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TadjikistanJumhurii Tojikiston |
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La république du Tadjikistan est un pays d’Asie centrale limité à l’ouest et au nord par l’Ouzbékistan, au nord par le Kirghizistan, à l’est par la Chine et au sud par le Pakistan et l’Afghanistan. Sa superficie est de 143 100 km², soit à peu près l'équivalent du Bangladesh ou du Népal, ou une superficie 3,8 fois plus petite que la France; c'est aussi la plus petite des républiques de l'Asie centrale. Les montagnes occupent 93 % du territoire du Tadjikistan et presque la moitié du pays se situe à une altitude de 3000 mètres ou plus. Sa capitale et ville principale est Douchanbé (voir la carte), ce qui signifie «lundi» en tadjik; avant l'indépendance, la capitale s'appelait Stalinabad. |
Le Tadjikistan compte trois provinces (plur.: viloyatho ; sing.: viloyat), dont une autonome (voir la carte détaillée). Les deux provinces administratives sont le Khujand et , le Khatlon; la province autonome est la république de Gorno-Badakhchan située dans la partie sud-est du pays, dont elle occupe environ 44 % du territoire (63 700 km²). Quant au Karotegin, il n'est pas considéré comme une province, car il est administré directement par l'État tadjik. Le Tadjikistan est indépendant depuis 1991 et avait auparavant pour nom, dans le cadre de l'URSS, la République socialiste soviétique des Tadjiks (RSS).
Le Tadjikistan, qui comptait 6,5 millions
d'habitants en 2001, est la république la moins urbanisée de
l’ex-URSS, plus des deux tiers de sa population vivant en zone rurale. Le
Khatlon au sud-ouest représente 35 % de la population du pays; le
Karotegin (sous administration directe de l'État) au centre, 21,8 % mais
30,9 % avec la capitale; le Khujan (ou Sughd) au nord-ouest, 30 %; la province
autonome de Gorno-Badakhchan, seulement 3,3 %.
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Depuis la fin des années cinquante, on a pourtant assisté à une forte croissance urbaine, nourrie par l’immigration en provenance des autres républiques de l'Asie centrale.
2.1 Les ethnies
Le Tadjikistan est un pays multiethnique
comptant près d'une quarantaine de peuples aux origines très
variées. Les Tadjiks constituent
la majorité ethnique du pays et représentent près de 62 %
de la population totale. Les Tadjiks sont un peuple d'origine iranienne,
persanophone et de confession musulmane sunnite (environ 80 %) ou chiite
(environ 5 %). Avec l'Afghanistan, le Tadjikistan est le seul État de
l'Asie centrale possédant une civilisation de type indo-iranien,
contrairement aux pays voisins (Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan et
Turkménistan) qui sont de tradition turcophone; le Tadjikistan est
aussi, outre le Kirghizistan, le plus russophile des cinq États de la
région; sur chaque place publique importante s’élève
encore une statue de Lénine.
Peuple |
Langue |
Appartenance |
Appartenance |
Population |
% |
Tadjiks |
tadjik |
musulman sunnite |
4 200 000 |
61,7 % |
|
Ouzbeks |
ouzbek du Nord |
musulman sunnite |
1 455 000 |
21,4 % |
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Russes |
russe |
chrétien
orthodoxe |
237 000 |
3,4 % |
|
Kirghiz |
kirghiz |
musulman sunnite |
120 000 |
1,7 % |
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Tatars |
tatar |
musulman sunnite |
87 000 |
1,2 % |
|
Pamiri (ou Pomirs) |
pamir |
musulman
ismaélien |
82
800 |
1,2 % |
|
Persans |
farsi de l'Ouest |
musulman chiite |
74
200 |
1,0 % |
|
Turkmènes |
turkmène |
musulman sunnite |
24
800 |
0,3 % |
|
Pashtouns |
pashtou |
musulman sunnite |
24
700 |
0,3 % |
|
Ukrainiens |
ukrainien |
chrétien
orthodoxe |
18
500 |
0,2 % |
|
Coréens |
coréen |
aucune religion |
16
300 |
0,2 % |
|
Kazakhs |
kazakh |
musulman sunnite |
13
800 |
0,2 % |
|
Ossètes |
ossète |
musulman sunnite |
9 500 |
0,1 % |
|
Tatars de Crimée |
turc de Crimée |
musulman sunnite |
8 700 |
0,1 % |
|
Bachkirs |
bachkir |
musulman sunnite |
8 200 |
0,1 % |
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Arméniens |
arménien |
chrétien
arménien |
6 800 |
0,1 % |
|
Mordves |
erzya |
chrétien orthodoxe |
6 700 |
0,1 % |
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Aïmaks |
aïmak |
musulman |
6 000 |
- |
|
Boukhariques (Juifs) |
boukharique |
judaïsme |
5 900 |
- |
|
Biélorusses |
biélorusse |
chrétien orthodoxe |
4 900 |
- |
|
Baloutches |
baloutchi de l'Ouest |
musulman sunnite |
4 842 |
- |
|
Azéris |
azéri du Nord |
musulman chiite |
4 300 |
- |
|
Juifs |
yiddish de l'Est |
judaïsme |
3 300 |
- |
|
Tchouvaches |
tchouvache |
chrétien
orthodoxe |
3 000 |
- |
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Allemands |
allemand |
chrétien
luthérien |
2 400 |
- |
|
Lacks |
lack |
musulman sunnite |
1 600 |
- |
|
Bulgares |
bulgare |
chrétien
orthodoxe |
1 300 |
- |
|
Parya |
parya |
musulman sunnite |
1 200 |
- |
|
Géorgiens |
géorgien |
aucune religion |
1 100 |
- |
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Arabes |
arabe tadjikien |
musulman |
1 000 |
- |
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Turcs |
turc |
musulman sunnite |
900 |
- |
|
Polonais |
polonais |
chrétien catholique
romain |
800 |
- |
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Mari |
mari |
chrétien
orthodoxe |
700 |
- |
|
Oudmourtes |
oudmourte |
chrétien
orthodoxe |
700 |
- |
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Lituaniens |
lituanien |
chrétien catholique |
600 |
- |
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Sanglechi |
sanglechi-ishkashimi |
musulman chiite |
600 |
- |
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Ouïgours |
ouïgour |
musulman sunnite |
600 |
- |
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Roumains |
roumain |
chrétien
orthodoxe |
580 |
- |
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Source: Peoplegroups.org,
http://www.peoplegroups.org/MapSearch.aspx?country=Tajikistan
Il existe des minorités numériquement importantes: d'abord les Ouzbeks (21,4 %), puis les Russes (3,4 %). Suivent les Kirghiz, les Tatars, les Pamiri (ou Pomirs) et les Persans.
Les Ouzbeks forment la principale minorité du Tadjikistan. La plupart vivent dans la vallée de Fergana et dans tout le nord-ouest du pays (province du Khujand), le long de la frontière avec l'Ouzbékistan, le puissant voisin du Tadjikistan. Cependant, beaucoup d'Ouzbeks vivent aussi dans la région de Kourgan-Tioubé et d'autres secteurs associés à l'opposition avec le gouvernement tadjik. Mais d'autres Ouzbeks vivant à l'extérieur du Khujand se sont impliqués du côté gouvernemental dans le conflit armé avec les groupes d'opposition. Néanmoins, les Tadjiks se méfient des Ouzbeks et ont tendance à les discriminer dans les emplois de la fonction publique, ainsi que dans les médias écrits et électroniques.
Les Russes résident surtout dans la capitale, Douchanbé, ainsi que dans la deuxième ville, Khoudjend ou Khujand (autrefois Leninabad). Lors du recensement de 1989, les Tadjiks ne constituaient que 39,1 % de la capitale, les Russes 32,4 %, les Ouzbeks 10 %, les Tatars 4,1 %, les Ukrainiens 3,5 %; La population de la capitale était alors de 602 000 habitants. Au contraire, à Kourgan-Tioubé, fief des islamistes, on parlait rarement russe. Par ailleurs, la proportion des Tadjiks s’est accrue depuis l’indépendance (aujourd'hui 62 %) et le début de la guerre civile qui l’a suivie en 1992, les Ouzbeks et les Russes ayant alors massivement quitté le pays. De plus, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées en raison de la guerre qui a causé des dizaines de milliers de victimes. Aujourd'hui, les Russes se disent victimes de discrimination de la part de la majorité tadjike. Pour eux, seul le statut du russe comme langue co-officielle pourrait être perçu comme non discriminatoire. Beaucoup de Russes estiment, aujourd'hui, qu'ils doivent choisir entre deux maux : d'une part, le gouvernement actuel qui les discriminerait et les persécuterait, d'autre part, les fondamentalistes islamiques qui les abattraient s'ils parvenaient au pouvoir. Les Russes se croient oubliés par leur mère patrie, car le régime tadjik actuel existe en grande partie grâce à l'appui du gouvernement russe qui se soucie davantage de la surveillance de ses frontières du Sud (en raison du passage de la drogue et des armes provenant de l'Afghanistan) que de la protection des droits de la communauté russe.
