Histoire de la Vendée , du Bas Poitou en France |
CHAPITRE VIII Au milieu du débordement de peuples barbares dont
nous avons parlé dans un précédent chapitre, Honorius essaya d'apporter
quelques remèdes aux maux qui déchiraient le pays. En 419(1) il abandonnait à
Vallia, successeur d'Ataulphe, roi des Wisigoths, l'Aquitaine seconde, dont
faisait partie la Vendée actuelle ou Bas-Poitou. Ainsi tomba la domination
romaine dans notre pays après cinq-cents ans d'existence. Mais après sa chute
elle y laissa néanmoins des traces profondes, et une civilisation dont nous
retrouverons l'influence sous les Wisigoths et sous les rois Francs de la
première et de la seconde race. Les Wisigoths. maîtres du Poitou, prirent sans y
rien changer les institutions décrépites et l'administration désorganisée qui
existaient à leur arrivée. Le Poitou conserva ses divisions territoriales,
ses pays, sa cité ; les tribunaux, les administrations, les municipes, tout
resta dans le même état. Les cités et leurs curies se relevèrent plus
florissantes que sous les derniers empereurs. Mais les populations poitevines avaient une haine
profonde contre les Wisigoths, qui leur avaient enlevé les deux tiers de
leurs propriétés, et qui les persécutaient dans leurs croyances religieuses. Malgré l'arianisme, en grand honneur chez les
nouveaux conquérants, l'église catholique continue, dans le Poitou, à
développer ses moyens d'action. Dans la cité de Poitiers elle a son évêque,
dans les papi ou " pays " elle commence à avoir ses curés ",
là comme ailleurs, elle puise dans son mode électif, une force et une
popularité qui manquent à l'administration laïque. Les évêques poitevins, tantôt comme saint Martin,
apportent du fond du monastère, le prestige d'une vertu surhumaine, tantôt
comme saint Hilaire, empruntent à l'illustration de leur famille, un éclat
aristocratique qui n'était pas sans action sur le peuple. Dans les derniers temps, les rois Wisigoths fixèrent
à Poitiers leur principal séjour et firent du Poitou le centre de leur
puissance. Alaric II construisit à Poitiers l'enceinte
fortifiée dont les débris subsistent encore et attestent l'art que les
Wisigoths avaient appris à l'école des Romains. Mais la puissance des Wisigoths, qui semblaient
aspirer à la prépondérance dans le pays, n'offrait en réalité qu'une grandeur
factice ; ce peuple n'avait pu y prendre racine, l'hérésie d'Arius qu'il
professait le plaçant dans un état continuel d'hostilité visà-vis des
populations gauloises attachées à la foi catholique (2). Le clergé, dont
l'influence s'était justement accrue dans les derniers temps, par le rôle de
médiateur que son caractère lui donnait, entre la barbarie des vainqueurs, et
la civilisation des vaincus, entretenait ces répulsions et cherchait dans un
peuple jeune encore, et d'un heureux caractère, la docilité aux dogmes de
l'Église latine. Clovis, avec sa petite tribu, n'eut qu'à, se laisser
conduire. Là est toute la raison de ses nombreuses victoires, l'explication
de son agrandissement soudain : les sympathies de toute la Gaule convergèrent
de son côté, et de merveilleux secours vinrent en aide à celui dont les
évêques avaient bénit l'épée. Un mot d'ordre court dans toute la Gaule; une main
invisible prend par la main Clovis le païen, et devant ses pas, aplanit tous
les obstacles.
Les reliques de saint Martin de Tours se sont
déclarées pour Clovis ; de la cathédrale de St-Hilaire de Poitiers , une
lueur mystérieuse éclaire sa marche, une biche blanche lui a indiqué le gué
de la Vienne. Il marche à la victoire entouré d'un cortège de miracles, et
bientôt, la puissante confédération armoricaine, les Mauges, les régions
alpestres de la Vendée qui avaient résisté à tous les efforts des hordes
barbares, se soumettent à Clovis presque sans combat (3). (1) A cette époque vivait un poète qu'on appelle le
dernier des païens, et dont nous avons encore de jolis et méme de beaux vers,
qui furent composés en 420. - Ce poète est Antilius Numatianus, né à
Poitiers, qui exerça l'office de préfet de Rome et qui décrivit, avec un rare
talent, son admiration pour les splendeurs de la cité antique. (II. de France
pour tous, page 103.) (2) Brunehaud, fille du roi wisigoth Athanagilde, et
dont un auteur a dit " qu'elle fut sage du vivant de son époux, coquette
dans son veuvage, et débauchée dans sa vieillesse ", dut renoncer a
l'arianisme pour, en 561, se marier avec Sigebert, roi d'Aquitaine. (3) Rambaud. - Histoire de la civilisation française
(T. i, page 75). DIVISION DE LA PROPRIÉTÉ La nation des Francs étant peu nombreuse, même après
la réunion de toutes les tribus de la même race, il en résulta qu'en Poitou,
la nouvelle domination ne fut protégée que par un très petit nombre de
Francs, qui surent s'attirer la sympathie des vaincus. Les anciens habitants du pays conservèrent leurs
positions et restèrent même en. possession du plus grand nombre des fonctions
publiques,, comme il est facile de s'en. convaincre pour le Poitou par
l'examen attentif des noms que nous a transmis Grégoire: de Tours (1). Les Francs respectèrent les propriétés privées des
Galloromains. Dufour croit même qu'ils rendirent aux anciens propriétaires du
Poitou, les biens propres qui leur avaient été pris par les Wisigoths. Ils
s'emparèrent seulementt des domaines du fisc et des bénéfices.
Sous la domination romaine et sous les Wisigoths,
les petits propriétaires qui possédaient moins de vingt-cinq Jugères, et ne
faisaient pas partie de la curie, habitaient les villages gallo-romains, et
formaient au milieu des campagnes une population libre assez nombreuse, mais
sans importance, et dans un état très voisin de la servitude, Lee grand propriétaire
habitant la cité,, dédaignait les champs, et sur son domaine rural n'avait
qu'un grand corps d'exploitation, une villa où étaient renfermés les colons
qui cultivaient la terre et le régisseur ou intendant qui les surveillait. Un grand changement s'opéra dans les campagnes après
l'établissement des Francs et pendant le règne de la première race. Le Franc possesseur d'un alleu ou d'un grand
bénéfice, le divisa en plusieurs " tenures " ou manses (2), n'ayant
pas toujours la même contenance, mais composées en général de 12 bonniers, ou
A 1 hectares 56 ares de nos mesures modernes (3). Le propriétaire se réserva
autour de son habitation principale de sa sala, une assez vaste étendue de
territoire qui forma sa réserve - sa terre salique - et fut connue 'aussi
sous le nom de "mansus indominicatus ou domaine " (4). Les tenanciers, cultivateurs des manses, reçurent
leurs champs et leurs maisons à perpétuité et héréditairement, sous des
conditions qui varièrent d'abord suivant que le tenancier se trouvait plus ou
moins engagé dans la servitude, mais qui se confondirent peu à peu dans
l'obligation de rester attachés indissolublement à la terre, et de payer une
rente, en argent ou en nature, d'acquitter des redevances et de cultiver
gratuitement le " mansus indominicatus ", c'est-à-dire des terres
réservées par le propriétaire. Il arriva aussi que dans le partage des terres, les
chefs francs ayant reçu des portions plus considérables que celles de leurs
soldats, plusieurs de ces derniers avaient préféré rester près du chef, sous
son patronage militaire, ou suivant l'expression de cette époque dans son
maimbourg. Par suite, les propriétaires d'une très grande étendue de terre,
au lieu de concéder la totalité directement à des serfs tenanciers, en
accordèrent des portions détachées aux hommes libres restés dans leur "
mainbourg ", qui subdivisèrent eux-mêmes ce qui leur était donné en
tenures cultivées par des serfs agricoles, devenant ainsi des propriétaires
de seconde main à la condition d'être les hommes, les fidèles, les vassaux
soumis et dévoués du grand propriétaire, qui de son côté leur assurait sa
protection et sa garantie (5). (1) A cette époque les Francs donnaient, il est
vrai, à leurs noms, une terminaison latine ; mais avecc un peu d'attention,
il est facile de distinguer les noms gallo-romains, et d'ailleurs, le vieil
historien explique très' fréquemment lui-méme l'origine des personnes dont il
parle. -En 1804, on a recueilli dans des tombeaux, à Gaillardon, près
Fontenay-le-Comte, quatre inscriptions chrétiennes. - Une de ces
inscriptions, qui est de la dernière moitié du Ve siècle, et la plus récente
de la fin du VIIe, ont conservé les noms des premiers habitants de cette
ville, Jovinus et sa femme Pola Rusticus, Maurolénus (gallo-romain)
Chagnualdus (Chaigneau), et Vinoaldus (Vincent), de race franque. (2) Le mot de " mansus " se trouve dès la
fin du Ve: siècle : sous les Mérovingiens le mot "villa " resta,
mais n'eut plus l'ancienne signification romaine ; il n'exprima plus le corps
d'exploitation, mais l'ensemble de la terre avec sa réserve et ses divisions
(Guérard). (3) Le bonnier (bunuarinum) valait 1,0 "
aripeunes " gaulois ou cinq Jugères romains et répondait à 1 hectare 22
ares des mesures modernes. - La nappa ou l'ansange répondait à. 44 ares de
nos mesures. La mesure de capacité la plus employée était le modius, qui
varia beaucoup jusqu'au moyen âge ; le modius romain valait 8 litres 67; le
modius de l'année 774 est évalué par M. Guérard à 52 litres, et on trouve
qu'en 845, le modius légal vaut en Aquitaine 138 litres, suivant M. Dureau de
la Malle. (4) M. Guérard a prouvé que la " terre
salique,", terra salica - et le " mansus indominicatus " sont
la même chose, - page 30 de la plaquette de du Fougeroux. (5) Voir Guérard et Guizot. Les mots de fiefs et arrière-fiefs ne paraissent pas
encore sous les Mérovingiens, mais la première organisation féodale existe
déjà et se développe. Les tenanciers des manses, plus heureux que les
cultivateurs renfermés autrefois dans la villa romaine, étaient cependant
engagés encore dans la servitude à différents degrés. Ainsi nous trouvons
dans le Poitou, comme dans toutes les contrées occupées par les Francs, des
serfs, des colons, des lides, des fiscalins attachés aux domaines de la
couronne, et enfin des " colliberts " colliberti, classe peu
nombreuse et peu répandue dans les autres provinces, et qui tenait le milieu
entre le serf et l'ingénu, comme le lide, mais avec des obligations
différentes. Les Colliberts, race d'hommes amenés sans doute du
Nord par les Romains(1), étaient surtout cantonnés dans les marais de l'Aunis
et du Bas-Poitou, occupés aux travaux de la terre et à ceux d'une modeste
navigation. Ils vivaient principalement sur les bords de l'ancien golfe des
Pictons, et au milieu de ces îlôts sans nombre, bordés de canaux qui
partagent le sol couvert d'arbres. Le nom de cette race d'hommes, dont les ancêtres
remplacèrent probablement ces colons, qui, vers l'époque de la décadence de
l'Empire romain, furent une classe intermédiaire entre les hommes libres et
les esclaves, s'est perpétué jusqu'à nos jours sous le nom de huttiers. _
Aujourd'hui cette population, (1) D'après d'autres auteurs, les Colliberts
(huttiers) rappelaient par leurs yeux bleus et leurs cheveux blonds,
l'origine-scandinave des pirates, qui avaient envahi et occupé le pays au IXe
siècle ; dans leurs traditions persistait aussi le souvenir des Saxons de
Witikind, dispersés par Charlemagne dans l'Empire (Extrait de divers).
