le vaillant Pilamène conduisait les Paphlagoniens du pays de Henètes où naissent les mules sauvages ! Car on ne trouve nulle part des Henètes en Paphlagonie (au temps de Strabon, au 1er siècle de notre ère), quelques-uns disent que c’était le nom d’un bourg situé sur la côte à 10 schaenes, 600 stades d'Amastris. Zénodote, dans ce passage d’Homère, au lieu d’Hnetoi, écrit (au singulier et au féminin) Hneth, et prétend que c’était le nom de la ville connue aujourd’hui sous le nom d’Amissus ; d’autres pensent que c’était un peuple limitrophe des Cappadociens qui fit partie de l’expédition des Cimmériens et qui alla ensuite s’établir sur le golfe Adriatique. Trad. De Coray, t. IV, p. 27 et 28.

 

Cette tradition est l’unique fondement de l'origine illyrienne des Venètes de l’Adriatique1. Mais Strabon, au livre IV, en parlant des Venètes armoricains, avait dit : « Je présume que c'est de ces peuples que sont sortis les Veneti du golfe Adriatique, car presque tous les autres Gaulois établis en Italie y sont passés d’au-delà des Alpes, de même que les Boii et les Senones. On n’a regardé les Veneti du golfe Adriatique comme originaires de la Paphlagonie,


1. Voir dans l’Annuaire du Morbihan de 1855, p. 139, l’article de M. Bizeul intitulé : Histoire de la colonisation des Venètes de l’Italie par les Venètes de l’Armorique.


que la ressemblance du nom que porte un des peuples de cette dernière contrée. Au reste, je n’avance pas cette opinion comme certaine. En pareille matière, il suffit qu’on suive ce qui paraît le plus probable. » Trad. De Coray, t. II, p. 56.

 

Les Celtes étaient déjà fixés dans la Gaule et avaient pénétré jusqu’à l’extrémité méridionale de l’Espagne, à l’époque où Hérodote écrivait, et il est bien difficile de fixer aujourd’hui, d’une manière satisfaisante, l’époque probable de l’arrivée des premières tribus celtiques dans la Gaule. Toutefois, c’est à ce grand mouvement occasionné par l’invasion des bords du Palus Méotis et du Pont-Euxin, par les nations scythiques, qui chassèrent, plus avant dans l’Occident, les hordes Kimriques dépossédées, qu’Amédée Thierry, dans son Histoire des Gaulois, t.1, p. 36, rattache le passage du Rhin et l’émigration le long de l’Océan sur la contrée appelée Armorique dans la langue des Kimris, comme dans celle des Galls.

 

Ainsi, l’établissement des Veneti de la mer Baltique, comme celui des Veneti du Morbihan et des Heneti de la Paphlagonie, serait contemporain et remonterait aux époques reculées des temps historiques.

 

L’émigration des Veneti dans l’île de Bretagne suivit de près, et nous est attestée par les triades bretonnes. « Des trois tribus de la Bretagne, la première est celle des Cambriens. Et personne n’a droit sur elle (sur la Bretagne), que la tribu des Cambriens ; car les premiers ils en prirent possession. La seconde tribu est celle des Lloëgriens (Ligures), qui venaient de la Gascogne (synomyme d’Armorique dans la langue des Triades) ; ils descendaient de la tribu primitive des Cambriens. Les troisièmes furent les Brythons, qui étaient descendus de la tribu primitive des Cambriens. Et ces trois tribus avaient toutes trois la même parole et la même langue. » Probert, Triades de l’île de Bretagne, traduites du gaëlique.

 

Le vénérable Bède (I, 4) dit aussi que les Britones furent les premiers habitants de l'île, et qu’ils y vinrent des côtes de l’Armorique, qui de tractu Armoricano, ut fertur, Britanniam advecti.

 

Nous ne suivrons pas avec Le Huérou, dans ses Origines celtiques1, l’émigration des Veneti de la Cambrie dans l’île d'Erin, Irlande, vers l'année 350 avant J.-C., lorsque les Belges, dont parle César, liv. V-12, les forcèrent à chercher un refuge sur la côte septentrionale de cette île, d’où ils passèrent, suivant l'itinerarium de Richard de Cirencester, confirmé par Gildas le sage et le vénérable Bède, sur la côte occidentale de la Calédonie, Ecosse.

 


 

1. Dictionnaire de Bretagne, par Ogée, édition Marteville, t. 1, p. 54 et 55.

 


 

La descendance des Veneti des îles Britanniques, des Veneti armoricains n'a jamais été sérieusement contestée et repose sur les témoignages historiques les plus formels, aussi bien que sur l'identité des langues.

 

Mais l'origine des Veneti de l’Adriatique a été très controversée et cependant, si l'on veut remonter aux sources, il n'est pas imposible d’arriver à un résultat tout aussi satisfaisant.

 

« Au nord du Pô, dit Fréret, dans ses Recherches sur l’origine et l’ancienne histoire de l'Italie1, sont les Henètes ou Venètes, qui se conservèrent longtemps sans mélange avec d'autres nations et que nous devons distinguer des Liburnes, quoique Virgile, qui s'exprimait en poëte, les confonde avec eux, Aenéide, liv. I, v. 244. Hérodote nous atteste l'origine illyrienne de ces Venètes voisins d’Adria et dont Patavium, Padoue était la capitale, » p. 77. Fréret cite en marge Hérodote, I-5.

 


 

1. Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, t. XVIII, p 72.

 


 

Si, curieux de vérifier le passage ainsi indiqué, comme devant Justifier cette origine illyrienne des Venètes de l’Adriatique, on ouvre Hérodote, au liv. I-5, on y voit : Que les Perses les plus instruits accusent les Phéniciens d'avoir les premiers excité des dissensions entre les peuples par l'enlèvement d'Io, fille d'Inachus roi d'Argos. Mais des Henètes, pas un mot.

 

Hérodote ne les nomme que deux fois. La première, au liv. I, Clio, 96 (chacun des livres d’Hérodote porte le nom d’une muse), pour nous dire, en parlant des mœurs des Assyriens : « Qu’en chaque village on réunissait, une fois par an, toutes les filles nubiles. Un crieur public les mettait successivement à l’enchère, en commençant par les plus belles, et tenait en réserve l’argent payé par les acheteurs. Lorsqu’il arrivait aux laides, à celles pour lesquelles il ne se présentait plus d’enchérisseurs, il les proposait, dit-on, au rabais et adjugeait à ceux qui se chargeaient de les épouser aux moindres prix ; on employait à leurs dots l’argent provenant de la vente des belles. Hérodote regrette que les Assyriens aient laissé abolir cette institution dont il admire la sagesse et la beauté : il a appris qu’elle était commune aux Venètes, peuple d’Illyrie ; Tv kai Illuriovn Enetouw punyanomai xreesyai. » 1

 


 

1. Cours d’études historiques par Daunou, Ve leçon.

 


 

Et au livre V, Terpsichore, 9 : « Hérodote ne connaît pas les pays situés au nord de la Thrace ; il croit qu’après avoir passé l’Ister (le Danube), on ne trouve qu’une contrée déserte dont les limites sont indéterminées. Il place néanmoins au-delà de ce fleuve les Sigynnes, Jigunnai, qui s'habillent à la manière des Mèdes et dont les chevaux ont des poils épais, crépus, et longs de cinq doigts. Ces animaux sont d’ailleurs petits, ont la tête aplatie, et ne courent avec quelque vitesse que lorsqu’ils sont attelés à des chars. Les Sigynnes confinent aux Venètes qui habitent les bords de l’Adriatique, et qui se donnent pour une colonie Mède. C’est, dit Hérodote, ce que j’ai peine à comprendre. Mais je ne me presse pas de prononcer sur ce point, car le temps a pu amener bien des choses. Le mot de Sigynnes se retrouve en Ligurie, près de Marseille, où il signifie des marchands, Oikeontew touw kapelouw et chez les Cypriens, qui appellent ainsi des piques. » Daunou, 23e lec. T. 9, p. 165 et 166.