La plupart des peuples d'origine turcophone (Ouzbeks, Kirghiz, Turkmènes, Tatars, etc.) du Tadjikistan sont des musulmans sunnites. L'islam ismaélien est surtout répandu dans la province autonome de Gorno-Badakhchan. Les habitants d'origine européenne sont en général des chrétiens (env. 250 000), soit des orthodoxes (russes ou slaves), des baptistes, des catholiques romains, des adventistes du septième jour, des luthériens ou des témoins de Jéhovah. Il existe aussi d'autres très petites minorités religieuses telles que les hari krishna, les bahaï, les zoroastriens et les juifs.
Les autres minorités nationales sont numériquement très petites: Turkmènes (0,3 %), Pashtounes (0,3 %), Ukrainiens (0,2 %), Coréens (0,2 %), Kazakhs (0,2 %), Ossètes (0,1 %), Tatars de Crimée (0,1 %), Bachkirs (0,1 %), Arméniens (0,1 %), Mordves (0,1 %), Aïmaks, Boukhariques (Juifs), Biélorusses, Baloutches, Azéris, Juifs, Tchouvaches, Allemands, Lacks, Bulgares, Parya, Géorgiens, Arabes, Turcs, Polonais, Mari, Oudmourtes, Lituaniens, Sanglechi, Ouïgours et Roumains.
2.2 Les langues
Comme on le constate, les nombreuses langues des peuples du Tadjikistan proviennent d'origines diverses: on y trouve des langues indo-iraniennes, altaïques (turciques), slaves, germaniques, caucasiennes, etc.
- Les langues indo-iraniennes (branche orientale)
Les langues indo-iraniennes se divisent en deux segments distincts: la branche orientale (ou iraniennes) et la branche occidentale (ou indienne). La branche iranienne se divise elle-même en iranien de l'Ouest et en iranien de l'Est dont fait justement partie le tadjik, la langue officielle du Tadjikistan. C'est aussi la langue numériquement la plus importante (62 % de la population). Le tadjik, qui fait donc partie de la famille indo-européenne, est appelé farsi (ou persan) en Iran et dari en Afghanistan; le mot Tadjik signifierait «Arabe» en farsi. En fait, les Tadjiks se distinguent des Persans moins par la langue que par la religion: les premiers sont sunnites, les seconds chiites.
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Évidemment, le tadjik reste très apparenté au farsi d'Iran et au dari d'Afghanistan. Il s'agit de trois variétés très régionalisées d'une même langue. Le tadjik est si étroitement rapproché du farsi parlé en Iran et au dari d'Afghanistan qu'il est parfois considéré comme un dialecte du farsi. En raison des contacts fréquents avec les locuteurs des langues turques ainsi qu'aux contacts fréquents avec l'ouzbek et le kirghiz, le tadjik a subi davantage l'influence des langues turques que le farsi. Le vocabulaire du farsi et du tadjik a divergé parce que, d'une part, le tadjik a beaucoup emprunté au russe des termes dans les domaines de la politique, de la culture et des techniques et, d'autre part, parce que le farsi a emprunté surtout aux langues de l'Europe occidentale. |
Comme toutes les langues iraniennes, le
tadjik est issu de l'avestique ancien (aujourd'hui éteint); les
langues indiennes, pour leur part, dérivent du sanskrit
(également éteint). En fait, Fârs et Pars (= Perse) proviennent du même
mot, le [f] de Fârs et le [p] de Pars étant
phonétiquement très proches. Mais comme le [p] existe en farsi et
pas en arabe, il paraît probable que la prononciation Fars soit
une altération arabe de Pars; c'est le la prononciation du [f]
qui a fini par s'imposer aux iranophones. Les Parthes, peuples de
l'Antiquité, et les Parsis, disciples de Zoroastre émigrés
en Inde, tirent leur nom de la même racine. L'adjectif
persan a toujours été utilisé pour qualifier ce qui
a trait au territoire iranien et, de ce fait, les mots iranien et persan
conservent la même signification. D'ailleurs, la plupart des Tadjiks ne
peuvent pas distinguer si le tadjik et le farsi sont deux langues
différentes; peur eux, il s'agit de variantes d'une même langue.
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Le farsi d'Iran et le dari de l'Afghanistan s'écrivent aujourd'hui au moyen de l'alphabet arabe augmenté de caractères spéciaux (pour les sons [ j] dans jambe, [tch] et [p]); le tadjik du Tadjikistan s'écrit généralement avec l'alphabet cyrillique, mais il peut s'écrire aussi avec l'alphabet latin ou arabe. |
Alphabet cyrillique |
Alphabet latin |
Français |
Тамоми одамон озод ба дунё меоянд ва аз лиҳози манзилату ҳуқуқ бо ҳам баробаранд. Ҳама соҳиби ақлу виҷдонанд, бояд нисбат ба якдигар бародарвор муносабат намоянд. |
Tamomi odamon ozod ba dunë meojand va az lix̦ozi manzilatu xuķuķ bo xam barobarand. Xama sox̦ibi aķlu vičdonand, bojad nisbat ba jakdigar barodarvor munosabat namojand. |
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. |
Le tadjik se divise en quatre aires dialectales (ou variétés linguistiques), mais on peut distinguer surtout les dialectes du Nord de ceux du Sud:
1) Les
variétés du Nord : les dialectes du nord du Tadjikistan, et du
sud de l'Ouzbékistan ainsi que du Kirghizistan.
2) Les variétés centrales : les dialectes de Matcha, Aini, Gissar
et Varzob (en partie).
3) Les variétés du Sud : les dialectes de Karategin, Kuliab et
ceux du Badakhshan.
4) Les variétés du Sud-Est : les dialectes de Pianj et Darvaz.
Les variétés linguistiques utilisées dans le nord du pays sont généralement turquifiées (surtout par l'ouzbek) qu'au sud où elles demeurent plus iranisées, surtout par rapport au dari d'Afghanistan demeuré beaucoup plus proche du tadjik que le farsi d'Iran. Ce sont les variétés du Sud qui ont servi de base au tadjik standard. Mais toutes ces variétés de tadjik ne sont pas très différentes et l'intercompréhension est normalement aisée. Le tadjik a été écrit avec l'alphabet arabe jusqu'au début du XXe siècle; en 1928, l'alphabet latin a remplacé l'alphabet arabe qui fut lui-même remplacé par l'alphabet cyrillique en 1940. Ce dernier fut à son tour modifié en 1994 et, récemment, le gouvernement a tenté de retourner à l'alphabet latin. Beaucoup de locuteurs du tadjik vivent à l'extérieur du Tadjikistan: au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Russie (Asie), au Turkménistan, en Ukraine, en Ouzbékistan, en Chine et en Iran.
Le tadjik conserve également des liens étroits avec quelques petites langues du Pamir telles que le sanglechi-ishkashimi (500 locuteurs), le shughni (40 000 locuteurs), le wakhi (7000 locuteurs), le yagnobi (2000 locuteurs) et le yazgulyam (4000 locuteurs). Ces langues connaissent aussi de nombreux dialectes et sous-dialectes. La plupart des locuteurs de ces langues habitent la région autonome de Gorno-Badakhchan située dans le sud-est du Tadjikistan, plus précisément dans la chaîne des montagnes Pamir. Ses habitants se considèrent comme des Pomirs (terme avec lequel ils se désignent eux-mêmes), non comme des Tadjiks. Les langues du Pamir n'ont jamais été écrites; c'est pourquoi les Pamiri utilisent le tadjik comme langue écrite. Ils sont massivement bilingues (langue locale du Pamir et tadjik). Les écoles, les réunions publiques, les journaux et la radio sont tous en tadjik ou en russe. Dans les vallées supérieures du Vakhan, soit le Shokhodar, le Gunda et le Bartang, les Pamiri ont développé un parallélisme linguistique particulier basé sur le farsi et des noms de lieu d'origine turque. Contrairement aux Tadjiks qui pratiquent généralement l'islam sunnite, les Parmiri sont de confession musulmane ismaélienne, alors que les Iraniens sont de confession musulmane chiite. Les musulmans ismaéliens ont été considérés comme des hérétiques par les autres communautés musulmanes. La plupart des langues du Pamir sont considérées comme en voie de disparition.
Les autres langues iraniennes sont le pashtou (24 700 locuteurs), l'ossète (9500 locuteurs), l'aïmak (6000 locuteurs), le judéo-tadjik ou judéo-persan (5900 locuteurs), le baloutchi (4800 locuteurs) et le parya (1200 locuteurs). Ces langues (ainsi que le kurde) ont moins conservé d'éléments communs avec le tadjik.