ENTREPRISE
DES BRETONS CONTRE LES . COTES DE VENDÉE. Dagobert venait de parcourir une partie de son
empire, y affermissant partout l'autorité royale, et de donner le royaume
d'Austrasie à son jeune fils Sigebert (633), lorsque les Gascons s'agitent,
se ruent sur la Novempopulanie, et mettent le pays à feu et à sang.' Une
nombreuse armée, formée surtout dans la Haute-Aquitaine et dans le Poitou,
marche à la rencontre des rebelles, leur inflige une sanglante défaite et une
paix humiliante. Mais à peine la paix était-elle conclue que
Dagobert, qui se trouvait dans sa résidence favorite de Clichy, apprit par
des leudes poitevins accourus en toute hâte, que le littoral; occidental de
notre département était pillé par des, troupes de Bretons. Montés sur des
frêles embarcations, les sujets de Judikaël avaient abordé les îles
vendéennes, les îlôts du golfe des Pictons, et par les rivières, remonté
jusque dans l'intérieur des terres qu'ils avaient ravagées, ainsi que les
châteaux (1) et les villages que possédait déjà dans notre pays la noblesse
mérovingienne (2). Le châtiment ne se fit pas attendre, ou plutôt la
réparation fut prompte. Saint Eloi fut envoyé vers le roi des Bretons, avec
mise en demeure de venir se justifier à Paris, sous peine de voir arriver
chez lui des troupes nombreuses qui le forceraient d'obéir. Judikaël accepta
tout ce que voulut l'ambassadeur du roi. Il s'engagea à réparer les pertes
causées aux fiefs du Bas-Poitou, et à faire restituer aux seigneurs tout ce
qui leur avait été pris. De plus il fut convenu (et c'était à quoi Dagobert
tenait le plus), que la Bretagne et son roi relèveraient désormais à titre
d'aveu du roi de France et de ses successeurs (3).
MALHEURS
PUBLICS A LA FIN DU VIe SIÈCLE. - CAUSES. Les populations étaient maltraitées et ruinées par
les vainqueurs avides de pillages Les riches leudes dans leurs châteaux, les
pauvres paysans dans leurs fermes n'étaient point à l'abri de ces avanies.
Ajoutons-y les intempéries des saisons, les calamités ordinaires qui en
naissent, les déceptions de l'agriculture, les ravages de la famine et de la
peste, et nous n'aurons qu'une faible idée de tant de revers...... Des redevances oppressives pesant sur le peuple et
variant selon les caprices du comte -des spoliations arbitraires des petits
par les grands, les champs ravagés par des bandes sans discipline levées à la
hâte le sol laissé par cela sans culture, les demeures rurales sans
réparation, des disettes, des inondations, les pestes inséparables de tant de
sang répandu, etc.... La civilisation, dont les progrès avaient été si
sensibles aux IVe et Ve siècles, faiblissait et s'arrêtait tout à coup devant
ces luttes barbares suscitées par l'ambition cruelle des grands " qui ne
trouvaient pour eux, dans la religion, qu'un moyen de défense, jamais un
assez puissant moyen de s'améliorer ". Les causes des malheurs que nous venons d'indiquer,
peuvent se résumer ainsi : désorganisation sociale causée par le mélange
forcé de races opposées par le caractère, vivant côte à côte sur le même sol
le peuple conquérant, aux moeurs violentes, ne vivant que de la hache et de
l'épée, et le peuple, envahi aux idées nobles et paisibles, ne se portant à
la guerre que malgré lui, supportant impatiemment le joug dé ces maîtres hautains.... Des familles romaines formant une aristocratie
élégante, mais jalouse aussi de sa prépondérance morale, et ne cédant pas
facilement à des parvenus qu'elle n'estimait que fort peu...(4)
ATELIERS
MONÉTAIRES BAS-POITEVINS Dès les premiers temps de la dynastie mérovingienne,
de nombreux ateliers monétaires se fondent en Poitou, et bien qu'en vertu
d'un usage germanique, les rois eussent seuls le droit de battre monnaie, il
arriva bientôt que les seigneurs et même les évêques se l'arrogèrent. Le plus ancien atelier monétaire établi en
Bas-Poitou (5) paraît être celui de Thiré (Theodericiacum), aujourd'hui
modeste bourgade du canton, de Sainte-Hermine. Il fut' l'un des plus actifs
du Poitou durant la période mérovingienne, et les légendes de cinq tiers de
sous d'or (vue siècle), . dont les dessins sont cidessous, permettent de
suivre les modifications successives que subit le nouveau nom du lieu avant
d'arriver à la forme moderne de Thiré.
Mais en général toutes les monnaies émises dans ce
pays entre la seconde moitié du vine siècle et les dernières années du XIIe
portent au revers le nom de Melle (6). Ceci n'empêcha pas d'autres ateliers
de fabriquer des monnaies dès l'époque carlovingienne, et sans entrer dans
des discussions techniques très ardues, il nous suffira de faire remarquer
qu'on trouve des monnaieries " à Fontenay, à Brillac, simple hameau de
la commune de Chaix, à Aizenay, à Montaigu, à Talmont, à la Chevrerie de
Vairé, car on peut dire qu'après le règne de Charles le Chauve, tout seigneur
un peu puissant eut le droit de battre monnaie. Il y a autant de systèmes
monétaires que' de petits états. D'abord les rois capétiens ne croient pas
pouvoir contester ce droit à leurs vassaux, mais bientôt ils travaillent à en
faire un droit exclusivement royal. Saint Louis se borne à décider que la
monnaie du roi aura cours dans tout le royaume, et comme sa monnaie est de
meilleur aloi, cette mesure est bien accueillie par le peuple. Enfin, c'est
seulement sous Philippe de Valois et Jean le Bon, que les rois s'arrogent
enfin le droit exclusif de battre monnaie. Le duc de Bretagne est le seul qui
gardera cet attribut de la souveraineté, et encore Charles V lui fera défense
de mettre son nom sur les monnaies. Après l'expulsion des Anglais, Charles VII établit
l'un de ses ateliers monétaires à Fontenay-le-Comte (7), un second à
Montaigu, et un troisième à Aizenay, mais ces ateliers de circonstance,
abandonnés depuis la fin du Xe siècle, fonctionnèrent fort peu de temps (8). Monnaies trouvées à
la Bogisière de St-Michel-le-Cloucq, au commencement du Monnaie frappée au
vile siècle à Déas, où furent déposés provisoirement (1) Sadragésiles, gouverneur de l'Aquitaine en 613,
possédait en Bas-Poitou, plusieurs châteaux et des salines (Du Tressay), Tome
I, page 57. (2) C'est sur ces entrefaites que Dagobert fit
enlever les portes de bronze de Saint-Hilaire de Poitiers qui, par la beauté
de l'ouvrage, étaient d'une valeur inestimable, pour les faire porter à
Saint-Denis, qu'il honorait d'une dévotion toute particulière. (3) Auber (Tome I, pages 331 et 363). (4) Extrait de l'Histoire du Poitou, par l'abbé Auber.
T. n,. pages 147, 180 et 181. (5) Si l'on en croit l'abbé Aillery (fouillé du
diocèse de Luçon, XVI), des monnaies gauloises auraient été frappées à Luçon,
probablement sous Auguste. (6) En 845, Charles le Chauve qui, le premier, mit
sur les monnaies la formule " Roi par la grâce de Dieu " - "
Gratia Dei Rex ", qui se perpétua jusqu'à la fin de la Monarchie, publia
à Pitres un édit, clans lequel il fixait à dix le nombre des ateliers
monétaires royaux, au nombre desquels se trouvait Melle. L'or, si commun dans
les monnayages gaulois et mérovingien, cesse d'être employé l'argent lui
succède, les pièces s'amincissent et leur flanc s'élargit ; les têtes royales
disparaissent, ainsi que les noms des monétaires, et sont remplacées par le
nom du souverain. - Les seules espèces alors en usage sont le denier (valant
environ 3 fr. 50 d'aujourd'hui), et le demi-denier ou obole. Le type
monétaire carolingien est fort simple; pour tout ornement, il porte une croix
aux quatre branches égales, légèrement bifurquées à leurs extrémités, et pour
légende le nom du roi : au revers on lit le nom du lieu où la pièce est
frappée. (Histoire de France pour tous, par Bordier et Charton, pages 225 et
226). (7) D'après le numismate Poey d'Avant, Fontenay
aurait été pourvu d'une nouvelle officine monétaire entre 1361 et 1372,
époque de la reprise de cette ville par Duguesclin. Cet atelier occupait,
dans la rue de la .Fontaine, l'emplacement actuel de l'Hôtel du Cerf. - Ci à
côté le dessin d'une monnaie à l'effigie du Prince noir et frappée à
Fontenay-le-Comte. (8) Une note publiée parle comte du Castellane dans
le Bulletin de numismatique, T. III, pages 177 et 178, établit qu'un atelier
monétaire aurait 'été ouvert à Fontenay à la fin de 1420 ou au commencement
de 1421, et qu'il aurait cessé de fonctionner en 1430. - L'existence de cet
atelier est constatée dans un document original trouvé par M. Planchenaut en
Angleterre, à Cheltenham, dans la bibliothèque (le Sir Thomas Philippe. - Le
comte de Castellane attribue à Fontenayle-Comte les pièces présentant le
style des monnaies de la Rochelle et portant un C (cursive gothique), sans
aucun point d'atelier. (Bulletin des antiquaires de l'Ouest, année 1896, page
377.). OBSCURITÉS
DE L'HISTOIRE. - ROLE DE L'ÉGLISE. -ÉLÉVATION DU BAS-POITEVIN LEUDASTE Pendant les années qui s'écoulent entre la mort de
Clotaire 1er (561) et les invasions sarrazines, on pourrait même dire et
l'avènement de Charlemagne, un voile, épais couvre l'histoire de notre pays.