 

On le voit, malgré l’affirmation de Fréret, Hérodote se borne à rapporter, sans se prononcer, la tradition de l'origine Médique des Venètes de l’Adriatique, et s’il les appelle peuple d’Illyrie, c’est que les deux côtés du golfe Adriatique et de la mer supérieure sont à ses yeux l’Illyrie.

 

« Les Venètes, aïeux des Vénitiens, occupaient les basses terres au-delà de Vicence et de Padoue et le fond de l’Adriatique, dit Henri Martin, t. I, p. 20, depuis les temps les plus anciens ; car ils s’y étaient maintenus contre. les Etrusques, lorsque ceux-ci avaient dépossédé les Gaëls-Ombriens. Tit. Liv. V, c.33. »

 

Tite-Live, en effet, avant de raconter la prise de Rome par les Gaulois, entre dans de grands détails sur les diverses émigrations gauloises dans la gaule Cisalpine.

 

« D’autres Etrusques, dit-il, bien avant ceux de Clusium, avaient, entre l’Apennin et les Alpes, combattu plus d’une fois contre les armées gauloises. La preuve en existe dans les noms même des deux mers supérieure et inférieure qui baignent la presqu’île italienne ; car la mer toscane porte le nom de la nation même ; l’autre, appelée Adriatique, tient le sien d’Adria, colonie Etrusque, et le langage de tous les peuples d’Italie atteste ces origines. Les Grecs disent aussi mer Adriatique et mer Tyrrhénienne ; les Toscans se sont établis sur les bords de l’une et de l’autre : ils ont eu d’abord vers l’inférieure, en-deçà de l'Apennin, des territoires partagés entre douze cités, et ensuite en-deçà de l’Apennin, un égal nombre de colonies, envoyées par chacune de ces métropoles. Ces seconds établissements remplissaient tout l’espace situé entre le Pô et les Alpes, excepté l’angle occupé par les Venètes à l’extrémité du sinus. Quae trans Padum, omnia loca, excepto Venetorum angulo, qui sinum circumcolunt maris, usque ad Alpes tenuere. Tit. Liv. V, c. 33, Daunou, lec. 36, t. XV, p. 52.

 

Suivant ce passage de Tite-Live, les Venètes occupaient donc le sinus de la mer Adriatique lorsque les Etrusques ou Tyrrhéniens, peuple Pélagique, originaire de l’Asie Mineure, s’ouvrirent un passage à travers l’Is-Ombrie, franchirent les Apennins et se jetèrent sur la Vil-Ombrie. Par conséquent, l’établissement des Venètes sur l’Adriatique est antérieur à l’émigration gauloise qui eut lieu l’an 587 avant notre ère, sous la conduite du Biturige Bellovèse, dans laquelle les Aulerci et les Carnutes et surtout les Cenomans, ceux-ci, 66 ans plus tard, ayant pour chef Elitorius, chassèrent les Etrusques de tout le reste de la Transpadane jusqu’à la frontière des Venètes Tit. Liv., liv. V-35, et vinrent comme dans la Gaule Cisalpine se juxtaposer près de ce peuple ancien, nous dit Polybe, liv. II-3, qui avait à peu près le même costume et le même habillement que les autres Gaulois, mais qui parlaient une autre langue. (Trad. De dom Thuillier).

 

Mais à quelle époque faire remonter cet établissement des Venètes et à quelle nation les rattacher ?

 

« La Transpadane, dit Strabon, liv. V, est occupée par les Celtes et les Heneti. Les Celtes de ces cantons sont de la même race que les Celtes Transalpins. Quant aux Heneti, il y a deux traditions : l’une porte qu’ils sont une colonie de ces Celtes établis sur les bords de l’Océan (les Venètes armoricains), qui s’appellent comme eux Heneti ; l’autre veut qu’ils descendent des Heneti de la Paphlagonie. »

 

Et au liv. XII, c. 2, « les Heneti dont venait Pylémène, étaient un peuple considérable appartenant à la nation paphlagonienne ; un grand nombre d’entre eux le suivirent en Troade, mais après la perte de leur chef et la prise de Troie, ils passèrent en Thrace, et de là, après avoir erré longtemps, ils se rendirent au pays qu’on nomme aujourd’hui l’Hénétique, territoire de Venise. Suivant quelques écrivains, Anténor même avec ses enfants, s’associa à cette expédition, et alla s’établir au fond du golfe Adriatique, ainsi que nous l’avons vu dans la description de l’Italie. Voilà, ce me semble, pourquoi on ne trouve plus d’Hénètes en Paphlagonie. » Trad. De Cor., t. IV, p. 27.

 

Ainsi rois traditions rapportées par les auteurs anciens relativement à l’origine des Venètes adriatiques. Au IVe siècle de notre ère, au temps d’Hérodote, ils se disaient issus des Mèdes, liv. V-91, ce qu’Hérodote avait du mal à comprendre, et ce dont il ne s’enquiert même pas, egv men ouk exv epifrasasyai.


1 Voyez plus haut page 73.


Au Ier siècle avant J.-C., origine Troyenne à la suite d’Anténor, adoptée par Tite-Live et Virgile et constatée par Strabon, mais rejetée par celui-ci qui lui préfère comme plus raisonnable l’origine celtique, Liv. IV, c. 3, p. 195. Et enfin, cette origine celtique reconnue par Polybe qui écrivait dans la première moitié du IIe siècle avant J.-C. Liv. II, c. 3, mais avec cette particularité que les Vénètes semblables aux autres Gaulois par les mœurs et l’habillement, étaient plus anciens qu’eux et différaient seulement par leur langue.

 

Cette différence dans la langue n’est-elle pas suffisamment expliquée par les cinq siècles qui se sont écoulés depuis le IXe siècle avant J.-C., époque à laquelle Tite-Live constate que les Venètes résistèrent à l’invasion des Etrusques et se trouvèrent en contact avec ce peuple plus avancé en civilisation et avec lequel ils finirent par s’allier, jusqu’à l’année 587 qu’eut lieu au-delà du Pô leur réunion avec les Celtes ou Gaëls de Bellovèse et d’Elitorius.

 

Nous avons montré que Fréret s’était trompé lorsqu’il a cru qu’Hérodote, liv. I-96 et non liv, I-5, attestait un origine illyrienne aux Venètes de l'Adriatique. Il exagère la portée de la remarque de Polybe quand, au lieu d’une différence dialectique dans la langue, il lui fait dire que les Venètes parlaient une langue toute différente de celle des autres Gaulois. Les guerres des Venètes contre ceux-ci le porte aussi à croire qu’ils n’avaient pas la même origine, mais il oublie que dans ces guerres, les Venètes sont presque toujours accompagnés des Cénomans, leurs voisins dans l'Adriatique comme dans l'Armorique, et dont l’origine celtique ne peut être révoquée en doute.