- Les langues turques
Le Tadjikistan compte plusieurs langues turques de la famille altaïque: l'ouzbek du Nord (21,4 % de la population), le kirghiz (1,7 %0, le tatar (1,2 %), le turkmène (0,3 %), le kazakh (0,2 %), le tatar de Crimée (0,1 %), le bachkir (0,1 %), l'azéri, le locuteurs et l'ouïgour. Ces langues sont toutes parlées dans les États voisins. Au total, plus de 70 millions de locuteurs parlent l'une des langues turques dans les républiques du Caucase et au nord-ouest de la Chine. La minorité la plus importante du pays, les Ouzbeks, habitent surtout la région du nord du pays, le Khujand, près de la frontière avec l'Ouzbékistan.
- Les langues européennes
Les langues européennes parlées au Tadjikistan sont d'abord le russe (groupe slave), puis l'ukrainien (groupe slave), l'arménien (isolat indo-européen), le biélorusse (groupe slave), le yiddish (groupe germanique), l'allemand (groupe germanique, le bulgare (groupe slave), le polonais (groupe slave), le lituanien (groupe balte) et le roumain (langue romane). La plupart de ces langues sont parlées dans la capitale, Douchanbé, et dans quelques autres grandes villes du pays. Tous les Européens ont immigré à l'époque du régime soviétique et ont utilisé le russe comme langue des communications inter-ethniques. Ce sont eux qui ont assuré la promotion du russe au Tadjikistan, surtout dans les villes où le russe a longtemps dominé. À ce moment-là, la vie était plus facile pour les russophones, ce qui inclut tous les Européens.
- Les autres minorités linguistiques
Le Tadjikistan compte aussi deux langues caucasiennes, le lack (1600 locuteurs) et le géorgien (1100 locuteurs), une langue coréenne (16 300 locuteurs), le coréen (16 300 locuteurs), trois langues ouraliennes, l'erzya parlé par les Mordves (6700 locuteurs), le mari (700 locuteurs) et l'oudmourte (700 locuteurs), puis une langue chamito-sémitique, l'arabe tadjikien (1000 locuteurs).
AVIS:
Certaines parties historiques de cette section sont tirées presque
intégralement de l'Encyclopédie Microsoft Encarta 2004,
art. «Tadjikistan».
La région
habitée par les Tadjiks a subi le passage de nombreux
conquérants dont Alexandre le Grand, les Arabes (VIIIe siècle),
les Samanides (IXe-Xe siècles),
les Mongols (XIIIe siècle) et les Russes.
Les Tadjiks firent partie de
l’Empire perse sassanide jusqu'à la conquête arabe
entreprise durant le califat d’Omar (634-644), ce qui explique leur
origine iranienne. L’ancienne religion zoroastre ne put résister
à la force de l’islam et devint de moins en moins pratiquée.
Depuis ce temps-là, l'islam fait partie intégrante de la culture
tadjike. Après l’invasion arabe, les mots Fars et Farsi
remplacèrent les mots «Perse» et «Persan»,
l'alphabet arabe ne contenant pas de lettre [P]. La Perse fut transcrite en
fars («fârse»), mais les appellations telles que le farsi, le
dari ou le tadjik pour désigner le persan ( et ses
variétés), en se référant à des ethnies, est
un phénomène récent. Après la conquête arabe,
le tadjik s'est écrit en alphabet arabe (jusqu'au début des années
1900).
Au Xe
siècle, les Turcs occupèrent toute la région de l'Asie
centrale avec comme résultat qu'ils turquifièrent toutes les
populations, sauf les Tadjiks et les Pamiri, qui conservèrent leurs
langues iraniennes. Au début du XIIIe
siècle, les Mongols de Gengis Khan déferlèrent sur la
Perse, et la région du Tadjikistan se trouva aux mains des successeurs
de Gengis Khan, les Ilkhans. Affaiblis par leurs dissensions internes, les
Ilkhans furent à leur tour balayés par les hordes du
conquérant turco-mongole Tamerlan (1336-1405) qui, de 1360 à
1405, réussit à bâtir un immense empire ayant pour centre
Samarkand. Au XVIe
siècle, les Tadjiks
passèrent sous la souveraineté du khanat de Boukhara. Au cours du
XIXe siècle, la région du Tadjikistan fut
partagée entre l'émirat de Boukhara et le khanat de Kokand.
3.1 La domination
russe
En 1868, la région passa sous
le contrôle de la Russie dans le cadre de la politique de conquête
de l’Asie centrale menée par les tsars. Comme dans toute la
région, de nombreuses révoltes éclatèrent contre le
pouvoir central, notamment en 1916 et en 1917 après la révolution
d'Octobre. Des guérilleros musulmans résistèrent au
régime bolchevique pendant quatre années au cours desquels des
villages tadjiks furent rasés et des mosquées détruites.
Puis le nord de la région fut intégré à la RASS de Tadjikistan à l'intérieur de la RASS d'Ouzbékistan. Après la séparation de
l'Ouzbékistan en 1929, la République socialiste
soviétique du Tadjikistan devint l'une des 11 républiques fédérées
de l'URSS.
En 1921, le territoire
fut rattaché à la République socialiste
soviétique autonome du Turkestan (RSSA), qui
comprenait également des portions du Kazakhstan, du Turkménistan
et de l’Ouzbékistan actuels. Transformé en
République autonome à l’intérieur de la
République socialiste soviétique des Ouzbeks en 1924,
l’actuel Tadjikistan devint une république socialiste
soviétique, membre à part entière de l’URSS, en 1929,
quand lui fut adjoint le territoire de Khojand,
situé dans la vallée de Fergana, qui appartenait à
l’Ouzbékistan.
Entre-temps, c'est-à-dire
dès le début des années trente, la culture des Tadjiks,
comme celle des autres peuples de l'Asie centrale, fut redéfinie et
soviétisée afin de convenir aux exigences politiques du
gouvernement central (Moscou). En raison d'un afflux des Russes et d'autres
Européens en provenance des pays satellites de l'URSS, la plupart des
écoles sont passées de l'enseignement du tadjik à celui du
russe comme langue d'enseignement; les enfants tadjiks pouvaient être
instruits en tadjik à la maison à la discrétion des
parents. De la même façon les mosquées et écoles
coraniques ont été fermées et le clergé fut
spolié de ses biens, ce qui mit fin aux vestiges apparents de l'islam.
Des ateliers, conférences, séminaires et classes ont
été fondés dans les centres urbains, et même dans
les campagnes, afin de faciliter l'apprentissage de la langue russe. Beaucoup
de Tadjiks participèrent à ces efforts et acceptèrent le
changement. Néanmoins, au cours des années vingt, peu de Tadjiks
reçurent une éducation formelle. Selon le premier recensement
soviétique de 1926, le taux d'alphabétisation était de 4 %
pour les hommes et seulement de 0,1 % pour les femmes. En 1928, l'alphabet
arabe servant à transcrire le persan avait été
remplacé par l'alphabet latin; la langue des Tadjiks, appelée
traditionnellement persan ou farsi, fut rebaptisée du nom
de tadjik afin de distinguer les Tadjiks des Persans. Certains Tadjiks
protestèrent en vain; ils virent dans cette transformation une perte de
leur identité collective par rapport à l'islam et un
rapprochement de la sphère soviétique. Cela fut d'autant plus
apparent que les linguistes russes firent tout pour «épurer»
le tadjik de ses archaïsmes et de ses emprunts à l'arabe.
Pendant la fin des années
1930, le gouvernement Soviétique a commencé à
étendre son réseau d'écoles publiques, malgré
certaines oppositions sporadiques, surtout de la part des chefs islamiques. En
conséquence, quelques nouvelles écoles russes furent
incendiées et quelques enseignants assassinés. Au cours de la
même période, le Tadjikistan connut des vagues de
répression politique et culturelle très importantes; les Russes
s’y installèrent massivement et l’industrialisation se
développa à grande échelle. Près de la
moitié de la main-d'oeuvre industrielle du Tadjikistan était aux
mains des nationalités étrangères; la plupart des nouveaux
immigrants étaient soit des Russes soit des réfugiés des républiques
voisines (Ouzbékistan, Kirghizistan, etc.). Quoi qu'il en soit, tous ces
gens étaient russophones ou russophiles. Entre 1926 et 1959, la
proportion des Russes parmi la population du Tadjikistan était
passée de moins de 1 % à 13 %; au cours de la même
période, la proportion des Tadjiks avait diminué de 80 % à
près de 50 %.
|
Puis, dans les années quarante, Joseph Staline imposa l'alphabet cyrillique au tadjik, ainsi que, dans les autres républiques voisines, pour le kirghiz, le kazakh, l'ouzbek, le turkmène, le gagaouze et le tatar. Durant plus de cinquante ans, l'alphabet cyrillique est resté l'écriture des Tadjiks. Les élites au pouvoir ainsi que la population furent scolarisées au moyen de cet alphabet, conjointement à un apprentissage intensif du russe. À cela s'ajoutèrent des campagnes antireligieuses (comprendre «anti-islamiques»), qui provoquèrent la destruction ou la fermeture de nombreux lieux saints. Les relations avec le pouvoir central de Moscou demeurèrent tendues, les Tadjiks essayant malgré tout de préserver leur culture et leurs traditions. |
L'utilisation obligatoire de l'alphabet
cyrillique fut jugée nécessaire par les autorités
soviétisées: de cette façon, le Tadjikistan aurait
l'avantage de recevoir l'aide du «Grand Frère» russe et
pourrait communiquer avec lui dans sa langue. Pour beaucoup de Tadjiks, le
changement de l'alphabet latin au cyrillique symbolisait l'abandon de la langue
tadjike pour le russe.