C'est à peine si Grégoire de Tours, Fortunat, le poète favori de
Sainte-Radégonde et Adatius, plus connu sous le nom d'Aimoin, et Frédégaire,
nous ont laissé quelques notes isolées, sur ce qu'ils ont pu voir ou relire,
soit dans les chroniques de leur temps, soit en quelques devanciers inconnus. Pendant cette époque de décadence et de profonde
obscurité, le triomphe de l'aristocratie sur la royauté, augmente le chaos
les vertus primitives des Francs dissiminés au milieu des gallo-romains du
Bas-Poitou se perdent : la classe des hommes libres diminue, et les petits
propriétaires dépouillés par les grands sont réduits pour la plupart à l'état
de tributaires. Au, milieu de ce trouble moral et matériel, l'Eglise
devint pour ainsi dire le seul asile des lettres et des sciences. Au clergé
était exclusivement confié le dépôt sacré des lumières. Les couvents étaient alors des bibliothèques
immenses qui nous conservèrent les trésors de la littérature païenne. Les
chefsd'oeuvre de l'antiquité se fussent perdus au milieu de l'inondation des
peuples barbares, si le cloître ne les eut recueillis et renfermés dans son
inviolabilité. Au vite siècle, les écoles diocésaines- et
monastiques de Poitiers (1), de Ligugé, de Saint-Maixent, de Nouaillé et d'Ansion
(aujourd'hui Saint-Jouin-des-Marues) étaient florissantes. Ansion vit sortir
de ses cloîtres plusieurs évêques et des abbés qui, à l'exemple de saint
Fortunat, cultivèrent les belles-lettres. L'Église fut aussi le dernier refuge contre
l'oppression. Le clergé, protecteur naturel du peuple, sorti de ses rangs,
abolit l'esclavage dans les terres que la libéralité des rois lui concéda. Sa
hiérarchie, son. organisation admirablement propres au développement du
talent, ne furent qu'une longue protestation contre le privilège, l'ignorance
et la force brutale. Elle prit les serfs sous sa protection et les conduisit
peu à peu à la liberté. Les affranchissements se multiplièrent aidés par la
religion et par la loi (2) et l'affranchi ne trouva même pas devant lui de
barrières infranchissables pour arriver aux plus hautes fonctions de l'état,
ainsi que cela 'se produisit pour Leudaste. Leudaste naquit dans la villa royale de Traîne,
située près du bourg de Grues, au lieu où s'éleva plus tard le prieuré de
Saint-Hilaire. Fils d'un certain Léocadius, esclave du vigneron préposé à la
culture de la terre du fisc, cet homme que Grégoire de Tours peint sous de si
sombres couleurs, et qui devait être un jour pourvu des plus hautes dignités,
commença par être marmiton dans la cuisine du roi.. Mais, ajoute un
biographe, comme il avait dans sa jeunesse, des yeux chassieux qui
s'accommodaient mal du piquant de la fumée, il passa du pilon au pétrin. Tout
en paraissant se plaire au milieu des pâtes fermentées, il s'enfuit et quitta
le service. Il fut ramené deux ou trois fois ; niais attendu qu'on ne pouvait
le retenir, on le punit en lui coupant une oreille. Puis, comme il n'était
aucune puissance capable de cacher la note d'infamie imprimée à. son corps,
il s'enfuit auprès de la reine Marcovière, que le roi Charibert, par un excès
d'amour, avait admise dans son lit, à la place de sa sœur (3). Elle le
recueillit avec bonté, l'avança et lui confia la garde de ses meilleurs
chevaux. Dès lors, tourmenté par la vanité, toujours avide d'élévation, il
ambitionna le titre de comte des étables (4) et, l'ayant obtenu, il n'eut
plus que du dédain et du mépris pour tout le monde. Enflé d'orgueil, livré à
tous les plaisirs, enflammé de cupidité, partisan dévoué de la reine, il
s'entremit de côté et d'autre pour les intérêts de sa protectrice. Après sa
mort, engraissé de butin, il offrit des présents au roi Charibert, et obtint
d'exercer auprès de lui les mêmes fonctions. Ensuite, pour les péchés du
peuple, il fut nommé comte à Tours. Là il affecta encore plus l'insolence
d'une haute dignité ; là il se montra rapace pour le pillage, arrogant dans
les querelles, ignoble par ses adultères et par son talent à faire naître la
discorde et à semer la calomnie ; il y accumula d'immenses trésors. Après la
mort de Charibert, cette ville étant entrée dans le partage de Sigebert,
Leudaste passa du côté de Chilpéric, et toutes ses richesses injustement
amassées, furent pillées par les fidèles de Sigebert. Quand le roi Chilpéric
envahit la ville (le Tours, par les armes -de Théodebert, son fils,' j'étais
déjà arrivé à Tours ; Leudaste me fut vivement recommandé par Théodebert,
pour recouvrer le comté qu'il avait eu auparavant. Il se faisait devant nous
humble et soumis, et jurait souvent sur le tombeau du saint évêque, que
jamais il n'agirait contre les lois de la raison, et que, pour mes intérêts
particuliers comme pour les besoins de l'Eglise, il me serait toujours
fidèle. Il craignait ce qui arriva en effet, que le roi Sigebert ne remit la
ville sous son obéissance. A sa mort, Chilpéric en étant redevenu le maître,
rendit le comté à Leudaste ; mais quand Mérovée vint à Tours, ce prince pilla
toutes ses richesses. Pendant les deux ans que Sigebert avait été maître
de Tours, Leudaste s'était tenu caché en Bretagne. Quand il fut en possession
de son comté, comme je l'ai dit, il s'enfla d'un si vain orgueil, qu'il
entrait dans la maison de l'église, couvert de son corselet et de sa
cuirasse, armé d'un carquois, une lance à la main et le casque en tête, ayant
tout à redouter de chacun, parce - qu'il était - l'ennemi de tout le monde.
Si en siégeant comme juge avec les principaux du pays, soit clercs, soit
laies, il voyait quelqu'un soutenir son droit, aussitôt il entrait en furie,
et vomissait des invectives contre, les citoyens. dl faisait entraîner les
prêtres par des menottes et frapper les soldats à' coups de bâton :. enfin,
telle était sa cruauté, qu'on ne saurait l'exprimer en paroles. Au départ de
Mérovée, qui avait pillé son trésor, il se fit mon dénonciateur, assurant
faussement que c'était par notre conseil que Mérovée lui avait enlevé ses
richesses. Mais après nous avoir fait bien du mal, il nous réitéra ses
serments, et jura, sur la couverture du tombeau de saint Martin, qu'il ne se
montrerait jamais notre adversaire. (histoire ecclésiastique des Francs ; tradition de
MM. J. Guadet et Taraune). Après maintes autres aventures, dont Grégoire de
Tours s'est complu à faire le récit (5), Leudaste finit par tomber en
disgrâce, à la suite de propos inconsidérés tenus contre Frédégonde, et par
être traqué comme une bête fauve. Arrêté enfin en 583, sur l'ordre de la
reine, il fut conduit dans une villa du fisc, à demi mort déjà d'une blessure
reçue en se défendant contre les soldats chargés de mettre la main sur lui. Quelques
jours après on lui broya la gorge avec une poutre, à la grande satisfaction
de ses nombreux ennemis (6). (1) A la fin du via siècle, les études étaient
encore assez complètes à Poitiers, pour durer six années. A Ligugé on
s'occupait de l'enseignement et de la transcription des manuscrits. (2) Etudier les formules d'affranchissement dans
Marculfe. (3) Marcovière était fille d'un cardeur de laine.
Merland -Biographies vendéennes. T. III, page 475. (4) Titre qui fut, depuis, le premier dans l'ordre militaire,
sous celui de connétable. Alors c'était comme une intendance sur toutes les
écuries d'un roi ou-d'une reine : et, déjà on le voit par ce passage, cette
charge était regardée comme importante. (5) Histoire ecclésiastique des Francs, livre v, 49
et 50 et livre VI, 32. (6) La vie de Leudaste fait le sujet des 5e et 6e
Récits des temps Mérovingiens d'Augustin Thierry.
BATAILLE
DE POITIERS (732) Les successeurs de Mahomet, excitant le fanatisme de
leurs soldats, avaient franchi les Pyrénées. Battus d'abord par Eudes, duc
d'Aquitaine, sous les murs de Toulouse (1), ils n'en pénétrèrent pas moins
jusqu'au cœur de la France. Eudes, qui avait pourtant de sérieux griefs
contre Charles, maire du palais, sacrifia alors ses ressentiments et l'appela
à son secours, ainsi que le commandait l'intérêt de la patrie. Dans les derniers jours d'octobre 732, l'armée du
maire d'Austrasie joignit près de Poitiers l'armée des Sarrazins. Celle-ci
était supérieure en nombre. Charles avait à combattre â la fois la terreur
qu'inspirait une longue suite de triomphes, la surprise des soldats à la vue
de ces barbares, leur adresse, leur ruse et leur art de faire la guerre
jusqu'alors inconnus à l'Europe. Son génie et son courage surmontèrent tous
ces obstacles. Il range son armée en bataille, et, sûr de ses Francs et de la
trempe de son épée, il donne le signal de l'attaque. Mais Eudes, qui s'était
mis en embuscade avec ses bataillons composés en grande partie de Poitevins,
sort de sa retraite, fond sur les barbares et coupe leur armée en deux. Cette
irruption fut le signal du carnage on combattit un jour entier, depuis le
lever du soleil jusqu'à la nuit. Le sang des Sarrazins ruissela par torrents,
et Abel-Rhahman, leur chef, périt avec ses plus vaillants soldats. Cette
victoire, qui valut à Charles le nom de Martel, sauva la chrétienté du
fanatisme des Musulmans et décida du sort de la France et de l'Europe. On n'a
rien dit de trop en proclamant le moment où les Francs et les Arabes se
trouvèrent en présence l'un des plus solennels des fastes du genre humain (2)
". Parmi ceux échappés au désastre, quelques-uns,
rétrogradant vers le midi, viennent jusque dans la Vendée, détruisent
l'abbaye de Noirmoutier et s'établissent pendant quelque temps près de
Mareuil, non loin duquel un gué conserve encore le nom de Pont des Sarrazins. Dans l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm, si l'on en
croit Ermentaire, on priait nuit et jour pour le succès des armées de Eudes,
auquel les moines avaient envoyé de puissants secours en hommes et en argent.
Quoi qu'il en soit, plus heureux que leurs frères de Noirmoutier, ils eurent
la consolation de voir du haut des murs de leur monastère, les navires des
Musulmans fuyant à toutes voiles vers le midi. Les moines demeurèrent fidèles
à leur protecteur resté sans Etat, et lorsque la mort vint le surprendre en
735, ils lui firent de magnifiques funérailles dans leur monastère de l'Ile
de Ré, où on devait, en 1730, retrouver le tombeau de l'infortuné et vaillant
duc d'Aquitaine. Eudes portait encore sur la tête une couronne ducale en
cuivre doré, ornée de pierreries et surmontée de quatre fleurons rappelant un
peu la forme de la fleur de lys (3). (1) A, la suite de cette défaite, sa fille Lampagie,
mariée à Manuza, gouverneur de la Catalogne, fut prise et envoyée par Abdéram
à Damas, dans le, sérail' du calife. (Thibaudeau. T, i, page 496. (2) Histoire de France pour tous, par Bordier et
Charton, page 152. (3) Louis Brochet. - Histoire de l'abbaye royale de
Saint-Michel-en-l'Herm. Le monastère de 1'11e (le Ré fut détruit par les Normands,
un siècle après sa fondation. - La principale pierre précieuse qui ornait la
couronne ducale était une turquoise.