 

Nous en trouvons une explication beaucoup plus satisfaisante dans l’Histoire des Gaulois de M. Amédée Thierry, qui établit, t. 1, c. 1, p. 47, « que les Galls occupaient la Transpadane et les Kimris, la Cispadane. » Or ces Galls étaient composés des Veneti, des Cénomans, des Aulerci, c’est-à-dire des Celtes ou Gaulois de la première émigration, tandis que les Boïes, les Anamans, les Lingons et surtout les Senones et les autres peuples qui franchirent le Pô et occupèrent la Cispadane étaient d’origine Kimrique ou belge. Il est curieux de voir César dans les Gaules constater la même différence dialectique dans le langage entre les Belges et les Gaulois ou Celtes, liv. I-1. Lingua, instituta, legibus inter se differunt, que Polybe entre les Venètes de l’Adriatique et les Gaulois cispadans, glvtta dalloia xrvmenoi, Liv. II, c. 3.

 

Mais, avons-nous la preuve que les Venètes de l'Adriatique, fraction de cette grande nation qui conserve son autonomie dans toutes les parties du globe où elle sème ses essaims, ait fait partie de cette première émigration celtique qui avait peuplé les presqu'îles et les golfes de la Baltique, du Morbihan, d'Albion,et d'Erin ? Elle résulte de la marche de ces peuples vers ces différentes contrées et des époques auxquelles ils s'y sont fixés.

 

C'est entraîné par l'autorité du savant Fréret, que M. Amédée Thierry dans son Histoire des peuples Gaulois, t. I, c. 1, dit page 11 : « La contrée circumpadane était alors, 1400 à 1000 avant J.-C., en presque totalité au pouvoir des Sicules, nation qui se prétendait autochtone, cest-à-dire née de la terre même où elle habitait. Les Venètes, petit peuple Illyrien ou Slave, s’y étaient conquis une place à l’orient, entre l’Adige, le Pô et la mer. » Et comme Fréret il cite Hérodote, liv. I-5. En faisant des Venètes un peuple slave, M. Amédée Thierry se trouve ramené à la vérité historique et à l'origine celtique ; nous ne voulons pour l’établir que les autorités citées par lui et l'exposé si clair et si lucide de l’invasion de ces vieux Gaulois, ancêtres du peuple des Ombres, dont Tite-Live nous apprend la résistance contre les Etrusques, obligés de s’arrêter aux frontières des Venètes.

 

M. Amédée Thierry n'appuie sur aucun texte cette émigration directe des Venètes-Slaves, qu'il fait contemporaine de celle des Ombres. Ces vieux Gaulois, organisés sous le nom collectif d'Ambra, les vaillants ou les nobles, venaient de la Celtique à travers les Alpes, et leur origine est attestée par Cornélius Bocchus, l'affranchi lettré de Sylla, cité par Solin, Bocchus absolvit Gallorum veterum propaginem Umbros esse, Solin, Poly. Hist., c. 8, et par le fameux Antonins Gnipho, précepteur de Jules César, sane Umbros Gallorum veterum propaginem esse Antonius refert. Serv. in l. XII Æn. ad fin.

 

 

Si les Venètes de l'Adriatique n'avaient pas eu la même origine et la même provenance, comment expliquer que ces vieux Gaulois les eussent admis au partage dans l’établissement de la Vil-Ombrie ? -- Bil, vil, bord, rivage ; ce radical entre encore dans la composition d'un. grand nombre de noms de lieux sur nos rivages de la Vénétie armoricaine. -- Et si les Venètes avaient appartenu aux Sicules qui se disaient autochthones (Dionys. Halic., l. I, c. 9 ; Pline, l. III, c. 4), c’est-à-dire les premiers occupants de l'Italie, n'auraient-ils pas été repoussés comme eux, et n'auraient-ils pas suivi ceux-ci dans leur retraite jusque dans les Iles Siciliennes.

 

On ne peut préciser l’époque de l’occupation des rivages armoricains par les Venètes autochthones, ni celle de leur irruption dans la péninsule ibérique, l’Espagne, où Pline, liv. III-3, nous montre des Vennenses ayant encore cinq cités puissantes à côté des Celtiberi. Vennenses quinque civitatibus vadunt.

 

« Les historiens nous disent unanimement que ce furent les Celtes qui conquirent l’ouest et le centre de l’Espagne ; et en effet, leur nom se trouve attaché à de grandes masses de population gallo-ibérienne, tels que les Celt-Ibères, mélange de Celtes et d'Ibères qui occupaient le centre de la péninsule, et les Celtici, qui s'étaient emparés de l'extrémité sud-ouest. » Amédée Thierry, Hist. des Gaul., Introd. p. xxxij.

 

« Tandis qu'ils se pressaient dans l'occident et le centre de l'Espagne les nations ibériennes déplacées et refoulées sur la côte de l'est, forcèrent les passages orientaux de leurs montagnes. La nation des Sicanes, la première, pénétra dans la Gaule qu'elle ne fit que traverser et entra en Italie par le littoral de la Méditerranée. Sur ses traces arrivèrent ensuite les Ligors ou Ligures, peuple originaire de la chaîne de montagnes au pied de laquelle coule la Guadiana, chassés aussi de leur pays par les Celtes. » Id. t. I, p. 9, édit. 1835.

 

« Les Ligures trouvant le littoral en partie déblayé par les Sicanes, s'établirent le long des cotes gallo-italiques, depuis les Pyrénées jusqu'à l’Arno tandis les Sicanes, passent les Apennins, s'arrêtaient dans la grande vallée du Pô. – Padus, du gaëlic, pades, sapin, à cause des forêts de sapins qui environnaient sa source. » Pline, III-16, Henri Martin, t. I., p. 6, édit. 1851.

 

Ces passages de l’Histoire des Gaulois prouvent l'inexactitude de la conjecture de Fréret que les premiers habitants de l’Italie, qui y entrèrent au plus tard dans le seizième siècle avant J.-C., par les Alpes Carniques ou Juliennes sortaient de l'Illyrie et des pays voisins parmi lesquels il range les Liburni, les Siculi et les Veneti. Hist. de l’Acad. des Inscrip., t. XVIII, p. 75.

 

Il est acquis à la science historique par la critique moderne que les Sicules ou Sicanes, reconnus pour autochthones, venaient non pas de l'Illyrie, mais de l'Ibérie, qu’ils furent repoussés de l'Italie vers l'an 1364, par les vieux Gaulois ou les Ombres, au nombre desquels étaient les Veneti, et qu'ils s'emparèrent de toute la vallée du Pô.

 

« Dans le cours du onzième siècle, dit encore Amédée Thierry, t. I, p. 14, un peuple nouvellement émigré du nord de la Grèce entra en Italie par les Alpes Illyriennes, traversa l’Is-Ombrie comme un torrent, franchit l'Apennin et envahit l'Ombrie maritime ; c’était le peuple des Basènes, si connu dans l’histoire sous le nom d'Etrusques. »

 

Une fois constitués, les Etrusques attaquèrent l’Ombrie circumpadane et partagèrent entre leurs douze cités cette seconde conquête. Mais, nous a dit Tite-Live, liv. V-33, ils ne purent chasser les Venètes de la Vil-Ombrie, et ce fut là que les Aulerci et les Cénomans, leurs voisins dans la Gaule transalpine, les retrouvèrent lors de l’invasion de 587 avant J.-C.

 

Ainsi se trouve confirmée l’origine celtique des Venètes de l’Adriatique, regardée comme la plus raisonnnable par Strabon au Ier siècle de notre ère, établie par les observations si judicieuses de Polybe au IIe siècle avant J.-C., et par les faits racontés par Tite-Live, malgré l’origine troyenne adoptée par lui pour flatter les préjugés de son siècle, par les dates de Fréret, qui n’admet l’origine Illyrienne que sur une fausse citation d’Hérodote parlant d’une  tradition Médique, et par l’Histoire des Gaulois avec laquelle se trouverait en contradiction l’origine illyrienne ou slave, indiquée sur l’autorité de Fréret, mais repoussée par les faits racontés par cette même Histoire des Gaulois si bien autorisée.