Au début des années soixante,
la politique officielle du Parti communiste du Tadjikistan s'est
orientée vers une plus grande russification du tadjik. C'est alors que
le tadjik fut progressivement retiré du programme d'études des
écoles et dans presque toutes les universités. À la fin
des années quatre-vingt, il n'existait plus d'écoles tadjikes
dans la capitale avec comme résultat que non seulement les Russes et les
autres communautés ethniques ignoraient la langue nationale, mais
même les Tadjiks avaient perdu contact avec leur langue ancestrale. Le
russe était devenu totalement dominant dans toutes les sphères de
la vie sociale, des affaires de l'État et jusqu'à la recherche
universitaire. Le tadjik resta l'affaire des autochtones habitant les zones
rurales. En raison de la prédominance des Russes et d'autres non-Tadjiks
dans les activités urbaines comme le gouvernement, l'industrie et le
grand commerce, la capitale Douchanbé devint une ville cosmopolite
où l'élément tadjik devint minoritaire. Selon le
recensement 1989, les Tadjiks constituaient 39,1 % de la population de
Douchanbé, les Russes 32,4 %, les Ouzbeks 10 %, les Tatars 4,1 % et les
Ukrainiens 3,5 %; la population de la capitale était alors d'environ 602
000 habitants. Tous les Tadjiks instruits des villes parlaient davantage le
russe que leur langue maternelle; cette situation causa un profond ressentiment
parmi les Tadjiks.
Vers la fin de l'ère Soviétique, beaucoup de Tadjiks remirent en
cause le privilège des Russes au sein de leur société.
Même après des décennies d'éducation et
d'endoctrinement des jeunes générations de Tadjiks, les Russes et
autres nations non autochtones occupaient toujours un nombre
disproportionné de postes supérieurs au Parti communiste de la
République. Les Tadjiks étaient représentés
généralement par une bien petite minorité dans
l'administration des entreprises. De plus, le gouvernement favorisait les
besoins culturels des diverses nationalités résidant dans la
république du Tadjikistan. La radio de l'État diffusait non
seulement en russe, mais aussi en allemand, en ouzbek, en kirghiz, en tatar,
etc. La capitale comptait de nombreux centres culturels pour les Russes, les
Ukrainiens, les Ouzbeks, les Coréens, etc., sans oublier les nombreux
«commerces ethniques» destinés à desservir les
diverses nationalités. Cette situation catastrophique pour la langue
tadjike donna naissance à une nouvelle élite intellectuelle qui
prônait la revalorisation de la culture et de la langue tadjike.
Au cours de la décennie soixante-dix,
un grand nombre de philologues, c'est-à-dire des spécialistes des
langues tadjikes et des langues persanes, retournèrent aux sources en
étudiant les langues parlées en Iran (particulièrement le
farsi) et en Afghanistan (notamment le dari) et constatèrent que ces
langues s'étaient modernisées, contrairement au tadjik resté
à la remorque du russe. Ces études contribuèrent à
donner une impulsion au développement du tadjik vers la
modernité. Pendant cette période, le tadjik fut enrichi en
puisant abondamment dans la terminologie du farsi d'Iran et du dari
d'Afghanistan. Les intellectuels et les représentants de la nouvelle
élite politique influencèrent la population du Tadjikistan dans
l'usage de la langue nationale majoritaire, le tadjik. Le mouvement
commença dans le Sud (Qurghonteppa, Kulob et Qarateghin) pour se
propager lentement dans le Nord. Après 1986, des tensions politiques
entre le pouvoir et l'opposition, mais aussi entre les Tadjiks et les Ouzbeks,
se firent sentir.
Le 22 juillet 1989, soit vers la fin de la
perestroïka, la Loi sur la langue de la RSS du Tadjikistan fut
adoptée par le Parlement tadjik, malgré l'opposition des
députés russophones. La loi contenait 37 articles traitant des
droits des citoyens dans l'emploi des langues. Si l'article 1 proclamait que le
tadjik était «la langue officielle», l'article 2 accordait
au russe le statut de «langue des communication inter-ethniques»,
ce qui impliquait qu'il pouvait être employé dans tous les
secteurs de la vie administrative et sociale. La loi reconnaissait aussi
l'égalité de toutes les langues et leur accordait des garanties
juridiques pour leur protection et leur développement. À
l'époque, la Loi sur la langue a été publiée
en trois versions: en tadjik, en russe et en ouzbek.
Le gouvernement a aussi entrepris de
sauvegarder les langues de la région de Gorno-Badakhchan et a permis
à l'ouzbek et au kirghiz du Tadjikistan de développer leurs
propres établissements culturels. La décision de proposer une loi
linguistique provenait de la frustration des Tadjiks (réformistes) qui,
pendant soixante-dix ans, avaient été privés de l'usage
libre de leur langue maternelle dans l'expression de leurs pensées et
sentiments. L'alphabet arabe remplaça l'alphabet cyrillique dans
l'écriture du tadjik. Le Tadjikistan
accéda à l'indépendance le 9 septembre 1991, après
l’effondrement de l’URSS.
3.2 Le Tadjikistan
indépendant
Après la chute du régime
soviétique, le pays connut une résurgence de l’islamisme
qui avait été longtemps muselé. Des milliers de
mosquées furent construites et, à partir de 1992, des combats
entre procommunistes et démocrates islamistes déchirèrent
le Tadjikistan, conduisant finalement à la démission du
président Rakhman Nabiyev (1991-1992), le chef du Parti communiste de la
RSS tadjike au début des années quatre-vingt. Les conflits ont
dégénéré en guerre civile lorsque des factions
régionales prirent les armes au nom du communisme, de la
démocratie ou de l'islam. Les affrontements ont opposé les deux
régions du Sud, Kouliab, la procommuniste et Kourgan-Tioubé,
favorable aux islamistes. Approvisionnés en armes à partir de
l’Afghanistan, les démocrates islamistes prirent le contrôle
de la capitale. Aidés par les forces russes et ouzbeks, les
procommunistes reprirent ensuite la ville, puis le contrôle du pays,
rétablirent le gouvernement et lancèrent une campagne
d’élimination de l’opposition, interdisant le Parti de la
renaissance islamique en 1992 (ou le Lali Badakhchan), qui
réclamait une plus grande autonomie pour la région du
Gorno-Badakhchan (1993), et limitant la liberté de la presse.
Contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres anciennes
républiques soviétiques, la guerre n’a pas eu au
Tadjikistan une dimension ethnique significative, car les Tadjiks ont fourni
les gros bataillons des combattants des deux camps. Pour pouvoir
contrôler les autorités religieuses musulmanes, le gouvernement
établit une séparation des pouvoirs de l’État et du
clergé. Pendant ce temps, suite à l'aggravation de la situation
politique, l'armée russe a pris le contrôle de la frontière
du Tadjikistan, afin notamment d'éviter les infiltrations depuis l'Afghanistan.
Évidemment, la guerre civile entre communistes et islamistes, avec plus
de 500 000 victimes et l'exode d'au moins 100 000 russophones, sans compter des
dizaines de milliers de réfugiés, ravagea la
société et l'économie du Tadjikistan. De son
côté, la presse russe annonçait qu'environ 200 000 Russes
résidant dans la capitale avaient quitté le Tadjikistan, que 150
000 autres désirant émigrer étaient «pris au
piège» par la guerre civile et que «toute la population non
tadjike — sans exagération — étaient assis sur leurs valises attendant de
partir».
- La Constitution
Un premier projet de Constitution du
Tadjikistan fut élaboré et publié au printemps de 1992.
