Les Métiers d'autrefois, écrit et dédicacé par l'auteur de cet article !
Un livre pour retrouver les descriptions des métiers d'hier et l'évolution de ceux qui ont survécu jusqu'à nous.


   Les métiers du Moyen Âge ont laissé des traces dans nos noms de famille d’aujourd’hui. Traces parfois nombreuses, parfois plus rares selon les régions, selon les activités aussi. Petit aperçu…


    Quelles sortes de noms ?

    Nos noms de famille sont formés à partir de noms de baptême (46 % des cas), de noms de métier (20 %), de caractéristiques physiques ou morales (18 %) ou de noms de lieux (11 %). Des proportions qui varient beaucoup selon les régions : dans les pays de montagne ou d’habitat (globalement dans la moitié sud de la France), les noms évoquant une origine (un hameau, une vallée, un col…) semblent beaucoup plus nombreux, les noms de métier beaucoup plus rares. On dit donc souvent que ces derniers sont liés à l’essor urbain : quand tout le monde est paysan, on n’utiliserait pas le métier pour distinguer deux homonymes ! Et pourtant…


    Deux exemples : Dordogne et Lozère.

    Prenons deux départements au relief accidenté, à l’habitat dispersé et q u’on ne peut pas considérer, quelle que soit l’époque, comme fortement urbanisés : la Dordogne et la Lozère.
En Dordogne, la théorie semble l’emporter. Sur les 1000 premiers patronymes de la fin du XIXème siècle, 14 % évoquent un métier (moins que pour l’ensemble de la France). Or, pour la Lozère, c’est l’inverse : on est à 21 %, une proportion plus forte que la moyenne.


    Des métiers liés à la vie agricole

    Quand on essaie d’expliquer cet écart, on constate qu’il traduit surtout des attitudes différentes quant aux surnoms, car les deux régions sont aussi agricoles l’une que l’autre.
En Lozère, une infinité de travaux liés à l’agriculture se retrouvent à travers les noms de famille : Agulhon (toucheur de bœuf), Boyer (bouvier), Coulomb (éleveur de pigeons), Favier (producteur de fèves), Forestier (garde-forestier), Gazagne (fermier), Gerbal (celui qui lie les gerbes après la moisson), Jaffuel (celui qui tire la vendange des tonneaux), Granier (propriétaire d’un grenier à blé), Mazoyer (tenancier d’une ferme), Meissonnier (moissonneur), Pantel (chasseur de palombes), Pic (ouvrier ou paysan travaillant avec un pic), Planchon (jardinier), Poulalion (éleveur de "poulailles "), Rabier (producteur de raves), Valadier (cureur de fossés), etc.
En Dordogne, l’évocation des travaux des champs est beaucoup plus rare. Sur 1000 noms, on ne trouve guère qu’Issartier (défricheur), Boyer (vacher), Boussenot (moissonneur de chanvre), Chabrier (gardien de chèvres) et Galinat (éleveur de volailles).


    Les autres métiers

    L’importance numérique des noms issus de métiers se fait autour de ceux liés à l’agriculture. Car pour les autres, les proportions sont à peu près semblables dans les deux cas.
Pour la Lozère, on peut évoquer : Boissier (artisan du bois), Bros (charretier), Bourrier (bourrelier), Portefaix (porteu), Ressouche (scieur de bois), Rodier (charron), Sabatier (savetier), Sartre (tailleur), Sudre (cordonnier), Teissedre, Teyssedre ou Tessier (tisserand), Gleize (employé d’église), Lahondes (lanceur de fronde), Meynadier (chef d’une troupe de soldats ou d’un ensemble de serviteurs), Mourgues (moine), Pontier (celui qui perçoit un péage)...
Côté Dordogne : Banizette (fabricant de paniers en osier), Billet ( scieur de bois), Barde (fabricant de bâts), Chanet (fabricant de cruches), Chapeau (fabricant de chapeaux), Chaverou (terrassier), Gouyou (fabricant de serpes), Sudreau, Sudret et Sudrie (cordonnier), Texier et Teyssier (tisserand), Tournier (tourneur), Verrouil (serrurier), Archer, Boulestin (arbalétrier), Gardet (guetteur), Labarre (gardien d’octroi), Mège (médecin), Lavandier (blanchisseur), Ducher (hôtelier), Chapuzet (charpentier), Boissard, Boissel et Boisseau (mesureurs), Saunier ( marchand de sel), Prévôt, Bayle…


    Deux incontournables : le pain et la forge

    Dans tous les cas, on trouve, comme dans toute l’Europe, que les métiers ayant donné naissance au plus grand nombre de noms de famille différents sont ceux liés au pain et à la forge.
Ainsi, pour les travaux du maréchal et du forgeron, on trouve Fabre, Farges, Faure, Ferrand et Ferrier en Lozère ; Fabre, Ferrier, Fargeas, Fargue, Faurel, Farge, Faure, Fargeot, Farges en Dordogne. Pour la fabrication de la farine ou du pain, on a Fournier (boulanger q ui cuisait le pain du village dans le four banal (commun à tous), Moulin, Molinier, Monnier en Lozère ; Boulanger, Fournier, Fournet, Pestourean, Pistre, Moulinier et Mousnier en Dordogne.
Ainsi, l’analyse des patronymes nous indique qui étaient, dans chaque village, les personnages indispensables, il y a mille ans de cela…


Texte : Marie-Odile Mergnac