 

Les Venètes de la mer Baltique, ces ancêtres des Aestii dont Tacite (de mor. Germ. 45), nous dit qu’ils parlaient une langue très rapprochée de celle des Bretons, dextro Suevi maris littore Aestiorum gentes adluuntur, quibus ritus, habitusque Suevorum, lingua Britannicae propior, nation celtique primitive, avant d’aller repousser les Sicules autochthones de l’Italie, se montrent à nous se retirant devant les hordes scythiques qui les poursuivent à travers les plaines de l’Europe septentrionale, laissant sur les côtes de la Gaule et des îles d’Albion ou d’Erin, ces colonies de Venètes armoricains et bretons qui se disent autochthones dans ces parages, et occupent dans les golfes, les presqu’îles à l’embouchure des fleuves, des points fortifiés qui leur sont restés, lorsqu’ils se sont en quelque sorte rangés pour laisser passer le torrent. Comme plus tard, lorsque les Germains franchiront le cours du Rhin et viendront leur enlever encore la Gaule et la Bretagne, ils trouveront un dernier asile dans les rochers de l’Armorique et du pays de Galles1 ; ainsi firent-ils sur les bords de l'Adriatique contre l'invasion étrusque.


1. Voyez cf. Le Huérou des Origines celtiques, Ogée. – Marteville, p. 41.


 

Pendant que ces Venètes maintiennent leur indépendance dans leurs lagunes, Les enètes de l’Ibérie, de l’Armorique et des îles Britanniques sont initiés à la navigation et au commerce par les Phéniciens qui fondèrent des colonies sur leurs rivages et pénétrèrent dans l’intérieur pour exploiter les mines d’or et d’argent que recelaient alors à fleur de terre les Pyrénées, les Cévennes et les Alpes. L’existence de leurs médailles a été constatée dans des lieux même éloignés de la mer et le type de nos médailles celtiques est emprunté au type macédonien. Leur principale colonie fut établie à Tartesse, dit Arrien, De expedit. Alexand. Lib. II, c. 16, où ils bâtirent un temple à hercule, et Salluste nous apprend que les Tyriens changèrent le nom de la ville de Tartesse en celui de Gadir, Gades, Cadix. Tartessum Hispaniae civitatem, quam nunc Tyrii, mutato nomine Gadir habent. Fragment. E lib. II.

 

« Les Phéniciens de Gades, suivant Strabon, liv. III, p. 175, faisaient le commerce de l’étain avec les îles Cassitérides, les Sorlingues, ils y portaient de la poterie, du sel, des ustensiles de cuivre, et recevaient en échange des insulaires de l’étain, du plomb, que ceux-ci tiraient en abondance de leurs mines, et des cuirs provenant du nombreux bétail élevé par eux. »

 

On ne peut exactement déterminer l’époque à laquelle commencèrent ces relations maritimes de l’Asie avec la gaule ou Celtique ; les uns la portent à la 73e année de Moïse, les autres au temps de Josué1.

 

L’étain fut d’abord appelé Kassiterow, du nom phénicien des îles Cassitérides, d’où il pronvenait, et d'où les Phéniciens le répandaient dans presque toute L’Europe et l’Asie. Ce commerce s'étendait sans doute à toute la côte méridionale de la Grande-Bretagne, mais, parce que dans ces temps reculés on confondait cette côte avec celle du continent de l’Europe, la langue du commerce désigna l’une et l’autre sous le nom des îles Cassitérides, désignation qui semble avoir été en usage au temps d’Hérodote2. Mais celui–ci ne paraît pas avoir connu la Bretagne et ne fait qu’une allusion dédaigneuse à tout ce que racontaient les marchands phéniciens des îles Cassitérides. Liv. III-115. « Les Barbares nomment Eridan, Eridanow, (le fleuve Raudane, près de Dantzic), certain fleuve qui s’écoule dans la mer boréale, d’où l’on dit que nous vient l'étain, et ces îles Cassitérides, d'où on nous l’apporte me sont inconnues, oute nhsouw oida Kassiteridaw eousaw, ek tvn o kassiterow hmin foita. » Le Huérou, Orig. Celt., p. 52.

 


1. Voir les Mémoires sur les révolutions du commerce des îles Britanniques, depuis son commencement jusqu’à l’expédition de Jules César, par Mélot, au tome XVI des mémoires de l’Académie des inscriptions et bellles-lettres, p. 153 et suiv.

2. Mélot, Loc. cit., p. 154.


 

Les révolutions de l’Asie, les revers de la grande cité de Tyr accablée par les Assyriens, amenèrent la ruine des colonies phéniciennes de l’Europe. L'on paraissait en avoir perdu jusqu’au souvenir, lorsque, vers l’an 639 avant J.-C., le hasard amena les Grecs jusqu'au détroit des Colonnes, et dans l’Océan atlantique.

« Hérodote rapporte que des Samiens partant de l'île de Platée pour aller en Egypte sur un vaisseau commandé par Colaeus, furent portés jusqu’au-delà des Colonnes d’Hercule par un vent d’est qui ne cessa de souffler et les conduisit jusqu'à Tertesse, Cadix. Hérod., Melpom. Lib. IV-152. Comme jusqu'alors, ce port n'avait pas été fréquenté par les Grecs, les Samiens firent les plus grands profits sur les marchandises qu'ils en rapportèrent. Tel fut le premier voyage au long cours des Grecs.

 

 

http://www.noctes-gallicanae.org/Lallemand/Lallemand5.htm#IV_h

Commerce maritime des Venètes avant la conquête romaine. - Changements apportés dans ce commerce par la conquête et la nouvelle organisation des Gaules par Auguste, l'an 27 de J.-C.

 

 

 

 

 

Environ soixante ans après le voyage de Colaeus de Samos, les Phocéens trouvèrent aussi la route de Tertesse, où régnait Arganthonius, fameux pour la durée de son règne, par ses grandes libéralités et par les grandes richesses qu’il tirait des mines abondantes de ses états. Hérodot, Clio, I-163.

 

« L’an 600 avant J.-C., un vaisseau parti de la ville ionienne de Phocée jeta l'ancre dans un golfe de la côte gallo-ligurienne, à l'est des bouches du Rhône. Nann, chef ou roi des Ségobriges, mariait ce jour-là sa fille ; il fit aux étrangers un accueil hospitalier et les invita au festin. Suivant la coutume de ces peuples, la jeune vierge choisissait librement un époux entre ses prétendants à la table de son père. Sur la fin du repas, d’après l’usage Petta, la fille de Nann paraît une coupe à la main ; elle promène ses regards sur l’assemblée, s'arrête en face d'Euxène, le chef des Grecs, et lui tend la coupe. Nann crut reconnaître dans le choix de sa fille l'ordre des puissances célestes ; il salua son hôte comme son gendre et lui donna pour dot la plage où les Grecs avaient pris terre. » Aristote, ap. Athen. XIII-5, Justin XLIII-3, Henri Martin, t. I, p. 11.

 

Ainsi fut fondée cette ville que les Latins appelèrent Massilia, les Provencaux du Moyen-âge Marsillo, et les Français Marseille. Une inscription punique trouvée récemment à Marseille, permet de conclure qu'il avait existé là une colonie phénicienne, disparue avant l'arrivée des Grecs. Ceux ci devaient leur succéder dans le commerce de l'Occident et devinrent les rivaux des Carthaginois qui, après la ruine de Tyr, s’étaient seuls hasardés au-delà du détroit et de Gades, Cadix, et continuaient le commerce de l'étain avec les îles Cassitérides et les côtes occidentales de la Gaule.