Son préambule commençait par les mots «Nous, Tadjiks
[...]», tandis que l'article 2 déclarait: «La langue
officielle de la république du Tadjikistan est la langue tadjike
(farsi).» Cette disposition, qui devait renforcer la Loi sur la
langue de 1989, suscita immédiatement des protestations de la part
des membres des communautés nationales du Tadjikistan,
c'est-à-dire les Russes, les Ukrainiens, les Arméniens, les
Géorgiens, les Juifs, les Allemands, les Coréens, les
Ossètes, les Tatars, les Bachkirs, les Ouzbeks et les Ouïgours,
tous représentées par le Conseil de coordination de l'Association
nationale de la république du Tadjikistan. Selon ce conseil, plus de 40
% de la population du pays n'était pas reconnue par les auteurs du
projet constitutionnel; de plus, les fonctions les plus élevées
de l'État, comme le président et le vice-président, ne pouvaient
être occupées que par des Tadjiks. La même
année, une version modifiée de la Loi sur la langue visait
à éliminer tout statut au russe dans la conduite des affaires
officielles, mais cette version n'a jamais été adoptée par
l'Assemblée nationale. Néanmoins, les fonctionnaires du
gouvernement durent s'organiser pour que toute l'Administration puisse se
tadjikiser complètement, tant à l'oral qu'à
l'écrit, pour 1994. Par ailleurs, le système scolaire continua
à offrir des écoles en tadjik, en russe, en ouzbek et en
turkmène.
|
En novembre 1994 se tinrent simultanément une élection et un référendum constitutionnel, qui permirent à Emomali Rakhmonov d’être élu à la présidence du Parlement et d’assumer ainsi les fonctions de chef de l’État (la présidence de la République, instaurée lors de l’indépendance du pays, ayant été abolie en novembre 1992, juste après le début de la guerre civile). Élu en novembre 1994, le président Rakhmonov prônait la «réconciliation nationale» et plusieurs rencontres se sont déroulées, à partir d’avril 1994, entre les autorités et les rebelles, sous l’égide des Nations unies. |
Quant à la Constitution, son
préambule commence maintenant par «Nous, peuple du
Tadjikistan [...]», alors que l'article 2 proclame que «la langue
officielle du Tadjikistan est le tadjik», que «le russe est une
langue des communication inter-ethniques» et que «toutes les
nations et tous les peuples résidant sur le territoire de la
République ont le droit d'employer librement leur langue
maternelle». À l'instar de la Loi sur la langue, la
Constitution fut en tadjik, en russe et en ouzbek. En juillet 1994, le Parlement
tadjik rejetait une proposition pour faire du russe une langue co-officielle
à côté du farsi (tadjik).
- Les crises politiques
Les pourparlers engagés en 1994
entre le régime communiste et l'opposition islamiste en exil aboutirent,
le 27 juin 1997, à la signature d'un accord de paix qui
prévoyait un partage des portefeuilles et des élections
législatives sous contrôle international. L'accord de paix devait
mettre un terme à quatre années d’une guerre civile alors
responsable de la mort de 30 000 personnes.
Le processus de réconciliation connut par la suite des
vicissitudes, et la tension persista. Dans les mois qui ont suivi le
départ des citoyens russophones, les établissements
d'enseignement, ainsi que les services médicaux et militaires du pays se
sont écroulés. Sans cadres experts pour les gérer les
usines, l'économie du Tadjikistan s'est aussi effondré. De
nouveaux départs ont affecté les secteurs des communications, du
transport, de l'approvisionnement en alimentation et de l'assainissement. Une
tentative avortée de coup d’État contre le président
Emomali Rakhmonov (août 1997), la reprise des affrontements entre forces
de l’ordre et opposants islamistes, qui accompagna le retour d’exil
du deuxième chef de l’opposition, Akbor Touradjanzadé (mars
1998), fragilisèrent les accords de Moscou. En janvier 1998,
l'opposition islamique conduite par Saïd Abdollah Nouri, qui reprochait au
gouvernement de Iakhio Nouriddinovitch Azimov de ne pas tenir ses engagements,
se retira de la Commission de réconciliation nationale,
créée à la suite de la signature de l'accord de paix. Des
tentatives de rapprochement sont alors mises en œuvre par le
président Emomali Charipovitch Rakhmonov qui s'engageait à
confier, dans le futur gouvernement d'union nationale, la place de numéro
deux, au chef spirituel de l'opposition islamique, Akbar Touradjonzoda.
À l'aube de
l'année 1999, le pouvoir était encore confronté
à une crise politique aggravée par la reprise des affrontements
(dans la région de Léninabad) entre les troupes anti-islamistes
conduites par le colonel Mahmoud Khoudoberdiev et les forces gouvernementales,
mais aussi à une corruption qui s'étendait à l'ensemble
des institutions, à une croissance économique stagnante à
l'image du taux d'inflation qui n'était pas descendu en dessous de la
barre des 40 % en 1998.
En novembre 1999, le président sortant, Emomali Rakhmonov, fut réélu pour sept ans avec 96,99 % des voix, à l’issue d’un scrutin controversé. Le 27 mars 2000, le processus de paix prit fin officiellement lorsque le Parlement bicaméral, élu en février et mars 2000 — et consacrant la victoire du Parti démocratique populaire, progouvernemental, arrivé en tête devant le Parti communiste et le parti de la Renaissance islamique — tint sa première session. En août 2000, le directeur de l’Agence du Programme alimentaire mondial au Tadjikistan lança un appel d’urgence. La sécheresse, la plus grave depuis dix ans en Asie centrale, menaçait de famine la moitié de la population du pays. Bref, le Tadjikistan est resté en proie à de nombreux problèmes, alors que la paix est demeurée précaire. Certains groupes armés n’ont pas souhaité s’associer à l’accord de paix. Comme le désarmement n’a pas été total, le gouvernement central n'a pas encore le contrôle sur toutes les zones du pays et a dû forger des alliances et des compromis avec certaines des factions.
Sous le régime soviétique, le
russe était la langue officielle de l'Union, alors que chacune des
langues dites «titulaires» l'était dans chacune des
républiques. Même si le russe n'a jamais été
déclaré formellement langue officielle, ni par l'Union ni par
aucune république, pas même pas en Russie (1978), il a toujours
joui dans les faits du statut de langue officielle jusqu'en 1991.
4.1
L'égalité des langues titulaires et du russe
Quand on lit la Constitution du 14 avril
1978 du Tadjikistan, on constate que l'accent était mis sur
l'égalité de toutes les langues de l'ex-URSS. En
réalité, la politique linguistique du Kirghizistan soviétique
était axée sur l’égalité des droits
linguistiques de tous les citoyens, surtout ceux des russophones, et sur le
développement harmonieux de toutes les nations et ethnies de
l’URSS. C'était une façon de banaliser toutes les langues
nationales (ou tutélaires) et d'accorder un statut
privilégié au russe. C’est ainsi qu’on pouvait lire
aux articles 32 et 34:
Article 32 Article 34 |
Cela dit, le tadjik, pas plus que le russe,
ne bénéficiait du statut de langue officielle. Cette absence de
statut pour le russe n'empêchait pas les russophones de jouir de tous les
droits et privilèges de la langue officielle de l'Union. À cette
époque bénie, la vie était facile pour les russophones
vivant dans les républiques de l'Union, au Tadjikistan comme ailleurs.
En effet, ces derniers bénéficiaient de tous les avantages
d’une majorité fonctionnelle qui n’avait pas besoin
d’être bilingue; ils détenaient les clés de la
domination économique, sociale, culturelle, etc. Mais les temps ont
changé pour la minorité dominante!
4.2 L'éducation et la
justice
En éducation, les Russes pouvaient
exiger que leurs enfants reçoivent leur instruction uniquement en langue
russe (art. 43 de la Constitution de 1978):
Article 43 |
En matière de justice, il en
était ainsi dans la procédure judiciaire (art. 160):
Article 160 2) Les personnes participant au procès et ne possédant pas la langue dans laquelle se fait la procédure judiciaire ont le droit de prendre pleinement connaissance du dossier, de prendre part aux actions judiciaires par l'intermédiaire d'un interprète et de s'exprimer durant l'audience dans leur langue maternelle. |
Malgré tout, les Tadjiks n'ont pas
nécessairement fréquenté les écoles russes. Ces
dernières étaient surtout réservées aux Russes et
à la plupart des minorités nationales telles que les Ouzbeks, les
Kazakhs, les Ukrainiens, Ouïgours, les Tadjiks, les Tatars, etc. Par
contre, dans la capitale, beaucoup de Tadjiks fréquentèrent les
écoles russes; la capitale était particulièrement
russifiée, alors que le russe était la langue des communications
interethniques. C'est pourquoi cette langue avait un prestige bien
supérieur au tadjik. Beaucoup de fonctionnaires non tadjikophones
avaient de la difficulté, dans les centres urbains, à s'exprimer
en une autre langue que le russe. Ajoutons aussi que le tadjik était
relégué au second plan comme langue de travail, sauf dans les
régions rurales. On comprendra que, dans ces conditions, les milieux
nationalistes aient trouvé un terrain propice à leurs
revendications, bien que la russification n'ait jamais été aussi
avancée que, par exemple, en Biélorussie.
La situation changea vers la fin du
régime soviétique, notamment avec l'arrivée de
Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir et la perestroïka, puis la chute
du mur de Berlin, l'effondrement des régimes communistes, la fin du
monopole politique des partis communistes, etc.
La politique linguistique du Tadjikistan
porte à la fois sur la langue officielle, le tadjik, et les autres
langues des minorités nationales. La Constitution du 6 novembre 1994,
dont l'entrée en vigueur était prévue pour décembre
1994, précisait ce qui suit à l'article 2:
Article 2 1) La langue officielle
du Tadjikistan est le tadjik. Le russe est une langue de communication
inter-ethnique. 2) Toutes les nations et
tous les peuples résidant sur le territoire de la République
ont le droit d'employer librement leur langue maternelle. |
Quant à l'article 17, il
établit que «le gouvernement garantit les droits et les
libertés de tous, indépendamment de l'appartenance ethnique, la
race, le sexe, la langue, la religion, les croyances politiques,
l'éducation, le statut social ou la propriété.»