LES
RELIGIEUSES - DE SAINTE-CROIX DE POITIERS SE RÉFUGIENT A JARD. CURIOSITÉS
GÉOGRAPHIQUES " Les religieuses de Sainte-Croix de Poitiers,
dont la basilique était hors de l'enceinte fortifiée de Poitiers, restèrent
dans leur couvent tant qu'Abdel-Rahman demeura au-dessous de la Charente ;
mais quand elles apprirent qu'il arrivait pour piller le sanctuaire du grand
saint Hilaire et celui de saint Martin de Tours, elles songèrent à dérober
par la fuite, aux mains des sectateurs de l'Islam, les restes vénérés de leur
fondatrice. Une seule route leur était ouverte, celle des petits ports de
l'Océan, où elles pouvaient avoir la ressource de s'embarquer, si l'invasion
pénétrait jusque dans le pays d'Herbauges. Elles prirent le Chemin des
Sauniers, se dirigeant sur Jard qui, s'il ne faisait pas partie de leurs
domaines, dépendait du fisc royal. Ce Chemin des Sauniers, bordé tout le long de son
parcours de localités d'origine fort ancienne, ne semble point, dès le
principe du moins, avoir été créé dans un but stratégique, mais pour
faciliter le transport d'une denrée de première nécessité, telle que le sel. Dans sa traversée du Bas-Poitou, on lui donna, au
moyen âge divers noms : tantôt on l'a appelé le chemin de la Bissexte, tantôt
celui des Mulets; près des Magnils-Reignier, proche de Luçon, il devient le
chemin des Treize-Pas, en souvenir de sa largeur première. A quelque
distance. de là, c'est le chemin de Sainte-Ragond, parce qu'il longe les murs
de l'ancien prieuré de sainte Radégonde des Cagoules (1), situé dans la
commune de la Bretonnière. Selon toute probabilité, les religieuses de
Sainte-Croix durent Anneau de sainte
Radégonde, reine de France. dont la fête du 27 octobre Possédé par Mme
Charier-Fillon Mais ce n'est pas tout; d'autres indices
géographiques sont encore à signaler. Vis-à-vis de la Claye, de l'autre côté
du Lay, sont les débris d'une petite chapelle' dédiée à sainte Aigne, dans
laquelle on reconnaîtra sainte Agnès, la première abbesse de Sainte-Croix,
l'amie, la confidente de ta femme de Clotaire (3). Une lieue plus loin,
toujours sur la même voie, au point ou se joignent les territoires des
paroisses de Saint-Cyr, de SaintBenoît-sur-Mer et de la Jonchère, sur
l'escarpement de la rive gauche du ruisseau de la Bonde, est un champ appelé
dans les vieux actes (4)le Cahu Saint-Tragon, bienheureuse qui, malgré la
forme masculine de son nom, n'est autre que la sainte Ragonde du langage
populaire (5). (1) Cagoule, coiffure de cagous, sorte de gueux qui
fréquentèrent beaucoup le Poitou au moyen âge. (2 class="note") Sainte Radégonde, étant
morte le 12 août 587 il s'agit évidemment des cendres de la défunte, portées
par les religieuses de Sainte-Croix. (3 class="note") Une métairie, dite de
Sainte-Agne, où était une vieille chapelle. est placée dans le bourg des
Magnils, sur la même voie, près de son point d'intersection avec le Chemin de
Saint-Gilles, conduisant autrefois de Luçon à ce dernier port, et remplacé
aujourd'hui par le chemin de G. C. n° 56. A petite distance du Chemin des Sauniers,
non loin d'Ardin (Deux-Sèvres), se voit aussi un autre oratoire dédié à
sainte Agnès, près duquel est une fontaine qui donne, dit-on, du lait aux
nourrices. (4) Arrentement, par l'abbé. de Talmond, du Champ de
la Bonde, proche le Cahu Saint-Tragon, à Richard-Farry (4 Juin 4475). Le Cahu
Saintragon (sic), dans une autre pièce du 22, septembre 1622. (Papiers du
prieuré de la Gillerie de Saint-Cyr.) (5) Extrait de Poitou-Vendée, (Jard, par de
Rochebrune et Fillon.)
FUSION
DES RACES. - ARTS ET MONUMENTS Vers la fin de la dynastie mérovingienne, la fusion
des races était déjà très avancée dans le Poitou. Dans ce pays, la
civilisation gallo-romaine avait gardé de profondes racines, et les Francs y
montraient moins de répugnance à admettre les éléments du passé dans
l'organisation nouvelle. Néanmoins, on a peu construit à l'époque franque, ou
du moins rien qui fut original ou de durée. Entre les murailles monumentales
de l'époque romaine et celle de l'âge féodal, les cinq-cents ans de la domination
germanique semblent n'avoir rien fondé dans notre pays. La plupart des
églises, des monastères et des forteresses qui furent élevés à cette époque
ont dût être reconstruits depuis. Il n'y a guère été fait exception en
Vendée, que pour le fort de Saint-Georges-de-Montaigu, dont il subsistait
encore des traces au commencement de ce siècle (1). Le monde franc vivait sur
les dernières épaves de la civilisation romaine Charlemagne, pour orner de
colonnes son palais d'Aix-la-Chapelle, était obligé de dépouiller les
monuments de Rome et de Ravenne. Lorsqu'en 752, Pépin, luttant contre le malheureux
Waifre, duc d'Aquitaine, acheva de briser la couronne des rois mérovingiens,
l'Aquitaine seule se souleva au milieu de ses ruines, pour, protester contre
l'usurpation des maires du palais, et contre la réaction germanique. L'histoire offre peu d'exemples d'une résistance
aussi énergique et aussi longue.. Elle dura pendant tout le règne de Pépin,
et ne succomba que devant le génie et la puissance de Charlemagne. Le Poitou fut alors le théâtre d'une guerre
acharnée. Poitiers fut pris et repris, et les vieux chroniqueurs parlent
alors pour la première fois du château de Thouars, qui était à cette époque
le plus fort de tous les châteaux d'Aquitaine (2). (1) Voir le dessin au chapitre V. (2) " Thoarciis castrum, quo in Aquitania
firmior non erat destruxit " Annales Mettenses, Recueil de Dom Bouquet.
LES
CARLOVINGIENS Les Chartes de cette époque (Charlemagne pour le
Poitou, comme pour le reste de la France), reproduisent les anciennes
formules et montrent qu'il n'y eut de changement dans l'organisation
administrative et judiciaire, que pour la relier plus fortement au pouvoir
central (1).. Par une contradiction qu'offrent fréquemment les révolutions,
la nouvelle dynastie, née de la réaction germanique, appuya surtout son
gouvernement sur la centralisation, et contint énergiquement l'esprit
d'indépendance. L'institution des missi dominici (2) fut un des plus
puissants moyens qu'employa Charlemagne pour maintenir l'unité dans son
gouvernement. Il envoya en Aquitaine le comte Richard et l'évêque Wilbert,
qui firent cesser les envahissements et rétablirent l'ordre dans les finances
de Louis, roi d'Aquitaine. (1) Plaïd tenu par le comte Abbon, â Poitiers, en
781. - Notice d'un jugement rendu à Poitiers en 791, par le comte Abbon,
assité d'Aldebald et d'Hermingard, envoyés du roi. (Dom Etiennot).
-.Manuscrit de Dom Fonteneau, Du Fougeroux. - Le Poitou sous la domination Carlovingienne. (2) Hauts fonctionnaires envoyés dans la province,
avec mission d'inspecter les agents locaux, de leur retirer leur charge si
-c'était nécessaire, et de réformer les abus. Ces hauts fonctionnaires
étaient pris surtout dans le sein du clergé. Leur présence est signalée pour
la première fois en Bas-Poitou en 814. Sous Charlemagne, la police des
rivières et des routes, dont plusieurs conservent son nom à Sigournais, à
Chantonnay,, et dans les environs de Talmont, fut assurée ; les voies publiques
durent être entretenues par les comtes. Après lui, le réveil de l'industrie
Guizot a pu dire avec raison que du Ve au Xe siècle,
le règne de Charlemagne est la seule époque où l'existence des grands
propriétaires (1) et leur pouvoir dans leurs domaines aient vraiment subi
avec quelque régularité le pouvoir royal. Il faut placer à cette époque la
création des. vicomtes, des viguiers et des scabins. A la place du tribunal,
où les hommes libres se jugeaient entre eux, Charlemagne établit des juges
nommés scabins (scabini), fonctionnaires de l'État, chargés de juger sous la
présidence du viguier (vicarius) (2), dans la circonscription rurale de
l'ancienne décanié, qui prit alors le nom de viguerie. Filleau (3) a trouvé
dans le Poitou quatre-vingt-quatre vigueries. De la Fontenelle, dans son
savant travail sur les Vigueries du Poitou, en compte un peu moins. Au-dessus
des viguiers fut placé le vicomte, vicecomes, chargé de remplacer le comte,
et venant immédiatement après lui. Le Poitou eut quatre vicomtes : le vicomte
de Thouars, le vicomte de Châtellerault, le vicornte de Melle et le vicomte
d'Aunais. A la fin du règne de Charlemagne, lorsque les Normands commencèrent
à paraître, le pays d'Herbauges, qui comprenait presque tout et du commerce
eut le méme sort que le' réveil des lettres et des arts. Lé règne de
Charlemagne, pour toute la vie sociale, est un temps de repos entre deux
anarchies, un rayon de lumière entre deux barbaries. le littoral (1), fut
érigé en comté, pour qu'il y eut toujours un chef militaire prêt à agir dans
la portion du pays la plus menacée par l'invasion; mais les comtes
d'Herbauges restèrent cependant dans une situation inférieure à celle des
comtes de Poitou. (1) Charlemagne était grand propriétaire lui-méme,
et il attachait. une si grande importance à la bonne administration de ses
innombrables villas qui occupaient environ la quinzième partie du territoire
et formaient tout son revenu, qu'il rédigea lui-même, sur ce sujet, une
ordonnance en soixante-quinze articles (capit. de Villis, vers 789.) Histoire
de France pour tous, page 195. (2) Le nom de vicarius paraît du temps des
Wisigoths.: mais à cette époque c'était surtout une charge militaire. - Le
vicarius commandait à mille hommes. (3) Mémoire de la Société' académique de Poitiers.
Le Poitou eut des comtes particuliers sous les rois
de la race mérovingienne. Charlemagne en établit aussi et les mit sous la
domination du duc d'Aquitaine, qui était alors comte de Toulouse. Mais les comtes de Poitiers ne tardèrent pas à
partager le premier titre avec eux ; car, en 846, Charles le Chauve nomma
Ranulfe 1er, comte de Poitiers, duc d'Aquitaine, en plaçant le Poitou,
l'Angoumois et la Saintonge dans sa juridiction. Lorsque Hugues Capet eut usurpé le trône, les comtes
de Poitou, toujours ducs d'Aquitaine, étendirent leur autorité sur l'Aunis et
le Limousin. Eudes, fils de Guillaume III et d'une fille de
Sanche - Guillaume, duc de Gascogne, eut en héritage ce dernier duché, Est, à
son avènement au comté de Poitiers, en 1038, le remit à celui d'Aquitaine. On
sait comment, par le mariage d'Eléonore avec Louis VII, puis avec Henri II,
roi d'Angleterre, le Poitou et l'Aquitaine passèrent en ces deux maisons,
Philippe-Auguste les confisqua en 1201 sur Jean-sans-Terre. Le traité de 1250
céda définitivement le Poitou à . la France. Donné par Louis IX à son frère Alphonse, il fut par
la mort de celui-ci, réuni pour la seconde fois à la couronne. .Conquis de
nouveau par les Anglais, le traité de Bretigny (1360) leur en assura la
possession, jusqu'au moment où Charles V le reprit pour constituer un apanage
à son frère Jean, duc de Berry, à la mort duquel Charles VI le donna aussi à
Jean, son fils. Celui-ci étant mort sans enfants, le Poitou revint-
définitivement à la couronne. L'histoire des comtes de Poitou étant presque
continuellement confondue avec celle des dues d'Aquitaine, et le numéro
-d'ordre de ceux qui portent le même nom variant selon qu'on les compte pour
le Poitou ou pour l'Aquitaine, leur chronologie devient quelque peu difficile
à débrouiller. Dans celle qui va suivre, nous indiquerons, comme le font les
auteurs de l'Art de vérifier les dates, ceux qui étaient en même temps ducs
d'Aquitaine, en faisant observer, qu'à l'égard des Guillaume, il y a lieu
d'augmenter de deux unités le chiffre de leur rang comme ducs d'Aquitaine.