 

Au temps de sa plus grande puissance, nous dit Pline, Hist. nat., lib. II-67 et lib. V-1, deux flottes partiront de Carthage pour aller faire des découvertes et fonder des établissements dans l'Océan occidental, l'une vers le sud et les côtes de l’Afrique sous les ordres d’Hannon, l'autre vers le nord sous la conduite d’Himilcon. Le Périple, ou relation du voyage de ce dernier est parvenu jusqu’à nous, mais à l'instar de ce capitaine phénicien dont nous a parlé Strabon qui aima mieux perdre son navire que de faire connaître la route qu'il suivait le périple d'Himilcon est si obscur, qu’on s’aperçoit aisément qu’il a voulu dérober ses traces aux étrangers. Toutefois, la traduction qu’en fit un grec de Sicile après que les Carthaginois y eussent étendu leur domination, paraît avoir donné l'éveil aux Massaliotes, et ceux-ci organisèrent une grande expédition destinée à leur faire connaître le pays d'où provenaient les marchandise qui avaient le plus de cours chez les peuples avec lesquels ils commerçaient. De ce nombre était l’étain que l’on tirait des îles Britanniques, l’ambre ou le succin que l’on allait chercher dans la mer Baltique et dans les mers du Nord. C’est alors quEuthymène fut envoyé vers le Midi pour découvrir sur les côtes d'Afrique les pays où l'on trouvait la poudre d’or, et Pythéas vers le septentrion pour reconnaître les îles Cassitérides, les Sorlingues, et les mers cu Nord. C’est alors aussi que s’ouvre l’époque historique pour le commerce et la navigation sur les côtes occidentales de la Gaule, et nous avons vu en commençant ce chapitre qu’il est le premier à nous donner le nom d’une ville, Corbilon, et d'un peuple, Ostidamni, qu’il signale dans la péninsule armoricaine.

 

Le Massaliote Pythéas, contemporain d’Alexandre, détermine la latitude de sa ville natale d’après l’ombre du gnomon, et l’exactitude de ses calculs a surpris les savants modernes1. Le premier, il constata la relation des marées avec les phases de la lune. Conduit par ses observations astronomiques, après avoir passé Gadès, il parcourut toutes les côtes de l’Europe baignées par l’Océan, et y fit deux voyages : l’un, dont nous avons parlé dans lequel il s’avança jusqu’à Thulé, l’Islande, pour lui à six journées de navigation de l’île de Bretagne, l’autre dans lequel après avoir passé du canal de la Manche dans la mer du Nord et de celle-ci par le détroit du Sund dans la mer Baltique, il vogua jusqu’à l’embouchure d’un fleuve auquel il donne le nom de Tanaïs ; ce fut là le terme de sa course.


1. La différence avec les calculs modernes n’est que de quarante secondes.


 

« Suivant Pline, liv. XXXVII, c. 2, Pythéas rapporte que les Guttones, peuple de Germanie, habitent les bords d’un golfe de l’océan appelé Montonomon, qui a 6000 stades d’étendue, qu'à une journée de navigation de ce golfe, il y a une île nommée Abalus, sur les bords de laquelle les flots déposent le succin, et que cette subsatance est une déjection de la mer Concrète. Les habitants le vendent aux Teutons, dont ils sont voisins. Timée rapporte la même chose, mais il donne à l'île le nom de Basilia. »

 

Le golfe de 60000 stades dont parle Pythéas, serait situé selon Gosselin dans ses Recherches sur la Géographie systématique et positive des anciens, t. IV, p 107 et suiv., entre le cap Rutt et celui de Grinéa, et ces rivages, ainsi que ceux des îles qu'il renferme, produisent encore du succin. Une petite île, en conservant le nom d’Aebel, rappelle celui d’Abalus cité par Pythéas, et se joint par des bas-fonds à l’île de Funen, enfermée par les Belts dont elle a pris le nom de Baltia, devenu Basilia .chez les écrivains grecs. Quant au nom de Montonomon donné au golfe comme ceux de Corbilon et d’Ostidamnii, on ne les retrouve plus chez les écrivains postérieurs.

 

Mais remarquons que l’ambre recueilli sur les rivages d'Abalus et de Baltia passait chez les anciens pour être une production de la mer Concrète, Mare cronium, mer glaciale ; Mor-Crown, dans le gaëlic, Mor-scournet, dialecte de Vannes ; nom que prenait en s'élargissant la Baltique et en s'éloignant des côtes de la Mer Morte, la Mari-Marousa de Philémon : Mor-Marwsis, gaëlic, Mor-marhue, dialecte de Vannes.

 

Le voyage d’exploration de Pythéas remettait donc en rapport les Venètes de la Mer Morte avec les Venètes du Mor-Bihan et les Venètes des îles Britanniques. Les fouilles pratiquées sous nos dolmens et nos tumuli nous donnent dans ces celtae, ces colliers en jade, en ambre et en succin de la mer glaciale, recueillis dans nos musées archéologiques, la preuve des relations commerciales renouées depuis lors entre les différentes branches de cette grande famille celtique dont l’identité de la langue nous a montré la communauté d’origine.

 

L’usage s’est conservé de qualifier de langues celtiques les dialectes gaulois encore subsistants, à savoir : le breton, le gallois, l’écossais et l’irlandais. Le nom de monuments celtiques doit aussi être maintenu à ces monuments identiques dans leur forme comme dans leur destination que nous retrouvons chez tous les peuples de la race indo-européenne ou Japétique1. Dans l’Inde comme aux bords du Pont-Euxin, dans la Chersonèse tauride comme dans la Chersonèse cimbrique, sur les bords du Danube comme sur les promontoires de la mer morte et de la mer glaciale, dans les îles d'Erin (er-inis, île de l’ouest, et d'Albion. (Alb., . élevé, blanc, in, inis, île) . insula sic dicta ab albis rupibus quas mare alluit, Pline, l. XIV, c. 16), comme dans l'Armorique gauloise et sur le Morbihan ; chez tous ces peuples que les historiens grecs comprennent dans la Celtique, Plutarque in Mario XI, Ephore apud Strab. I, ces dolmens, ces tumuli se montrent à nous sous la même forme, incompatibles avec leur usage comme autel ou pour le sacrifice, mais indiquant par leurs dispositions intérieures et extérieures leur destination funéraire que confirment les ossements, les cendres et les autres objets qu'on y trouve. La plupart de ces peuples furent étrangers au culte et à la religion des druides. C’est donc à tort que l’on a appelé druidiques ces monuments communs à tous, mais antérieurs au druidisme.

 


1. L’ethnographie biblique fait descendre les Gaulois d’Askhénas, un des fils de Gomer, fils de Japhet. Genèse, I ? 10. – L’historien juif Joseph, Antiq. I, 7, appelle les Kimmerioi, Cimmériens, Gomareiw, Goméristes.


 

Quant au peuple primitif auquel on les attribue avec raison, pourquoi le rechercher au-delà des Celtes ? n'est-ce donc pas assez que de remonter presqu’au déluge ? et cette langue celtique qui a donné leurs noms à ces monuments : men-hir, (mein, pierre et hir, longue) dolmen, (mein, pierre et taul en construction daul, table plate et horizontale), cette langue n'est-elle pas celle que parlaient ceux qui se disaient autochthones, ou premiers occupants de la Gaule et de la Grande-Bretagne ; n’est-elle pas comme le sanscrit et le Zend dérivée de cette langue disparue ou transformée par la dispersion des peuples.