Article 17 1) Tous sont égaux
devant la loi et les tribunaux. 2) Le gouvernement
garantit les droits et les libertés de tous, indépendamment de
l'appartenance ethnique, la race, le sexe, la langue, la religion, les
croyances politiques, l'éducation, le statut social ou la
propriété. 3) Les hommes et des
femmes ont des droits égaux. |
Il ne faudrait pas oublier l'article 1 de la
Loi sur la langue qui déclare que la langue officielle du
Tadjikistan est le tadjik; notons que le nom farsi a été
placé entre parenthèses après «langue tadjike»:
Article 1 |
Par ailleurs, l'article 2 précisait
que «la langue russe est librement employée sur le territoire de
la RSS du Tadjikistan en tant que moyen de communication entre les nations de
l'URSS». On pourra consulter une version française de la Loi
sur la langue en cliquant ICI, s.v.p.
5.1 Les langues de la
législation
La législature du Tadjikistan
comprend une Chambre basse, le Majlisi Namoyandagon (la Chambre des
représentants) et une Chambre haute, le Majlisi Milliy
(l'Assemblée nationale). Les langues de la législation sont
définies dans la Loi sur la langue
de la RSS du Tadjikistan du 22 juillet 1989. L'article 8 de cette loi
prescrit que les lois sont adoptées dans la langue officielle, le
tadjik, et publiées ensuite dans trois langues, soit en tadjik, en russe
et en ouzbek:
Article 8 |
Les minorités ne sont guère
représentées dans les deux chambres du Parlement; en
général, lorsque les Ouzbeks réussissent tout au plus
à faire élire quatre ou cinq députés, ce qui est
peu.
Quant aux règlements des
autorités locales, ils peuvent être publiés en tadjik et
dans l'une ou l'autre des langues nationales, généralement en
ouzbek et/ou en russe, parfois également en kirghiz.
L'article 65 de la Constitution du 6
novembre 1994 précise, en son paragraphe 2, que «tout citoyen,
âgé de 35 à 65 ans, connaissant la langue officielle et qui
a été résidant sur le territoire du Tadjikistan depuis au
moins les dix années précédentes, peut être
désigné candidat au bureau présidentiel de la
République»:
Article 65 1) Le président
est élu pour un mandat de cinq ans par les citoyens du Tadjikistan sur
la base de droits de vote égaux et directs au moyen d'un bulletin
secret. 2) Tout citoyen,
âgé de 35 à 65 ans, connaissant la langue officielle et
qui a été résidant sur le territoire du Tadjikistan
depuis au moins les dix années précédentes, peut
être désigné candidat au bureau présidentiel de la
République. 3) Un candidat au bureau
présidentiel de la République est toute personne qui a
enregistré et rassemblé les signatures de nomination d'au moins
cinq pour cent des électeurs. 4) Nul ne peut être
président pour plus de deux mandats consécutifs. |
5.2 Les langues de la
justice
Les langues de la justice sont
définies dans la Constitution et la Loi sur la langue de la RSS du
Tadjikistan. En effet, le paragraphe 4 de l'article 88 de la présente
Constitution stipule que «les poursuites judiciaires sont
effectuées dans la langue officielle ou dans la langue de la
majorité des habitants d'une localité donnée». Le
paragraphe suivant prévoit que les personnes qui ne parlent pas la
langue de la procédure judiciaires peuvent recourir aux services d'un
interprète.
Article 88 4) Les poursuites judiciaires sont effectuées dans la langue officielle ou dans la langue de la majorité des habitants d'une localité donnée. 5) Il est prévu pour les personnes qui ne parlent pas la langue de la procédure judiciaires peuvent recourir aux services d'un interprète. |
L'article 16 de la Loi sur la langue de
la RSS du Tadjikistan précise que les activités judiciaires
sont conduites soit en tadjik soit dans «la langue
employée par la majorité de la population»:
Article 16 |
L'article 160 dont il est fait mention dans
cette disposition concerne la Constitution de 1978. Les langues
systématiquement employées dans les tribunaux sont le tadjik et
le russe. Dans les tribunaux régionaux, en plus du tadjik, une langue
minoritaire peut être légalement employée, mais le russe
sert souvent de langue passe-partout, surtout lorsque les parties en cause
connaissent cette langue. Voici ce que prévoient les articles 17 et 18
de la loi linguistique:
Article 17 |
5.2 Les langues de l'Administration
La langue de l'État est le tadjik, la
langue officielle, mais le russe est également employé. C'est
donc le bilinguisme russo-tadjik qui s'applique à toute l'Administration
du pays. N'oublions pas que le tadjik n'est la langue maternelle que de 62 % de
la population, ce qui signifie que près de 40 % des habitants du pays
parlent une autre langue. C'est pourquoi le russe sert traditionnellement dans
les communications inter-ethniques et qu'il est très largement
répandu dans toute l'administration gouvernementale. L'article 10 de la Loi
sur la langue de la RSS du Tadjikistan fait bien état des deux
langues:
Article 10 |
L'article 11 de la même loi
précise que la langue des entreprises, établissements et
organismes se déroule dans la langue officielle, mais que le russe peut
également être employé, de même que tout autre
langue, lorsque les gens concernés ne parlent pas la langue officielle:
Article 11 |
Les article 13, 14 et 15 de la Loi sur la
langue sont très clairs quant à l'exigence du bilinguisme
russo-tadjik dans les services publics:
Article 13 |
Il en est ainsi à l'article 30 de la Loi
sur la langue relativement aux dénominations des ministères
et autres organismes de l'État:
Article 30 |
L'usage du tadjik et du russe n'exclut
nullement une autre langue, généralement l'ouzbek et parfois le
kirghiz. Cependant, les minorités se plaignent de n'être pas
suffisamment représentées dans la fonction publique. En effet, les
Ouzbeks, Russes, Kirghiz, Turkmènes, etc., ne sont que rarement
embauchés par les organismes gouvernementaux. Il semble que les Tadjiks
se méfient de leurs minorités, surtout les Ouzbeks et les Russes.
Par contre, le russe reprend ses
prérogatives dans les communications avec les États
étrangers de l'ex-URSS; on peut présumer aussi que l'anglais
n'est pas exclus dans le cas d'autres pays (cf. «une langue
acceptée par toutes les parties»).
Article 9 |
Les langues de travail semblent
également être le tadjik et le russe au sein des entreprises,
établissements et organismes situés dans la RSS du Tadjikistan:
Article 12 |
Il ne faut quand même pas croire que
tous les services gouvernementaux sont offerts dans une multitude de langues.
C'est d'abord le tadjik, puis le russe. Dans des zones d'établissement
où sont concentrées certains minorités, l'ouzbek, le
kirghiz ou une autre langue (cas rarissimes) peut être admise.
5.3 Les langues dans l'éducation
La régime soviétique a
créé un système d'éducation moderne au Tadjikistan
où rien de comparable n'avait existé auparavant. Dans les
années qui ont suivi l'indépendance, le système
d'éducation soviétique a prévalu, même s'il est
resté sous le contrôle du ministère tadjik de
l'Éducation nationale. Avant 1991, le niveau d'instruction de la
population d'adulte des Tadjiks se situait en dessous de la moyenne des
anciennes républiques de l'URSS. En 1989, seulement 16 % des Tadjiks
avaient terminé leurs études primaires, 21 % n'avaient pas
complété leur secondaire, contre 55 % qui l'avaient
achevé; quelque 7,5 % des Tadjiks avaient terminé des
études dans un établissement d'enseignement
supérieur. Les langues d'enseignement étaient le russe, le
tadjik, l'ouzbek et le kirghiz. Cependant, à l'exception du russe, peu
de manuels étaient disponibles, même en tadjik.
ll existe au Tadjikistan des
établissements préscolaires, des écoles primaires et
fondamentales (scolarité de neuf ans), des écoles secondaires,
des internats spécialisés pour enfants ayant des capacités
limitées, ainsi que des établissements d'enseignement
supérieur. Au 1er janvier 1997, on recensait 774 établissements
préscolaires, qui accueillaient 109 143 enfants âgés de 3
à 7 ans.