Ainsi, Guillaume 1C, de Poitou est Guillaume III d'Aquitaine et ainsi de
suite, jusqu'à Guillaume VIII, qui se trouve Guillaume X d'Aquitaine.
(1) Dufour. La Fontenelle. - Doué, placé sur les
confins de l'Anjou et du Poitou, et dont la construction remontait aux
Wisigoths, fut le principal séjour de Louis le Débonnaire qui, en 818, rit
commencer: les levées de la Loire, continuées au XIIe siécle par Henri
d'Angleterre, enfin achevées sous Louis XII. (2) Un Begon fut comte pendant quelques années. (3) Extrait des monnaies seigneuriales Françaises,
par Poey d'Avant, pages 94-95.
Les Ducs étaient surtout chargés de commander les
troupes, tout en laissant à la garde des frontières et à l'administration
civile et judiciaire, les comtes et les officiers de leur dépendance. Ceux-ci
avaient en outre l'intendance des finances et la direction des ateliers
monétaires de la province dont nous parlons ailleurs. - Les comtes du Poitou,
ainsi que nous l'avons vu, furent mis par Charlemagne sous la domination du
duc d'Aquitaine, qui était alors aussi comte de Toulouse. Néanmoins, les comtes de Poitiers ne tardèrent pas à
partager les premiers titres, et à être les vrais maîtres du Pagus ou Civitas
pictavensis. Mais ce grand pays était trop vaste, pour qu'à
l'exemple de l'administration religieuse, et même simultanément à elle, le
gouvernement ne cherchât pas à simplifier ses rouages par des subdivisions
indispensables. Alors on créa des pagus minores, qui en Bas-Poitou, portèrent
les noms de pagus de Mervent, Herbauges, Tiffauges et Thiré.
LES
VIGUERIES DU BAS-POITOU. - DIVISIONS OU Après le démembrement du pagus de (Mairevant), il-
exista une viguerie au même lieu, à partir de 971, une à Chantonnay en 975.
Une autre fut créée aussi à Talmont et à Brane (Bram, Bran), (Brandois n'est
plus aujourd'hui qu'un point de la côte qui a donné son nom à deux communes :
Saint-Nicolas et SaintMartin-de-Brem). Le document le plus important ayant
trait à cette viguerie est de 1020, contenant don par Adhémar, au monastère
de Saint-Cyprien de Poitiers, `de biens au pays d'Herbauges dans la viguerie
de Bram et de Talmont. Fontenay est mentionné entre 4029 et 1031 comme
chef-lieu de viguerie (1). Dès cette époque Fontenay possédait un château.
Les vigueries (vicaris de vicus, bourg considérable) furent donc placées dans
les centres importants et eurent sous leur autorité les villages ou paroisses
renfermées dans leurs limites. Au XIe siècle l'institution commença à décliner .par
suite de la formation d'un plus' grand nombre de vicomtés, dont les
titulaires, devenus héréditaires et plus indépendants, administrèrent la
justice et les autres choses de leur ressort par des prévôts et autres
agents. Au VIIIe siècle, dit Auber, le Bas-Poitou comprenait
au point de vu religieux l'archiprêtré de Pareds, les doyennés de Mortagne et
de Saint-Laurent-sur-Sèvre, qui relevaient de l'archidiaconé de Thouars ; les
doyennés de Fontenay, ou plutôt de Saint-Pierre-du-Chemin, Mareuil et
Talmont, qui relevaient de l'archidiaconé de Briançay, autrement dit Brioux. (1) Il s'agit dans l'espèce d'un don fait à l'abbaye
de Saint-Cyprien de Poitiers par Guillaume le Gras, due d'Aquitaine, d'une
pécherie située dans la viguerie de Fontenay. Fontenay avait alors comme
viguier Ingelelme de Veluire, Veluire faisant alors partie de cette
circonscription administrative (Archives de Fontenay, T. I, page 31.
FIDÉLITÉ
DU POITOU AUX RÉGIMES DÉCHUS Le Poitou avait combattu pendant cinquante ans pour
maintenir sur le trône les descendants de Clovis lorsque le dernier
représentant de la première race eut disparu, il s'attacha à la seconde,
resta fidèle à Charles le Simple dans sa mauvaise forturie, repoussa Eudes,
Robert et Raoul, et résista longtemps à Huges Capet lui-même (1). Les historiens
n'ont pas assez remarqué cette loyale fidélité qui, dans nos contrées, resta
inébranlable à toutes les époques; nous y trouvons aussi une nouvelle preuve
de. la fusion plus rapide des qualités de chaque race dans notre Poitou. Le
respect de l'autorité et l'amour de l'ordre et de la régularité étaient dans
les traditions romaines ; le dévouement chevaleresque, la fidélité et
l'attachement à la personne du chef étaient dans les mœurs des, Francs. La
réunion, de ces qualités, se retrouve dans les sentiments de, toute, la
France au, moyen âge ; elle s'était développée plus vite et plus rapidement
dans notre province. Elle y a mieux résisté aussi à l'épreuve du temps, et la
royauté Au vieux droit, à une époque peu éloignée de nous, a trouvé encore
ses plus énergiques défenseurs dans le Poitou et sur les champs de bataille
de l'héroïque Vendée(2). (1) Dom Bousquet. - Recueil des historiens de
France. - Auber. (2) Du Fougeroux. |
Histoire
de la Vendée , du Bas Poitou en France |
http://www.histoiredevendee.com/ch8.htm
Histoire
de la Vendée, du Bas Poitou, en France
CHAPITRE VIII LE BAS-POITOU SOUS LES WISIGOTHS
|
CHAPITRE
VIII Au milieu du débordement de peuples barbares dont nous avons parlé dans un
précédent chapitre, Honorius essaya d'apporter quelques remèdes aux maux qui
déchiraient le pays. En 419(1) il abandonnait à Vallia, successeur
d'Ataulphe, roi des Wisigoths, l'Aquitaine seconde, dont faisait partie la
Vendée actuelle ou Bas-Poitou. Ainsi tomba la domination romaine dans notre
pays après cinq-cents ans d'existence. Mais après sa chute elle y laissa
néanmoins des traces profondes, et une civilisation dont nous retrouverons
l'influence sous les Wisigoths et sous les rois Francs de la première et de
la seconde race. Les Wisigoths. maîtres du Poitou, prirent sans y rien changer les
institutions décrépites et l'administration désorganisée qui existaient à
leur arrivée. Le Poitou conserva ses divisions territoriales, ses pays, sa
cité ; les tribunaux, les administrations, les municipes, tout resta dans le
même état. Les cités et leurs curies se relevèrent plus florissantes que sous
les derniers empereurs. Mais les populations poitevines avaient une haine profonde contre les
Wisigoths, qui leur avaient enlevé les deux tiers de leurs propriétés, et qui
les persécutaient dans leurs croyances religieuses. Malgré l'arianisme, en grand honneur chez les nouveaux conquérants,
l'église catholique continue, dans le Poitou, à développer ses moyens
d'action. Dans la cité de Poitiers elle a son évêque, dans les papi ou "
pays " elle commence à avoir ses curés ", là comme ailleurs, elle
puise dans son mode électif, une force et une popularité qui manquent à
l'administration laïque. Les évêques poitevins, tantôt comme saint Martin, apportent du fond du
monastère, le prestige d'une vertu surhumaine, tantôt comme saint Hilaire,
empruntent à l'illustration de leur famille, un éclat aristocratique qui
n'était pas sans action sur le peuple. Dans les derniers temps, les rois Wisigoths fixèrent à Poitiers leur
principal séjour et firent du Poitou le centre de leur puissance. Alaric II construisit à Poitiers l'enceinte fortifiée dont les débris
subsistent encore et attestent l'art que les Wisigoths avaient appris à
l'école des Romains. Mais la puissance des Wisigoths, qui semblaient aspirer à la prépondérance
dans le pays, n'offrait en réalité qu'une grandeur factice ; ce peuple
n'avait pu y prendre racine, l'hérésie d'Arius qu'il professait le plaçant
dans un état continuel d'hostilité visà-vis des populations gauloises
attachées à la foi catholique (2). Le clergé, dont l'influence s'était
justement accrue dans les derniers temps, par le rôle de médiateur que son
caractère lui donnait, entre la barbarie des vainqueurs, et la civilisation
des vaincus, entretenait ces répulsions et cherchait dans un peuple jeune
encore, et d'un heureux caractère, la docilité aux dogmes de l'Église latine.
Clovis, avec sa petite tribu, n'eut qu'à, se laisser conduire. Là est toute
la raison de ses nombreuses victoires, l'explication de son agrandissement
soudain : les sympathies de toute la Gaule convergèrent de son côté, et de
merveilleux secours vinrent en aide à celui dont les évêques avaient bénit
l'épée. Un mot d'ordre court dans toute la Gaule; une main invisible prend par la
main Clovis le païen, et devant ses pas, aplanit tous les obstacles.
Les reliques de saint Martin de Tours se sont déclarées pour Clovis ; de
la cathédrale de St-Hilaire de Poitiers , une lueur mystérieuse éclaire sa
marche, une biche blanche lui a indiqué le gué de la Vienne. Il marche à la
victoire entouré d'un cortège de miracles, et bientôt, la puissante
confédération armoricaine, les Mauges, les régions alpestres de la Vendée qui
avaient résisté à tous les efforts des hordes barbares, se soumettent à
Clovis presque sans combat (3). (1) A cette époque vivait un poète qu'on appelle le dernier des
païens, et dont nous avons encore de jolis et méme de beaux vers, qui furent
composés en 420. - Ce poète est Antilius Numatianus, né à Poitiers, qui
exerça l'office de préfet de Rome et qui décrivit, avec un rare talent, son
admiration pour les splendeurs de la cité antique. (II. de France pour tous,
page 103.) (2) Brunehaud, fille du roi wisigoth Athanagilde, et dont un
auteur a dit " qu'elle fut sage du vivant de son époux, coquette dans
son veuvage, et débauchée dans sa vieillesse ", dut renoncer a
l'arianisme pour, en 561, se marier avec Sigebert, roi d'Aquitaine. (3) Rambaud. - Histoire de la civilisation française (T. i,
page 75). LES
MÉROVINGIENS (507-752) DIVISION DE LA PROPRIÉTÉ La nation des Francs étant peu nombreuse, même après la réunion de toutes
les tribus de la même race, il en résulta qu'en Poitou, la nouvelle
domination ne fut protégée que par un très petit nombre de Francs, qui surent
s'attirer la sympathie des vaincus. Les anciens habitants du pays conservèrent leurs positions et restèrent
même en. possession du plus grand nombre des fonctions publiques,, comme il
est facile de s'en. convaincre pour le Poitou par l'examen attentif des noms
que nous a transmis Grégoire: de Tours (1). Les Francs respectèrent les propriétés privées des Galloromains. Dufour
croit même qu'ils rendirent aux anciens propriétaires du Poitou, les biens
propres qui leur avaient été pris par les Wisigoths. Ils s'emparèrent
seulementt des domaines du fisc et des bénéfices.