 

Le succin ou l'ambre jaune était une marchandise d'une grande valeur parmi les anciens. Ils l'employaient aux ornements marquant les plus hautes dignités, comme on le fait encore de nos jours en Chine, témoins ceux qui ont été trouvés dans le palais d'été de l'empereur par nos troupes victorieuses. Les femmes le prisaient autant que les plus belles perles, et le caprice qui lui avait donné ce prix dans les temps les plus éloignés le lui conservait encore au temps de Pline, au Ier siècle après J.-C. Il s'en plaint amèrement, liv. XXXVII, c. 2. On en faisait des vases, des statues et d’autres ouvrages pour lesquels il fallait en avoir des morceaux assez considérables, mais comme les peuples qui en avaient le commerce ne s’en servaient qu'à faire des colliers et des bracelets, Néron, nous dit Pline, envoya à travers la Germanie dans la mer Baltique et dans les pays qu'arrose la Vistule, où on le recueille en plus grande abondance, un chevalier romain chargé de s'assurer si les morceaux étaient conservés dans toute leur grosseur. Pline, Hist. nat., lib. XXXVII, c. 2 et 3.

 

Au temps de Pline, trois siècles après Pythéas, c'était par terre que se faisait ce commerce : la marine marchande avait été détruite par César avec la flotte des Venètes. Mais à l'époque celtique, à celle qui correspond aux enfouissements de nos dolmens et de nos tumuli, c'était par la voie de mer qu'il était porté, du Venedicus sinus, au promontoire des Venicnii de l'île d'Erin, dans le Guent land ou Vénédotie de l'île d'Albion, aux Cassitérides et sur les côtes armoricaines de la Gaule chez les Veneti de la Manche et les Veneti du Mor-bihan.

 

Cette navigation se faisait sur ces frêles bateaux1 ou nacelles d'osier recouvertes de cuirs de boeuf. Britannos vitilibus navigiis corio circumsutis navigare, Plin.. lib. IV-16, ils se transportaient ainsi d'île en île et de cap en cap par des trajets qui duraient jusqu'à six jours, a Britannia intorsus sex dierum navigatione abesse dicit insulam Mictim. Plin., id. Pythéas fut sans doute le premier à faire connaître la construction de ces navires de long cours, longae naves, dirigés par cinquante rameurs rangés sur une même ligne.

 


1. Bat, bateau en gaëlic. Ces nacelles sont encore en usage dans le pays de Galles. Henri martin, Histoire de France, t. I, p. 2.


 

« On dit qu'il y avait une ancienne loi parmi les Grecs qui défendait de mettre en mer aucune galère qui portât plus de cinq hommes, et que Jason fut le premier qui contrevînt à cette défense. On veut aussi que le navire Argo ait été le premier du genre de ceux qu'on appelait vaisseaux longs... Mais deux cents ans avant les Argonautes, (vers 1510 avant J.-C.), Danaüs d'Egypte vint à Argos dans un navire à cinquante rames. » Huet, Hist. du commerce et de la navigation des anciens, p. 82. On attribue aux Phéniciens la construction de ces navires longs non pontés à cinquante rames, et c’est à l’aide de ces navires qu’ils faisaient la navigation de Gadès aux Cassitérides. Mais lorsque Pythéas eut donné plus d’étendue aux relations maritimes créées par les Phéniciens en découvrant aux Massaliotes les pays de production de l'ambre, du succin, du jade, et des autres précieuses des mers du nord, les habitants de ces contrées purent apprendre à la vue du navire qui le portait la transformation opérée par les Corinthiens dans la construction navale.

 

Les Phocéens qui fondèrent Marseille abordèrent aux rivages de la Gaule sur une de ces galères de construction phénicienne, découverte et à un seul rang de rames. Mais après la prise de la métropole Phocéenne par Harpagus, lieutenant de Cyrus, roi des Perses, dans le Ve siècle avant J.-C., les Phocéens se retirant sur leurs navires parmi lesquels il s'en trouvait plusieurs de construction corinthienne, pontés et à trois rangs de rames, vinrent demander asile à la colonie d’Atalia, que vingt ans auparavant ils avaient établie dans l’île de Corse. Hérod., l. I, c. 165 ; Diodor. Sicul., lib. V, c. 13.

 

De là leur flotte dominant les parages de l'Italie et de l'Espagne troublait le commerce des Etrusques et des Carthaginois : ceux-ci se coalisèrent contre eux et leur livrèrent dans les eaux de la Sardaigne une bataille navale par suite de laquelle les Phocéens vaincus vinrent apporter à Messalie un accroissement subit de population, de richesse et de force maritime.

 

Quand, au temps de sa prospérité, Messalie, de colonie devenue métropole, envoyait Euthymène et Pythéas faire leurs voyages d'exploration, elle dut mettre à leur disposition des navires construits sur les plus grandes dimensions alors connues, et ce fait nous explique la longueur et l'étendue des voyages de Pythéas.

 

Toutefois, les Massaliotes ne paraissent pas avoir établi avec les pays lointains révélés par lui, de communications suivies par la voie maritime et le détroit de Gibraltar, soit à cause de la longueur du voyage, soit par suite de l'opposition que pouvaient y apporter les colonies carthaginoises des côtes de l'Afrique et de l'Espagne, qui bordaient ce détroit. Ils abandonnèrent aux Gaulois armoricains le soin de cette navigation, et les constructions maritimes de ceux-ci restèrent étrangères à l'art grec qu'adoptèrent les Romains.

 

Comme les Celtes, et les Celtibères de l’Ibérie, Espagne, qui s'emparèrent des mines que les Phéniciens leur avaient appris à exploiter, après que les révolutions de l'Asie et les revers de leur métropole, la grande cité de Tyr, eussent amené la ruine des colonies phéniciennes d'Europe, les Armoricains Gaulois n'attendirent pas la ruine de Carthage pour s’emparer de la navigation maritime des côtes occidentales de l’Europe et de celle des mers du Nord.

 

Depuis Himilcon aucun document historique ne nous apprend que les Carthaginois aient étendu leur navigation au-delà des Colonnes d'Hercule. Himilcon dans son Périple dit que les îles qu'il nomme Aestrimnides, où les Phéniciens de Gadès allaient chercher l'étain, étaient près de l’île d’Albion, et à deux journées de navigation de l'Hibernie.

 

« Les Aestrimnides des Carthaginois et des Phéniciens sont certainement les Cassitérides des Grecs. Himilcon mit quatre mois d’une navigation pénible à se rendre de Cadix à ces îles, et toutes les indications données par lui se rapportent aux Sorlingues, maintenant les Scilli. » Gosselin, trad. de Strab., note, t. I, p. 330, édit. 1805.

 

L'oubli des anciennes découvertes d'Himilcon et de Pythéas dont les géographes grecs et romains connaissaient pourtant les relations mais que leurs préjugés leur faisaient regarder comme des fables, a été la cause des erreurs plus graves dans lesquelles ils sont tombés au sujet des contrées occidentales et septentrionales de l’Europe. C’est ainsi que Strabon déplace toute l’île de Bretagne et la met trop bas et trop à l’est, qu’il en éloigne beaucoup trop les Cassitérides, placées par lui très près de l’Ibérie.

 

Avant la conquête de César on croyait que l’île de Bretagne remplissait tout le golfe de Gascogne et qu’elle était voisine de l’Espagne, que le cap Lands’end, le Cantium était près du cap Finisterre dans la Galice que l’on appelait Nerium et quelque fois Arbatrum, du nom des Artabres, peuple qui l’habitait. Quand cette première erreur fut reconnue, on recula la Bretagne vers l’orient pour l’éloigner de l’Espagne, comme le fait Strabon, et quand les latitudes de ces différentes parties furent mieux connues, on remonta toute l’île au nord ainsi qu’on le voit dans Ptolémée. Mais dans ces transport successifs, les Cassitérides ou les Sorlingues, furent oubliées : on continua de les placer près du Nerium, où les navigateurs les cherchèrent inutilement, et c’est pourquoi Pline, quoiqu’il eût été intendant en Espagne, met les Cassitérides au rang des îles fabuleuses de l’Océan atlantique. Liv. XXXV, c. 47.