L'article 21 de la Loi sur la langue garantit
la liberté à tous les citoyens de choisir leur langue
d'instruction pour la réalisation de l'éducation
générale dans les langues tadjike, russe, ouzbek et, dans les
territoires où est concentrée une population d'une autre nationalité,
dans sa langue maternelle:
Article 21 |
Les données du tableau
(ministère de l'Éducation nationale) qui suit montrent que, sur
un total de 1 308 748 élèves en 1995-1996, quelque 71,3 % ont
reçu leur instruction primaire en tadjik, 24,9 % en ouzbek, 2,6 % en
russe, 1 % en kirghiz et 0,2 % en turkmène.
|
|
1991-1992 |
|
1995-1996 |
Source: |
Nombre |
% |
Nombre |
% |
Tadjik |
881 262 |
67,5 % |
932 367 |
71,3 % |
Ouzbek |
315 913 |
24,2 % |
325 559 |
24,9 % |
Russe |
89 115 |
6,8 % |
34 282 |
2,6 % |
Kirghiz |
14 657 |
1,1 % |
13 300 |
1,0 % |
Turkmène |
4 122 |
0,3 % |
3 240 |
0,2 % |
Kazakh |
50 |
0,01 % |
- |
- |
Total |
1 305 119 |
|
1 308 748 |
|
Pour les écoles primaires, un
enseignement en langue maternelle est assuré dans les
établissements nationaux et mixtes du Tadjikistan. Dans les districts de
Jirgatal et de Murgab, l'enseignement est généralement dispensé
en kirghiz : au total, quelque 51 établissements d'enseignement
primaires ont comme langue d'enseignement le kirghiz. Le nombre
d'établissements ayant l'ouzbek comme langue d'enseignement a
été porté à 501; dans ces établissements,
l'enseignement respecte le programme de base de la république
d'Ouzbékistan, telle qu'établie par le ministère de
l'Éducation du Tadjikistan. À Douchanbé, Khojand et dans
d'autres villes, il existe des établissements d'enseignement général
ayant le russe comme langue d'enseignement et respectant le programme de
la fédération de Russie. On compte également 12
écoles dans les districts de Jilikul et Kabodiyen, dans la région
de Khatlon, qui assurent un enseignement en langue turkmène.
À l'issue d'un accord conclu entre le ministère de
l'Éducation de la république du Tadjikistan et une entreprise
privée turque Ozal Shalola, des lycées turco-tadjiks ont
été ouverts dans les villes de Douchanbé,
Tursunzadé, Kouliab et Kourgan-Tioubé, qui regroupent au total
842 élèves. Pour les nombreuses autres langues, il n'existe pas
d'écoles où l'on enseigne dans la langue maternelle.
En réalité, les articles 22
à 25 sont plus importants, car ils précisent que l'instruction
est assurée en deux langues, le tadjik et le russe, auxquelles on ajoute
parfois l'ouzbek:
Article 22 Article 23 Article 25 |
Dans la recherche universitaire, le tadjik
et le russe sont à égalité en droit:
Article 26 |
Dans la capitale, une université
slave et un lycée russe dispensent leur enseignement en russe,
même si ces établissements acceptent des étudiants
d'origine tadjike et ouzbèke.
Il est également prévu que le
Tadjikistan crée des conditions favorables pour les recherches de
l'écriture tadjike basée sur l'alphabet arabe:
Article 27 |
Enfin, il faut déplorer la
pauvreté de l'infrastructure scolaire en matière de manuel.
Jusqu'en 1991, tout le matériel didactique utilisé au Tadjikistan
provenait d'une centaine de fournisseurs situés tous en dehors du pays.
Depuis, il est impossible d'effectuer des transferts de crédits entre le
Tadjikistan et d'autres républiques de la Communauté des États
indépendants. C'est pourquoi les commandes de manuels scolaires ne sont
pas satisfaites et que les écoles souffrent d'une grave pénurie
de manuels scolaires, non seulement en tadjik, mais dans toutes les langues. De
plus, les imprimeries du Tadjikistan n'arrivent pas à publier des
manuels parce qu'elles manquent de papier et d'autres ressources
nécessaires à l'impression. Il faut aussi souligner que les vieux
manuels existants sont devenus inutilisables, car ils ont beaucoup servi et ne
peuvent être réparés faute de moyens, ce qui ne fait
qu'aggraver le problème de pénurie. Bref, dans ces conditions,
les établissements d'enseignement du Tadjikistan se retrouveront
très bientôt sans aucun manuel dans les écoles avec le
résultat que la qualité de l'enseignement pourrait se
détériorer de façon catastrophique.
Comme si ce n'était pas suffisant,
l'État connaît beaucoup de difficulté dans le recrutement
du personnel enseignant qualifié. Pour les disciplines de base, il
manquerait quelque 13 300 enseignants en supposant que les professeurs
toucheraient une fois et demie, sinon plus, le salaire habituel. La
pénurie des enseignants s'explique surtout par la
médiocrité des salaires (environ 100 $ US par mois) et l'absence
de protection sociale.
Autrement dit, la qualité de
l'enseignement au Tadjikistan ne tient que pour peu aux relations
inter-ethniques, car elle relève d'un manque d'infrastructures et de
budget. Pour maintenir une certaine qualité dans l'enseignement
fondamental, il faudrait garantir des crédits annuels pour
l'éducation, mettre en place l'infrastructure économique,
matérielle et technique pour l'éducation, résoudre le
problème de l'absence des ressources dans la publication de manuels et
de textes pédagogiques.
5.4 Les langues dans les
médias
Bien que la Constitution prévoit la
liberté de presse, celle-ci n'est pas bien respectée.
L'organisation Sans Frontières affirme que beaucoup de journalistes
indépendants subissent des pressions de la part des autorités,
qui contrôlent plusieurs journaux, stations de radio et de
télévision, de nombreuses imprimeries et dictent souvent la ligne
de rédaction des médias tant écrits
qu'électroniques.
- Les médias
écrits
Il existe plus de 200 journaux au
Tadjikistan. Plusieurs d'entre eux appartiennent au gouvernement; d'autres sont
liés aux partis politiques et différentes organisations. Jusqu'en
1992, on comptait neuf quotidiens pour une diffusion totale de quelque 361 370
exemplaires. Par la suite, les quotidiens ont considérablement baissé
pour disparaître complètement au cours des années
suivantes, l'approvisionnement en papier étant devenu trop difficile et
trop prohibitif. Aujourd'hui, il n'y a plus aucun quotidien.
Parmi les journaux, mentionnons d'abord ceux
publiés en tadjik: le Jumhuriyat (gouvernement), le Minbar-i
Khalq (Partie populaire démocratique), le Nido-i Ranjbar
(gouvernement), le Tojikiston (privé), le Najot
(Parti de la renaissance islamique), le Neru-i Sukhan (privé), le
Nido-i Ranjbar (Parti communiste). Par ailleurs, le Khalq Ovozi
(gouvernement) est publié en ouzbek, le Narodnaya Gazeta (gouvernement)
en russe, le Golos Tajikistana Parti communiste) en russe.
Ces journaux sont publiés généralement trois fois par
semaine, parfois une seule fois (ce sont des hebdomadaires). Deux fois par mois,
le Tojikiston de Douchanbé publie des articles en tadjik, en
russe et normalement une page ou deux en anglais. Depuis 1996, le
ministère de la Culture et de l'Information publie un journal
hebdomadaire appelé Panorama de la presse, qui est publié
en cinq langues: tadjik, russe, ouzbek, farsi et anglais. Il n'existe pas de
journaux pour les autres minorités nationales.
- Les médias
électroniques
Bien que le gouvernement permette des
émissions radiophoniques quotidiennes en ouzbek ou en d'autres langues,
la programmation est massivement en tadjik et en russe. Les stations
radiophoniques suivantes sont en tadjik: Tajik Radio (avec deux
réseaux nationaux), Radio Tadjikistan, Radio Sado-i
Duchanbé, Asia-Plus, Radio Vatan, Radio Tiroz,
etc. Le Tadjikistan compte plusieurs dizaines de stations privées.
Plus de 70 % des habitants des
différentes régions peuvent capter des émissions de
télévision, soit en tadjik, soit en russe. Sur plus d'une
trentaine, citons pour le tadjik le canal Tajik TV
(Télévision Tadjikistan), Soghd TV (station
régionale du Nord) et Khatlon TV (station régionale du
Sud). Toutes les matinées de la semaine, Tajik TV diffuse des
nouvelles en anglais. Les stations russes ORT 1 et RTR
sont retransmises dans l'ensemble du pays, sauf pour les régions sans
récepteurs. Il n'existe pas de programmation à l'intention des
minorités nationales.
En avril 1999, un
accord sur la procédure et les conditions de radiodiffusion des
programmes en provenance des sociétés de
radio-télévision russes a été signé entre la
Russie et le Tadjikistan; la diffusion de la langue russe faisait partie
intégralement de l'accord.
La république autonome du Gorno-Badakhchan
est située dans la partie sud-est du pays, à la frontière
de la Chine et de l'Afghanistan. Le territoire occupe environ 44 % du
territoire (63 700 km²), mais sa population, qui vit dans
les hautes montagnes, ne compte que 219 900 habitants, soit 3,3 % du
Tadjikistan. La ville de Khorog (32 600 habitants) est la capitale de la
région autonome. Le territoire comprend les hautes montagnes du Pamir,
dont font font partie le massif Trans-Alaï, le massif Pierre-le-Grand et
le massif Akademii Nauk. L'altitude moyenne du Pamir est d'environ 4 000
mètre. Cette région aride est peuplée de nomades qui
l'appellent «le toit du monde». Dans le passé, la
région du Gorno-Badakhchan
a été sous le contrôle des Mongols, puis des Arabes, avant
de passer sous celui de la Russie tsariste en 1895. La région obtint, en
janvier 1925, le statut de région autonome lors du régime
soviétique.