Sous la domination romaine et sous les Wisigoths, les petits propriétaires
qui possédaient moins de vingt-cinq Jugères, et ne faisaient pas partie de la
curie, habitaient les villages gallo-romains, et formaient au milieu des
campagnes une population libre assez nombreuse, mais sans importance, et dans
un état très voisin de la servitude, Lee grand propriétaire habitant la
cité,, dédaignait les champs, et sur son domaine rural n'avait qu'un grand
corps d'exploitation, une villa où étaient renfermés les colons qui
cultivaient la terre et le régisseur ou intendant qui les surveillait. Un grand changement s'opéra dans les campagnes après l'établissement des
Francs et pendant le règne de la première race. Le Franc possesseur d'un alleu ou d'un grand bénéfice, le divisa en
plusieurs " tenures " ou manses (2), n'ayant pas toujours la même
contenance, mais composées en général de 12 bonniers, ou A 1 hectares 56 ares
de nos mesures modernes (3). Le propriétaire se réserva autour de son
habitation principale de sa sala, une assez vaste étendue de territoire qui
forma sa réserve - sa terre salique - et fut connue 'aussi sous le nom de
"mansus indominicatus ou domaine " (4). Les tenanciers, cultivateurs des manses, reçurent leurs champs et leurs
maisons à perpétuité et héréditairement, sous des conditions qui varièrent
d'abord suivant que le tenancier se trouvait plus ou moins engagé dans la
servitude, mais qui se confondirent peu à peu dans l'obligation de rester
attachés indissolublement à la terre, et de payer une rente, en argent ou en
nature, d'acquitter des redevances et de cultiver gratuitement le "
mansus indominicatus ", c'est-à-dire des terres réservées par le
propriétaire. Il arriva aussi que dans le partage des terres, les chefs francs ayant
reçu des portions plus considérables que celles de leurs soldats, plusieurs
de ces derniers avaient préféré rester près du chef, sous son patronage
militaire, ou suivant l'expression de cette époque dans son maimbourg. Par
suite, les propriétaires d'une très grande étendue de terre, au lieu de
concéder la totalité directement à des serfs tenanciers, en accordèrent des
portions détachées aux hommes libres restés dans leur " mainbourg
", qui subdivisèrent eux-mêmes ce qui leur était donné en tenures
cultivées par des serfs agricoles, devenant ainsi des propriétaires de
seconde main à la condition d'être les hommes, les fidèles, les vassaux
soumis et dévoués du grand propriétaire, qui de son côté leur assurait sa
protection et sa garantie (5). (1) A cette époque les Francs donnaient, il est vrai, à leurs
noms, une terminaison latine ; mais avecc un peu d'attention, il est facile
de distinguer les noms gallo-romains, et d'ailleurs, le vieil historien
explique très' fréquemment lui-méme l'origine des personnes dont il parle.
-En 1804, on a recueilli dans des tombeaux, à Gaillardon, près
Fontenay-le-Comte, quatre inscriptions chrétiennes. - Une de ces
inscriptions, qui est de la dernière moitié du Ve siècle, et la plus récente
de la fin du VIIe, ont conservé les noms des premiers habitants de cette
ville, Jovinus et sa femme Pola Rusticus, Maurolénus (gallo-romain)
Chagnualdus (Chaigneau), et Vinoaldus (Vincent), de race franque. (2) Le mot de " mansus " se trouve dès la fin du Ve:
siècle : sous les Mérovingiens le mot "villa " resta, mais n'eut
plus l'ancienne signification romaine ; il n'exprima plus le corps
d'exploitation, mais l'ensemble de la terre avec sa réserve et ses divisions
(Guérard). (3) Le bonnier (bunuarinum) valait 1,0 " aripeunes "
gaulois ou cinq Jugères romains et répondait à 1 hectare 22 ares des mesures
modernes. - La nappa ou l'ansange répondait à. 44 ares de nos mesures. La
mesure de capacité la plus employée était le modius, qui varia beaucoup
jusqu'au moyen âge ; le modius romain valait 8 litres 67; le modius de
l'année 774 est évalué par M. Guérard à 52 litres, et on trouve qu'en 845, le
modius légal vaut en Aquitaine 138 litres, suivant M. Dureau de la Malle. (4) M. Guérard a prouvé que la " terre salique,",
terra salica - et le " mansus indominicatus " sont la même chose, -
page 30 de la plaquette de du Fougeroux. (5) Voir Guérard et Guizot. Les mots de fiefs et arrière-fiefs ne paraissent pas encore sous les
Mérovingiens, mais la première organisation féodale existe déjà et se
développe. Les tenanciers des manses, plus heureux que les cultivateurs renfermés
autrefois dans la villa romaine, étaient cependant engagés encore dans la
servitude à différents degrés. Ainsi nous trouvons dans le Poitou, comme dans
toutes les contrées occupées par les Francs, des serfs, des colons, des
lides, des fiscalins attachés aux domaines de la couronne, et enfin des
" colliberts " colliberti, classe peu nombreuse et peu répandue
dans les autres provinces, et qui tenait le milieu entre le serf et l'ingénu,
comme le lide, mais avec des obligations différentes. Les Colliberts, race d'hommes amenés sans doute du Nord par les
Romains(1), étaient surtout cantonnés dans les marais de l'Aunis et du
Bas-Poitou, occupés aux travaux de la terre et à ceux d'une modeste
navigation. Ils vivaient principalement sur les bords de l'ancien golfe des
Pictons, et au milieu de ces îlôts sans nombre, bordés de canaux qui
partagent le sol couvert d'arbres. Le nom de cette race d'hommes, dont les ancêtres remplacèrent probablement
ces colons, qui, vers l'époque de la décadence de l'Empire romain, furent une
classe intermédiaire entre les hommes libres et les esclaves, s'est perpétué
jusqu'à nos jours sous le nom de huttiers. _ Aujourd'hui cette population, (1) D'après d'autres auteurs, les Colliberts (huttiers)
rappelaient par leurs yeux bleus et leurs cheveux blonds,
l'origine-scandinave des pirates, qui avaient envahi et occupé le pays au IXe
siècle ; dans leurs traditions persistait aussi le souvenir des Saxons de
Witikind, dispersés par Charlemagne dans l'Empire (Extrait de divers). ENTREPRISE DES BRETONS CONTRE LES . COTES DE Dagobert venait de parcourir une partie de son empire, y affermissant
partout l'autorité royale, et de donner le royaume d'Austrasie à son jeune
fils Sigebert (633), lorsque les Gascons s'agitent, se ruent sur la
Novempopulanie, et mettent le pays à feu et à sang.' Une nombreuse armée,
formée surtout dans la Haute-Aquitaine et dans le Poitou, marche à la rencontre
des rebelles, leur inflige une sanglante défaite et une paix humiliante. Mais à peine la paix était-elle conclue que Dagobert, qui se trouvait dans
sa résidence favorite de Clichy, apprit par des leudes poitevins accourus en
toute hâte, que le littoral; occidental de notre département était pillé par
des, troupes de Bretons. Montés sur des frêles embarcations, les sujets de
Judikaël avaient abordé les îles vendéennes, les îlôts du golfe des Pictons,
et par les rivières, remonté jusque dans l'intérieur des terres qu'ils
avaient ravagées, ainsi que les châteaux (1) et les villages que possédait
déjà dans notre pays la noblesse mérovingienne (2). Le châtiment ne se fit
pas attendre, ou plutôt la réparation fut prompte. Saint Eloi fut envoyé vers
le roi des Bretons, avec mise en demeure de venir se justifier à Paris, sous
peine de voir arriver chez lui des troupes nombreuses qui le forceraient
d'obéir. Judikaël accepta tout ce que voulut l'ambassadeur du roi. Il
s'engagea à réparer les pertes causées aux fiefs du Bas-Poitou, et à faire
restituer aux seigneurs tout ce qui leur avait été pris. De plus il fut
convenu (et c'était à quoi Dagobert tenait le plus), que la Bretagne et son
roi relèveraient désormais à titre d'aveu du roi de France et de ses successeurs
(3). MALHEURS
PUBLICS A LA FIN DU VIe SIÈCLE. - CAUSES. Les populations étaient maltraitées et ruinées par les vainqueurs avides
de pillages Les riches leudes dans leurs châteaux, les pauvres paysans dans
leurs fermes n'étaient point à l'abri de ces avanies. Ajoutons-y les
intempéries des saisons, les calamités ordinaires qui en naissent, les
déceptions de l'agriculture, les ravages de la famine et de la peste, et nous
n'aurons qu'une faible idée de tant de revers...... Des redevances oppressives pesant sur le peuple et variant selon les
caprices du comte -des spoliations arbitraires des petits par les grands, les
champs ravagés par des bandes sans discipline levées à la hâte le sol laissé
par cela sans culture, les demeures rurales sans réparation, des disettes,
des inondations, les pestes inséparables de tant de sang répandu, etc.... La civilisation, dont les progrès avaient été si sensibles aux IVe et Ve
siècles, faiblissait et s'arrêtait tout à coup devant ces luttes barbares
suscitées par l'ambition cruelle des grands " qui ne trouvaient pour
eux, dans la religion, qu'un moyen de défense, jamais un assez puissant moyen
de s'améliorer ". Les causes des malheurs que nous venons d'indiquer, peuvent se résumer
ainsi : désorganisation sociale causée par le mélange forcé de races opposées
par le caractère, vivant côte à côte sur le même sol le peuple conquérant,
aux moeurs violentes, ne vivant que de la hache et de l'épée, et le peuple,
envahi aux idées nobles et paisibles, ne se portant à la guerre que malgré
lui, supportant impatiemment le joug dé ces maîtres hautains.... Des familles romaines formant une aristocratie élégante, mais jalouse
aussi de sa prépondérance morale, et ne cédant pas facilement à des parvenus
qu'elle n'estimait que fort peu...(4) ATELIERS MONÉTAIRES BAS-POITEVINS Dès les premiers temps de la dynastie mérovingienne, de nombreux ateliers
monétaires se fondent en Poitou, et bien qu'en vertu d'un usage germanique,
les rois eussent seuls le droit de battre monnaie, il arriva bientôt que les
seigneurs et même les évêques se l'arrogèrent. Le plus ancien atelier monétaire établi en Bas-Poitou (5) paraît être
celui de Thiré (Theodericiacum), aujourd'hui modeste bourgade du canton, de
Sainte-Hermine. Il fut' l'un des plus actifs du Poitou durant la période
mérovingienne, et les légendes de cinq tiers de sous d'or (vue siècle), .
dont les dessins sont cidessous, permettent de suivre les modifications
successives que subit le nouveau nom du lieu avant d'arriver à la forme
moderne de Thiré.