 

Nouvelle preuve de l’abandon par les Massaliotes, par les Grecs et les Romains de toute navigation et de tout commerce maritime le long des côtes occidentales de l’Espagne et de la Gaule, et explication toute naturelle de l'ignorance des négociants de Marseille et de Narbonne, lorsqu'après la ruine de Numance, vers l'an 133 avant J.-C., le second Scipion l'Africain voulut prendre près d'eux des renseignements sur l'ile de Bretagne ainsi que le constate Polybe, apud Strab, liv. 4, c. 2. Nous avons expliqué par un autre motif le silence des négociants de Corbilon-sur-Loire qui avaient dès-lors le monopole de cette navigation. Voir ci dessus page 60.

 

L’étain s’était d'abord appelé Kassiterow, du nom donné par les Phéniciens aux îles Cassitérides où ils allaient le chercher, Hérod.,liv. II, c. 115, l’appelle aussi Kassiterow et Kassiteridai les îles de l'Europe d'où il provenait, « en disant qu’il ne les connaît pas, mais que certainement l’étain et l’électrum, hlektron, l'ambre jaune, (d’où nous est venu le mot électricité, parce que cette substance étant frottée attire les corps légers ), venait de l’extrémité de l’Europe. » Mais lorsque ce commerce changea de mains, les Romains le nommèrent Stannum Celticum, des marchands gaulois qui le leur procuraient, Celtici mercatores.

 

Voici comment Diodore de Sicile, qui écrivait sous Jules César et sous Auguste, et qui nous affirme que les Gaulois enlevèrent aux Carthaginois le commerce de l'ambre et de l'étain, rapporte liv. V-22, la manière dont se faisait cette exploitation.

 

« Les Bretons du cap Bolerium, cap Cornwal, tiraient l'étain des mines, le purifiaient par la fonte et le réduisaient en masses cubiques. Ils le transportaient dans une île nommée Ictis, Iktiw, île de Wight. Ce transport de faisait sur des chariots pendant les basses marées, lorsque la mer tout-à-fait retirée laissait à sec la langue de terre qui joignait cette île à la Grande-Bretagne. C’est là que les marchands gaulois allaient acheter l’étain qu’ils portaient ensuite sur les côtes de la Gaule, (vers l’embouchure de la Loire), et de là, chargé sur des chevaux, en trente jours de marche, ils le transportaient à l’embouchure du Rhône, à Marseille et à Narbonne. Liv. V, c. 38. »

 

Recherchant le lieu de la côte occidentale de la Gaule où Diodore de Sicile place le comptoir où les vaisseaux des marchands gaulois venaient déposer l’étain, l’ambre et les autres objets du commerce de ces îles, M. Mélot, dans son premier Mémoire sur les révolutions du commerce des îles Britanniques depuis son commencement jusqu’à l’expédition de Jules César1, prouve que l’on ne peut le placer sur la côte de Belgique malgré le voisinage des côtes opposées et la facilité du trajet. Ce fut le motif qui porta César à faire choix du port Itius, chez les Morini, et depuis lui les Romains paraissent avoir préféré aux trois autres que nous indique Strabon, liv. IV, c. 5, comme se pratiquant aussi de son temps, à savoir aux embouchures de la Seine, de la Loire et de la Garonne. « Mais Strabon ne parle que pour son siècle, où, comme il le dit lui-même, les Gaulois désarmés et jouissant d'un grand loisir, commençaient à goûter les vertus civiles et les exercices la paix. César, aux liv. I-1, liv. 2-15, liv. IV-2 et liv. VI-24, dit en termes exprès que les Belges ne faisaient aucun commerce, et que de temps immémorial la Gaule Belgique était un pays fermé aux marchands, dans la crainte que ce peuple belliqueux avait toujours eu d’amollir son courage par le luxe et les commodités de la vie. Ce n'est donc point sur cette côte que nous trouverons les centres commerciaux que nous cherchons.

 


1. Tome XVI, p. 153 des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles lettres.


 

« Les peuples de l’Armorique et de l’Aquitaine aimaient et faisaient le commerce ; leurs ports étaient fréquentés, dès le temps dont il s’agit par un grand nombre de vaisseaux. Mais Diodore de Sicile ne comptant que trente jours de marche de ce lieu jusqu’à Marseille et à Narbonne et une distance commune à l'égard de l’une et l’autre de ces deux villes, ne pouvant se trouver des ports de l'Aquitaine trop voisins de Marseille et de Narbonne pour la longueur du trajet indiqué, M. Mélot en conclut que sur la côte de l’Armorique devait se trouver l'emporium des Gaulois pour le commerce avec les îles de Bretagne.

 

Des trois peuples les Osismii, les Curiosolites et les Veneti qui occupaient toute l’extrémité de la péninsule armoricaine, la puissance maritime des Veneti était prédominante et avait atteint son apogée au temps de César ; les secours qu’ils reçurent des Bretons, indifférents aux guerres de César contre les Belges, ne permettent pas de douter que chez les Venètes se trouvait le siège de leurs relations commerciales avec la Bretagne.

 

Enfin si l’on place cette ville chez les Osismii au lieu où est Brest, par exemple, il faudra évaluer la journée de cheval à sept lieues gauloises pour se rendre en trente jours à Marseille et à Narbonne. Si on la met vers l’embouchure de la Loire, la journée ne sera plus que de six lieues, traite, dit Mélot, p. 168, que des chevaux chargés peuvent aisément faire et font souvent même pendant une marche de plus de trente jours. »

 

Ces motifs le déterminent à fixer à Vannes, auquel il donne le nom de Dariorigum, de Ptolémée, le comptoir et les vaisseaux des marchands gaulois qui faisaient le commerce des îles Britanniques avant la conquête des Gaules par les Romains.

 

Hélas ! au temps de Dariorigum et de Ptolémée, le transit de ce commerce avait pris une autre direction et au IIe siècle après J.-C. et même dès le 1er, c’était entre la Seine et le Rhin, au port Itius, puis à Gessoriacum, Benonia, Boulogne, que sous les empereurs romains se trouva transporté le principal centre des relations avec les îles Britanniques.

 

Au temps de Pythéas, 300 ans avant l’ère chrétienne, il était à l'embouchure de la Loire, dans le pays de Lydaw, rivage, bords de l'eau -- de là aussi, dit Le Huérou, le nom de la Loire (Liger), p. 46. Chez ces Lloëgriens de la Gascogne dont parlent les triades galloises, descendants de la tribu primitive des Cambriens, comme les Bretons, ou Cambriens du cap Bolerium, il s’appelait Corbilon mais ce n’était pas par le fleuve que l’étain et l’ambre des îles Britanniques étaient transportés à Marseille et Narbonne. La navigation fluviale n'existait pas encore. Pour éviter le trajet du Rhône que les frêles bateaux massaloites et gaulois qui faisaient cette navigation ne remontaient qu'avec beaucoup de temps et de danger, une route de terre fut établie directement entre la côte de la Méditerranée et celle de l’Océan ; c’est celle dont parle Diodore de Sicile. Les fleuves et les rivières n’étaient pas encore utilisés comme voies de communication ; ce qui nous confirme dans l’opinion que Corbilon, malgré l’epi tv potamv de Polybe et de Strabon pouvait ne pas être nécessairement situé dans la Loire, mais seulement vers son embouchure.