6.1 Les ethnies et les
langues
La région du Gorno-Badakhchan est
bien connue pour sa grande diversité linguistique. Les habitants du Gorno-Badakhchan
parlent quatre types de langues: le tadjik, le russe, le kirghiz et les langues
dites du Pamir. Ces dernières sont parlées dans les
vallées par quelque 64 % de la population, soit 140 000 locuteurs sur un
total de 219 000. Les quelques villes abritent surtout des Tadjiks, des Russes
et des Kirghiz. Pour désigner l'ensemble de la population, on utilise le
terme de Badakhchanis, mais pour représenter de
façon spécifique les peuples du Pamir, on emploie le terme
Pamiri.
Il existe presque autant de langues
différentes que de vallées : le shughni, le rushani, le khufi, le
bartangi, le roshorvi, le sariqoli, le yazghulami, le wakhi et l'ishkashimi.
Ces langues n'ont aucune écriture et c'est le tadjik qui sert de langue
écrite. Presque toute la population du Badakhchan est bilingue, sinon
multilingue, la seconde langue étant habituellement le tadjik, la langue
officielle du pays. La plupart de ces langues sont menacées
d'extinction, d'autant plus que plusieurs de celles-ci sont déjà
disparues au cours des dernières décennies. C'est le tadjik,
resté très proche génétiquement de ces langues, qui
est employé partout comme véhicule de l'éducation, de la
culture et des médias tant écrits qu'électroniques. La
proximité génétique du tadjik et de ces langues contribue
certainement à leur disparition graduelle.
Les langues du Pamir se sont
considérablement fragmentées au cours de leur histoire et elles
se sont forcément dialectalisées, alors qu'elles étaient
relativement isolées dans cette région montagneuse. Au nord de la
région du Badakhchan, ce sont les variétés wanj et darwaz
qui dominent. Au sud, une partie de la population parle des dialectes tadjiks
du Badakhchan. Ces dialectes peuvent être divisés en quatre
sous-dialectres: le ghoron (de Khas-Kharagh à Barshor), l'ishkashim
(villages de Sist, Muwoj, Awj, Nud et Dasht), le wakhan (villages de
Drizh, Chiltok, Yamg et Udit) et le munji en usage dans la vallée
de Shahdara (village de Corj). Il semble que le sous-dialecte munji ait
été pratiquement remplacé par la langue shughni :
dans plusieurs familles, la génération plus âgée a
préservé quelques expressions particulières et emploie des
mots distincts des plus jeunes. La population parlant le ghoron est
composée des descendants des immigrants tadjiks arrivés de
l'Afghanistan aux XIIIe et XIVe siècles.
Il semble que la population des villages voisins de Khas-Kharagh à
Barshor parle le tadjik en raison de la diffusion des dialectes tadjiks du
Badakhchan. Cependant, aujourd'hui, à la suite des mariages mixtes, la
population des village de Khas-Kharagh (le plus proche de Khorogh, le centre
administratif du Badakhchan) parle surtout le shughni.
Selon la classification des dialectes, on
distingue deux groupes différents dans le Badakhchan: les dialectes du
Sud (environ 9000 locuteurs) et les dialectes du Sud-Est (le wanj, environ 19
900 locuteurs; le darwaz, 25 000 locuteurs). Dans tout le Badakhchan, ces
dialectes sont relativement proches des langues tadjikes non seulement du
Tadjikistan, mais aussi de l'Afghanistan. La population locale appelle
l'ensemble de ses dialectes du nom de porsi ou forsi, ce qui
semble significatif par rapport au farsi.
Traditionnellement, la langue farsi fut la
langue de la religion pour les habitants du Badakhchan. Vers le XIe siècle, la population locale fut convertie
à l'islam ismaélien. Malgré une interruption d'environ 70
ans au cours du régime soviétique, la religion eut un impact
important sur les particularités linguistiques des Pamiri. Beaucoup de
mots sont d'origine arabe et sont apparus dans la région avec
l'enseignement de l'islam ismaélien. En même temps, l'influence
des Persans d'Iran est devenue plus forte. Avant l'avènement du communisme
soviétique, le farsi d'Iran était enseigné comme langue
écrite dans les écoles au moyen de l'alphabet arabe. C'est
grâce au farsi que les Parmiri eurent accès à une culture
de prestige, celle de l'Iran.
La situation présente des
communautés pamiri est celle du bilinguisme étendu à toute
la population, ce qui entraîne forcément une diglossie langue
locale/tadjik où la première sert dans les communications
informelles, la seconde, dans les relations formelles. Cependant, le tadjik
parlé par les Pamiri est légèrement différent du tadjik
standard. On l'appelle le «tadjik du Badakhchan». Cette
variété de tadjik local sert de langue véhiculaire pour
les différentes communautés du Badakhchan, notamment entre Pamiri
et Tadjiks, mais entre Pamiri eux-mêmes. C'est la langue utilisée
partout, même à la radio, mais pas à l'Université
d'État de Khorogh où le tadjik standard est employé. Ce
dernier est un signe d'instruction et de prestige, il est employé dans
toute communication officielle orale. Avec son style presque ampoulé, il
marque traditionnellement un haut niveau de culture qui correspond à un
statut social équivalent.
6.2 La politique
linguistique
Lors de l'adoption de la Loi sur la
langue, l'État tadjik a donné au gouvernement autonome de la
région du Gorno-Badakhchan
le droit de créer des conditions favorables pour le développement
libre et l'usage des langues pamir du Badakhchan. En effet, l'article 3 de la
loi linguistique déclare:
Article 3 |
Le gouvernement local n'a pas de politique
linguistique. Il ne fait pas grand-chose pour la sauvegarde des langues locales
du Pamir. En réalité, il ne fait absolument rien, toute la vie
sociale se déroulant en tadjik du Badakhchan (ou en tadjik standard), que
ce soit le Parlement local, les cours de justice, les médias, les
écoles, etc.
La particularité spécifique de
cette politique repose essentiellement sur l'absence de tout cours
spécifique préalable pour les enfants parlant des langues pamiri.
Dans les écoles primaires, les enfants qui ignorent le tadjik standard
sont désavantagés dans leur apprentissage, car ils n'ont aucune
préparation. Il serait préférable de les
alphabétiser dans leur langue maternelle, quitte ensuite à passer
au tadjik.
Le Tadjikistan pratique une politique
linguistique globale pour le tadjik et le russe, mais strictement sectorielle
pour les langues des minorités nationales. La politique de tadjikisation
semble être un succès et n'a pas eu pour effet de discriminer
systématiquement la langue russe. Cette politique était certes
nécessaire, car il n'était pas normal que la langue nationale des
Tadjiks soit reléguée à un rôle fonctionnel minoritaire.
Contrairement à certaines autres républiques de l'Asie centrale,
le russe n'a pas été évacué, mais il dû
retrouver un rôle moins flamboyant, celui des communications
inter-ethniques. Dans un pays comme le Tadjikistan, le rôle du russe
demeure non négligeable. D'ailleurs, du poiint de vue administratif, le
russe est resté presque aussi important qu'auparavant.
C'est au sujet des langues minoritaires
nationales que la politique est le moins réussie. Malgré les
dispositions constitutionnelles et la législation linguistique, les
petites langues nationales ne sont guères protégées. Si
l'on fait exception de l'ouzbek, du kirghiz et du turkmène pour les
écoles primaires, ces langues semblent pratiquement oubliées. Il
s'agit bien d'une politique sectorielle, puisqu'elle est pratiquement
limitée à l'accès aux écoles dans quelques langues
seulement (russe, ouzbek, kirghiz, turkmène et kazakh). Ce n'est pas
pour rien que certaines minorités, surtout les Ouzbeks, se plaignent
d'être sous-représentées dans les services administratifs.
Il est vrai que les langues minoritaires ne sont pas systématiquement
pourchassées ni discriminées, mais elles ne reçoivent que
fort peu de protection de la part de l'État. Quant aux langues du Pamir,
elles continueront de régresser et de disparaître en raison de
l'inertie des gouvernements; le gouvernment local aurait pu . En ce sens, les
dispositions constitutionnelles ne sont pas appliquées ou bien les
dirigeants de l'époque (1994) ont vu trop grand. Pour résumer, la
politique linguistique du Tadjikistan en est une de bilinguisme administratif,
de valorisation de la langue officielle et strictement sectorielle pour les
minorités.
Bibliographie
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BASHIRI, Iraj. «Russian Loanwords in Persian and
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Fondation suisse pour la paix, Institut pour la résolution du conflit,
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1999, Berne. ORGANISATION DES NATIONS UNIES. Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l'article 44 de la Convention sur les droits de l'enfant, Tadjikistan, CRC/C/28/Add.14, Comité des droits de l'enfant, Haut Commissariat aux droits de l'Homme, le 8 octobre 1998, Genève (Suisse). UNESCO. Education for
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Loi sur la langue de la RSS du Tadjikistan