Mais en général toutes les monnaies émises dans ce pays entre la seconde
moitié du vine siècle et les dernières années du XIIe portent au revers le
nom de Melle (6). Ceci n'empêcha pas d'autres ateliers de fabriquer des
monnaies dès l'époque carlovingienne, et sans entrer dans des discussions
techniques très ardues, il nous suffira de faire remarquer qu'on trouve des
monnaieries " à Fontenay, à Brillac, simple hameau de la commune de
Chaix, à Aizenay, à Montaigu, à Talmont, à la Chevrerie de Vairé, car on peut
dire qu'après le règne de Charles le Chauve, tout seigneur un peu puissant
eut le droit de battre monnaie. Il y a autant de systèmes monétaires que' de
petits états. D'abord les rois capétiens ne croient pas pouvoir contester ce
droit à leurs vassaux, mais bientôt ils travaillent à en faire un droit
exclusivement royal. Saint Louis se borne à décider que la monnaie du roi
aura cours dans tout le royaume, et comme sa monnaie est de meilleur aloi,
cette mesure est bien accueillie par le peuple. Enfin, c'est seulement sous
Philippe de Valois et Jean le Bon, que les rois s'arrogent enfin le droit
exclusif de battre monnaie. Le duc de Bretagne est le seul qui gardera cet
attribut de la souveraineté, et encore Charles V lui fera défense de mettre
son nom sur les monnaies. Après l'expulsion des Anglais, Charles VII établit l'un de ses ateliers
monétaires à Fontenay-le-Comte (7), un second à Montaigu, et un troisième à
Aizenay, mais ces ateliers de circonstance, abandonnés depuis la fin du Xe
siècle, fonctionnèrent fort peu de temps (8). MONNAIES DIVERSE Monnaies trouvées à la Bogisière de
St-Michel-le-Cloucq, au commencement du Monnaie frappée au vile siècle à
Déas, où furent déposés provisoirement (1) Sadragésiles, gouverneur de l'Aquitaine en 613, possédait
en Bas-Poitou, plusieurs châteaux et des salines (Du Tressay), Tome I, page
57. (2) C'est sur ces entrefaites que Dagobert fit enlever les
portes de bronze de Saint-Hilaire de Poitiers qui, par la beauté de
l'ouvrage, étaient d'une valeur inestimable, pour les faire porter à
Saint-Denis, qu'il honorait d'une dévotion toute particulière. (3) Auber (Tome I, pages 331 et 363). (4) Extrait de l'Histoire du Poitou, par l'abbé Auber. T. n,.
pages 147, 180 et 181. (5) Si l'on en croit l'abbé Aillery (fouillé du diocèse de
Luçon, XVI), des monnaies gauloises auraient été frappées à Luçon,
probablement sous Auguste. (6) En 845, Charles le Chauve qui, le premier, mit sur les
monnaies la formule " Roi par la grâce de Dieu " - " Gratia
Dei Rex ", qui se perpétua jusqu'à la fin de la Monarchie, publia à
Pitres un édit, clans lequel il fixait à dix le nombre des ateliers
monétaires royaux, au nombre desquels se trouvait Melle. L'or, si commun dans
les monnayages gaulois et mérovingien, cesse d'être employé l'argent lui
succède, les pièces s'amincissent et leur flanc s'élargit ; les têtes royales
disparaissent, ainsi que les noms des monétaires, et sont remplacées par le
nom du souverain. - Les seules espèces alors en usage sont le denier (valant
environ 3 fr. 50 d'aujourd'hui), et le demi-denier ou obole. Le type
monétaire carolingien est fort simple; pour tout ornement, il porte une croix
aux quatre branches égales, légèrement bifurquées à leurs extrémités, et pour
légende le nom du roi : au revers on lit le nom du lieu où la pièce est
frappée. (Histoire de France pour tous, par Bordier et Charton, pages 225 et
226). (7) D'après le numismate Poey d'Avant, Fontenay aurait été
pourvu d'une nouvelle officine monétaire entre 1361 et 1372, époque de la
reprise de cette ville par Duguesclin. Cet atelier occupait, dans la rue de
la .Fontaine, l'emplacement actuel de l'Hôtel du Cerf. - Ci à côté le dessin
d'une monnaie à l'effigie du Prince noir et frappée à Fontenay-le-Comte. (8) Une note publiée parle comte du Castellane dans le Bulletin
de numismatique, T. III, pages 177 et 178, établit qu'un atelier monétaire
aurait 'été ouvert à Fontenay à la fin de 1420 ou au commencement de 1421, et
qu'il aurait cessé de fonctionner en 1430. - L'existence de cet atelier est
constatée dans un document original trouvé par M. Planchenaut en Angleterre,
à Cheltenham, dans la bibliothèque (le Sir Thomas Philippe. - Le comte de
Castellane attribue à Fontenayle-Comte les pièces présentant le style des
monnaies de la Rochelle et portant un C (cursive gothique), sans aucun point
d'atelier. (Bulletin des antiquaires de l'Ouest, année 1896, page 377.). OBSCURITÉS DE L'HISTOIRE. - ROLE DE L'ÉGLISE. -ÉLÉVATION DU
BAS-POITEVIN LEUDASTE Pendant les années qui s'écoulent entre la mort de Clotaire 1er (561) et
les invasions sarrazines, on pourrait même dire et l'avènement de
Charlemagne, un voile, épais couvre l'histoire de notre pays. C'est à peine
si Grégoire de Tours, Fortunat, le poète favori de Sainte-Radégonde et
Adatius, plus connu sous le nom d'Aimoin, et Frédégaire, nous ont laissé
quelques notes isolées, sur ce qu'ils ont pu voir ou relire, soit dans les
chroniques de leur temps, soit en quelques devanciers inconnus. Pendant cette époque de décadence et de profonde obscurité, le triomphe de
l'aristocratie sur la royauté, augmente le chaos les vertus primitives des
Francs dissiminés au milieu des gallo-romains du Bas-Poitou se perdent : la
classe des hommes libres diminue, et les petits propriétaires dépouillés par
les grands sont réduits pour la plupart à l'état de tributaires. Au, milieu de ce trouble moral et matériel, l'Eglise devint pour ainsi
dire le seul asile des lettres et des sciences. Au clergé était exclusivement
confié le dépôt sacré des lumières. Les couvents étaient alors des bibliothèques immenses qui nous
conservèrent les trésors de la littérature païenne. Les chefsd'oeuvre de
l'antiquité se fussent perdus au milieu de l'inondation des peuples barbares,
si le cloître ne les eut recueillis et renfermés dans son inviolabilité. Au vite siècle, les écoles diocésaines- et monastiques de Poitiers (1), de
Ligugé, de Saint-Maixent, de Nouaillé et d'Ansion (aujourd'hui
Saint-Jouin-des-Marues) étaient florissantes. Ansion vit sortir de ses
cloîtres plusieurs évêques et des abbés qui, à l'exemple de saint Fortunat,
cultivèrent les belles-lettres. L'Église fut aussi le dernier refuge contre l'oppression. Le clergé,
protecteur naturel du peuple, sorti de ses rangs, abolit l'esclavage dans les
terres que la libéralité des rois lui concéda. Sa hiérarchie, son.
organisation admirablement propres au développement du talent, ne furent
qu'une longue protestation contre le privilège, l'ignorance et la force
brutale. Elle prit les serfs sous sa protection et les conduisit peu à peu à
la liberté. Les affranchissements se multiplièrent aidés par la religion et
par la loi (2) et l'affranchi ne trouva même pas devant lui de barrières
infranchissables pour arriver aux plus hautes fonctions de l'état, ainsi que
cela 'se produisit pour Leudaste. Leudaste naquit dans la villa royale de Traîne, située près du bourg de
Grues, au lieu où s'éleva plus tard le prieuré de Saint-Hilaire. Fils d'un
certain Léocadius, esclave du vigneron préposé à la culture de la terre du
fisc, cet homme que Grégoire de Tours peint sous de si sombres couleurs, et
qui devait être un jour pourvu des plus hautes dignités, commença par être
marmiton dans la cuisine du roi.. Mais, ajoute un biographe, comme il avait
dans sa jeunesse, des yeux chassieux qui s'accommodaient mal du piquant de la
fumée, il passa du pilon au pétrin. Tout en paraissant se plaire au milieu
des pâtes fermentées, il s'enfuit et quitta le service. Il fut ramené deux ou
trois fois ; niais attendu qu'on ne pouvait le retenir, on le punit en lui
coupant une oreille. Puis, comme il n'était aucune puissance capable de
cacher la note d'infamie imprimée à. son corps, il s'enfuit auprès de la
reine Marcovière, que le roi Charibert, par un excès d'amour, avait admise
dans son lit, à la place de sa sœur (3). Elle le recueillit avec bonté,
l'avança et lui confia la garde de ses meilleurs chevaux. Dès lors, tourmenté
par la vanité, toujours avide d'élévation, il ambitionna le titre de comte
des étables (4) et, l'ayant obtenu, il n'eut plus que du dédain et du mépris
pour tout le monde. Enflé d'orgueil, livré à tous les plaisirs, enflammé de
cupidité, partisan dévoué de la reine, il s'entremit de côté et d'autre pour
les intérêts de sa protectrice. Après sa mort, engraissé de butin, il offrit
des présents au roi Charibert, et obtint d'exercer auprès de lui les mêmes
fonctions. Ensuite, pour les péchés du peuple, il fut nommé comte à Tours. Là
il affecta encore plus l'insolence d'une haute dignité ; là il se montra
rapace pour le pillage, arrogant dans les querelles, ignoble par ses
adultères et par son talent à faire naître la discorde et à semer la calomnie
; il y accumula d'immenses trésors. Après la mort de Charibert, cette ville
étant entrée dans le partage de Sigebert, Leudaste passa du côté de Chilpéric,
et toutes ses richesses injustement amassées, furent pillées par les fidèles
de Sigebert. Quand le roi Chilpéric envahit la ville (le Tours, par les armes
-de Théodebert, son fils,' j'étais déjà arrivé à Tours ; Leudaste me fut
vivement recommandé par Théodebert, pour recouvrer le comté qu'il avait eu
auparavant. Il se faisait devant nous humble et soumis, et jurait souvent sur
le tombeau du saint évêque, que jamais il n'agirait contre les lois de la
raison, et que, pour mes intérêts particuliers comme pour les besoins de
l'Eglise, il me serait toujours fidèle. Il craignait ce qui arriva en effet,
que le roi Sigebert ne remit la ville sous son obéissance. A sa mort,
Chilpéric en étant redevenu le maître, rendit le comté à Leudaste ; mais
quand Mérovée vint à Tours, ce prince pilla toutes ses richesses. Pendant les deux ans que Sigebert avait été maître de Tours, Leudaste
s'était tenu caché en Bretagne. Quand il fut en possession de son comté,
comme je l'ai dit, il s'enfla d'un si vain orgueil, qu'il entrait dans la
maison de l'église, couvert de son corselet et de sa cuirasse, armé d'un
carquois, une lance à la main et le casque en tête, ayant tout à redouter de
chacun, parce - qu'il était - l'ennemi de tout le monde. Si en siégeant comme
juge avec les principaux du pays, soit clercs, soit laies, il voyait