 

Au temps de Polybe, au IIe siècle avant J.-C., les voyages au long cours avaient été presque abandonnés, mais la navigation fluviale s’était perfectionnée. On remontait de l’Aude à Narbonne, puis un portage conduisait à la Garonne que l’on descendait jusqu’à Burdigala, Bordeaux, Strabon, liv. IV, c. 1. Polybe étant mort l’an 122 avant J.-C., la ville de Narbonne dont il fait mention en même temps que de Corbilon, existait avant la colonie romaine qui donna à cette ville le nom de Narbo martius, car cette colonie ne fut fondée que l’an 120 avant J.-C., deux ans après la mort de Polybe et environ 14 ans après la destruction de Numance.

 

Le commerce maritime des Venètes armoricains succédant aux Phéniciens de Cadix et aux Carthaginois d’Espagne pour le transit des productions des mers du Nord Britanniques vers la Méditerranée, ne paraît pas antérieur à Pythéas, le contemporain d’Alexandre au IIIe siècle avant notre ère, mais il existait bien certainement au deuxième, au temps de Polybe et du second Scipion l’Africain.

 

La création de la province romaine ou Narbonnaise eut pour effet, nous dit César, liv. VI-24, d’énerver leur courage belliqueux, mais leur fit connaître l’abondance et les jouissances du luxe, Gallis autem provinciae propinquitas, et transmarinorum rerum notitia, multa ad copiam atque usus largitur. Ils ne se bornèrent plus à la navigation maritime, mais ils apprirent à se servir pour leurs communications avec les peuples de l’intérieur de ces beaux fleuves qui arrosent la Celtique aussi bien que les deux mers dans lesquelles ils se déchargent, avantage qui excite l’admiration de Strabon et lui fait s’écrier : « Une si heureuse disposition des lieux, par cela même qu’elle semble être l’ouvrage d’un être intelligent plutôt que l’effet du hasard, suffirait pour prouver la Providence. » Liv. IV, c. 2.

 

La rapidité du Rhône étant encore un obstacle trop fort pour être surmonté par les moyens alors à leur disposition, une route de terre fut établie directement entre la côte de la Méditerranée et la Haute-Loire en traversant les Cévennes, Strab., liv. IV, p. 189, et Noviodunum chez les Edues (Nevers), comme Genabum chez les Carnutes (Orléans), devinrent des entrepôts de commerce, emporia, la première sur la Haute-Loire, la seconde sur la Loire armoricaine, ainsi que le constate César, liv. VII, 55 et 17. De là date la navigation fluviale de la Loire. Cette route devint la plus fréquentée par les mercatores par suite de l’abondance de la traite à l’intérieur avec les principaux comptoirs de la Gaule.

 

Tel était l’état des choses lorsque les guerres de César et la destruction par lui de toute la puissance maritime des gaules, concentrée dans le Morbihan, anéantit du même coup toute la marine marchande des îles Britanniques et du nord de l’Europe.

 

C'est toute une révolution qui s'opéra ensuite dans les relations commerciales des pays d'outre-mer avec la Gaule devenue province romaine, et au premier et au second siècles les communications d’une mer à l’autre, à travers le continent gaulois, prirent une tout autre direction que celle qu’elles avaient suivi jusqu’alors ; ainsi l'établissent les nombreux passages de Strabon et de Ptolémée qui nous font connaître l'état des Gaules à ces époques.

 

Le Rhône par la direction de son cours et par ses nombreux affluents devint le véhicule du commerce avec l’intérieur de la Gaule et avec les îles Britanniques. Les trafiquants romains qui succédèrent aux mercatores armoricains de Messalie et de Narbonne, abandonnèrent la route de Burdigala et de la Garonne, après que la destruction de la marine des Venètes leur eut enlevé les moyens de transport sur l’Océan ; « ils remontèrent le Rhône et la Saone dans une partie de son cours, puis le Doubs, et de là les marchandises étaient transportées par terre jusqu'à la Seine, qui les conduisait à l’Océan à travers le pays des Caleti et des Lexovii, éloignés de l’île de Bretagne de moins d'une journée. » Strab., liv. IV, c. 1, in fin.

 

La route stratégique indiquée par César devint la grande artère commerciale avec les îles Britanniques après la conquête romaine.

 

Arrêtons-nous ici et constatons d’un regard les résultats de notre périple à travers les siècles pour rechercher l’origine des Venètes et de leur puissance commerciale. Fraction de ce peuple primitif qui donna à la Gaule comme aux îles Britanniques et à celles de la Baltique leurs premiers habitants, ceux qui s’y disaient autochthones. Nous avons reconnu que l’identité des langues comme celle des monuments établissait leur origine commune et justifiait le nom de celtique donné à leur langue comme à leurs monuments. L’origine celtique et armoricaine des Venètes de l'Adriatique, malgré les préjugés contraires, nous a été prouvée comme leur établissement contemporain de celui de la Vil-Ombrie par les vieux Gaulois antérieurement à l’invasion de Bellovèse de 587 ; ces Venètes armoricains initiés à la navigation commerciale par les Phéniciens ainsi que le prouve le type macédonien d leurs monnaies celtiques, leur succédèrent dans cette navigation sur les côtes occidentales et septentrionales de l’Europe peu après les voyages d’Himilcon et de Pythéas et n’attendirent même pas pour s’en emparer la ruine de Carthage et de ses colonies ibériennes ; enfin nous avons reconnu la route que suivaient par terre leurs convois, depuis Corbilon ou Venetia, leur entrepôt vers l’embouchure de la Loire jusqu’à Marseille et Narbonne ; celles que les progrès de la navigation fluviale firent adopter par la Garonne et par la Loire, jusqu’à ce que César vînt tout frapper au coeur en détruisant chez les Venètes la puissance maritime et commerciale des Gaulois et transporta de chez les Celtes gaulois chez les Belges, jusqu’alors étrangers au commerce, le transit des îles Britanniques. Ces résultats sont assez importants pour nous faire pardonner, nous l’espérons du moins, l’extension donnée à cet article malgré l'intention contraire de nous renfermer dans de plus étroites limites, exprimée par nous en le commençant.

Vannes, le 1er Février 1861.

 

 

Le voyage d’exploration de Pythéas remettait donc en rapport les Venètes de la Mer Morte avec les                        Venètes du Mor-Bihan et les Venètes des îles Britanniques. Les fouilles pratiquées sous nos dolmens et nos tumuli nous donnent dans ces celtae, ces colliers en jade, en ambre et en succin de la mer glaciale, recueillis dans nos musées archéologiques, la preuve des relations commerciales renouées depuis lors entre les différentes branches de cette grande famille celtique dont l’identité de la langue nous a montré la communauté d’origine

 

Mais remarquons que l’ambre recueilli sur les rivages d'Abalus et de Baltia passait chez les anciens pour être une production de la mer Concrète, Mare cronium, mer glaciale ; Mor-Crown, dans le gaëlic, Mor-scournet, dialecte de Vannes ; nom que prenait en s'élargissant la Baltique et en s'éloignant des côtes de la Mer Morte, la Mari-Marousa de Philémon : Mor-Marwsis, gaëlic, Mor-marhue, dialecte de Vannes.

 

Mais remarquons que l’ambre recueilli sur les rivages d'Abalus et de Baltia passait chez les anciens pour être une production de la mer Concrète, Mare cronium, mer glaciale ; Mor-Crown, dans le gaëlic, Mor-scournet, dialecte de Vannes ; nom que prenait en s'élargissant la Baltique et en s'éloignant des côtes de la Mer Morte, la Mari-Marousa de Philémon : Mor-Marwsis, gaëlic, Mor-marhue, dialecte de Vannes.