quelqu'un soutenir son droit, aussitôt il entrait en furie, et vomissait des
invectives contre, les citoyens. dl faisait entraîner les prêtres par des
menottes et frapper les soldats à' coups de bâton :. enfin, telle était sa
cruauté, qu'on ne saurait l'exprimer en paroles. Au départ de Mérovée, qui
avait pillé son trésor, il se fit mon dénonciateur, assurant faussement que
c'était par notre conseil que Mérovée lui avait enlevé ses richesses. Mais
après nous avoir fait bien du mal, il nous réitéra ses serments, et jura, sur
la couverture du tombeau de saint Martin, qu'il ne se montrerait jamais notre
adversaire. (histoire ecclésiastique des Francs ; tradition de MM. J. Guadet et
Taraune). Après maintes autres aventures, dont Grégoire de Tours s'est complu à
faire le récit (5), Leudaste finit par tomber en disgrâce, à la suite de
propos inconsidérés tenus contre Frédégonde, et par être traqué comme une
bête fauve. Arrêté enfin en 583, sur l'ordre de la reine, il fut conduit dans
une villa du fisc, à demi mort déjà d'une blessure reçue en se défendant
contre les soldats chargés de mettre la main sur lui. Quelques jours après on
lui broya la gorge avec une poutre, à la grande satisfaction de ses nombreux
ennemis (6). (1) A la fin du via siècle, les études étaient encore assez
complètes à Poitiers, pour durer six années. A Ligugé on s'occupait de
l'enseignement et de la transcription des manuscrits. (2) Etudier les formules d'affranchissement dans Marculfe. (3) Marcovière était fille d'un cardeur de laine. Merland
-Biographies vendéennes. T. III, page 475. (4) Titre qui fut, depuis, le premier dans l'ordre militaire,
sous celui de connétable. Alors c'était comme une intendance sur toutes les
écuries d'un roi ou-d'une reine : et, déjà on le voit par ce passage, cette
charge était regardée comme importante. (5) Histoire ecclésiastique des Francs, livre v, 49 et 50 et
livre VI, 32. (6) La vie de Leudaste fait le sujet des 5e et 6e Récits des
temps Mérovingiens d'Augustin Thierry. BATAILLE DE POITIERS (732) Les successeurs de Mahomet, excitant le fanatisme de leurs soldats,
avaient franchi les Pyrénées. Battus d'abord par Eudes, duc d'Aquitaine, sous
les murs de Toulouse (1), ils n'en pénétrèrent pas moins jusqu'au cœur de la
France. Eudes, qui avait pourtant de sérieux griefs contre Charles, maire du
palais, sacrifia alors ses ressentiments et l'appela à son secours, ainsi que
le commandait l'intérêt de la patrie. Dans les derniers jours d'octobre 732, l'armée du maire d'Austrasie
joignit près de Poitiers l'armée des Sarrazins. Celle-ci était supérieure en
nombre. Charles avait à combattre â la fois la terreur qu'inspirait une
longue suite de triomphes, la surprise des soldats à la vue de ces barbares,
leur adresse, leur ruse et leur art de faire la guerre jusqu'alors inconnus à
l'Europe. Son génie et son courage surmontèrent tous ces obstacles. Il range
son armée en bataille, et, sûr de ses Francs et de la trempe de son épée, il
donne le signal de l'attaque. Mais Eudes, qui s'était mis en embuscade avec
ses bataillons composés en grande partie de Poitevins, sort de sa retraite,
fond sur les barbares et coupe leur armée en deux. Cette irruption fut le
signal du carnage on combattit un jour entier, depuis le lever du soleil
jusqu'à la nuit. Le sang des Sarrazins ruissela par torrents, et
Abel-Rhahman, leur chef, périt avec ses plus vaillants soldats. Cette
victoire, qui valut à Charles le nom de Martel, sauva la chrétienté du
fanatisme des Musulmans et décida du sort de la France et de l'Europe. On n'a
rien dit de trop en proclamant le moment où les Francs et les Arabes se
trouvèrent en présence l'un des plus solennels des fastes du genre humain (2)
". Parmi ceux échappés au désastre, quelques-uns, rétrogradant vers le midi,
viennent jusque dans la Vendée, détruisent l'abbaye de Noirmoutier et
s'établissent pendant quelque temps près de Mareuil, non loin duquel un gué
conserve encore le nom de Pont des Sarrazins. Dans l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm, si l'on en croit Ermentaire, on
priait nuit et jour pour le succès des armées de Eudes, auquel les moines
avaient envoyé de puissants secours en hommes et en argent. Quoi qu'il en
soit, plus heureux que leurs frères de Noirmoutier, ils eurent la consolation
de voir du haut des murs de leur monastère, les navires des Musulmans fuyant
à toutes voiles vers le midi. Les moines demeurèrent fidèles à leur
protecteur resté sans Etat, et lorsque la mort vint le surprendre en 735, ils
lui firent de magnifiques funérailles dans leur monastère de l'Ile de Ré, où
on devait, en 1730, retrouver le tombeau de l'infortuné et vaillant duc
d'Aquitaine. Eudes portait encore sur la tête une couronne ducale en cuivre
doré, ornée de pierreries et surmontée de quatre fleurons rappelant un peu la
forme de la fleur de lys (3). (1) A, la suite de cette défaite, sa fille Lampagie, mariée à
Manuza, gouverneur de la Catalogne, fut prise et envoyée par Abdéram à Damas,
dans le, sérail' du calife. (Thibaudeau. T, i, page 496. (2) Histoire de France pour tous, par Bordier et Charton, page
152. (3) Louis Brochet. - Histoire de l'abbaye royale de
Saint-Michel-en-l'Herm. Le monastère de 1'11e (le Ré fut détruit par les
Normands, un siècle après sa fondation. - La principale pierre précieuse qui
ornait la couronne ducale était une turquoise. LES RELIGIEUSES - DE SAINTE-CROIX DE POITIERS SE RÉFUGIENT A
JARD. CURIOSITÉS GÉOGRAPHIQUES " Les religieuses de Sainte-Croix de Poitiers, dont la basilique
était hors de l'enceinte fortifiée de Poitiers, restèrent dans leur couvent
tant qu'Abdel-Rahman demeura au-dessous de la Charente ; mais quand elles
apprirent qu'il arrivait pour piller le sanctuaire du grand saint Hilaire et
celui de saint Martin de Tours, elles songèrent à dérober par la fuite, aux
mains des sectateurs de l'Islam, les restes vénérés de leur fondatrice. Une
seule route leur était ouverte, celle des petits ports de l'Océan, où elles
pouvaient avoir la ressource de s'embarquer, si l'invasion pénétrait jusque
dans le pays d'Herbauges. Elles prirent le Chemin des Sauniers, se dirigeant
sur Jard qui, s'il ne faisait pas partie de leurs domaines, dépendait du fisc
royal. Ce Chemin des Sauniers, bordé tout le long de son parcours de localités
d'origine fort ancienne, ne semble point, dès le principe du moins, avoir été
créé dans un but stratégique, mais pour faciliter le transport d'une denrée
de première nécessité, telle que le sel. Dans sa traversée du Bas-Poitou, on lui donna, au moyen âge divers noms :
tantôt on l'a appelé le chemin de la Bissexte, tantôt celui des Mulets; près
des Magnils-Reignier, proche de Luçon, il devient le chemin des Treize-Pas,
en souvenir de sa largeur première. A quelque distance. de là, c'est le
chemin de Sainte-Ragond, parce qu'il longe les murs de l'ancien prieuré de
sainte Radégonde des Cagoules (1), situé dans la commune de la Bretonnière. Selon toute probabilité, les religieuses de Sainte-Croix durent Anneau de sainte Radégonde, reine
de France. dont la fête du 27 octobre Possédé par Mme Charier-Fillon Mais ce n'est pas tout; d'autres indices géographiques sont encore à
signaler. Vis-à-vis de la Claye, de l'autre côté du Lay, sont les débris
d'une petite chapelle' dédiée à sainte Aigne, dans laquelle on reconnaîtra
sainte Agnès, la première abbesse de Sainte-Croix, l'amie, la confidente de
ta femme de Clotaire (3). Une lieue plus loin, toujours sur la même voie, au
point ou se joignent les territoires des paroisses de Saint-Cyr, de
SaintBenoît-sur-Mer et de la Jonchère, sur l'escarpement de la rive gauche du
ruisseau de la Bonde, est un champ appelé dans les vieux actes (4)le Cahu
Saint-Tragon, bienheureuse qui, malgré la forme masculine de son nom, n'est
autre que la sainte Ragonde du langage populaire (5). (1) Cagoule, coiffure de cagous, sorte de gueux qui
fréquentèrent beaucoup le Poitou au moyen âge. (2 class="note") Sainte Radégonde, étant morte le 12 août 587 il
s'agit évidemment des cendres de la défunte, portées par les religieuses de
Sainte-Croix. (3 class="note") Une métairie, dite de Sainte-Agne, où était une
vieille chapelle. est placée dans le bourg des Magnils, sur la même voie,
près de son point d'intersection avec le Chemin de Saint-Gilles, conduisant
autrefois de Luçon à ce dernier port, et remplacé aujourd'hui par le chemin
de G. C. n° 56. A petite distance du Chemin des Sauniers, non loin d'Ardin
(Deux-Sèvres), se voit aussi un autre oratoire dédié à sainte Agnès, près duquel
est une fontaine qui donne, dit-on, du lait aux nourrices. (4) Arrentement, par l'abbé. de Talmond, du Champ de la Bonde,
proche le Cahu Saint-Tragon, à Richard-Farry (4 Juin 4475). Le Cahu
Saintragon (sic), dans une autre pièce du 22, septembre 1622. (Papiers du
prieuré de la Gillerie de Saint-Cyr.) (5) Extrait de Poitou-Vendée, (Jard, par de Rochebrune et
Fillon.) FUSION DES RACES. - ARTS ET MONUMENTS Vers la fin de la dynastie mérovingienne, la fusion des races était déjà
très avancée dans le Poitou. Dans ce pays, la civilisation gallo-romaine
avait gardé de profondes racines, et les Francs y montraient moins de
répugnance à admettre les éléments du passé dans l'organisation nouvelle.
Néanmoins, on a peu construit à l'époque franque, ou du moins rien qui fut
original ou de durée. Entre les murailles monumentales de l'époque romaine et
celle de l'âge féodal, les cinq-cents ans de la domination germanique
semblent n'avoir rien fondé dans notre pays. La plupart des églises, des
monastères et des forteresses qui furent élevés à cette époque ont dût être
reconstruits depuis. Il n'y a guère été fait exception en Vendée, que pour le
fort de Saint-Georges-de-Montaigu, dont il subsistait encore des traces au
commencement de ce siècle (1). Le monde franc vivait sur les dernières épaves
de la civilisation romaine Charlemagne, pour orner de colonnes son palais
d'Aix-la-Chapelle, était obligé de dépouiller les monuments de Rome et de
Ravenne. RÉSISTANCE DU POITOU Lorsqu'en 752, Pépin, luttant contre le malheureux Waifre, duc
d'Aquitaine, acheva de briser la couronne des rois mérovingiens, l'Aquitaine
seule se souleva au milieu de ses ruines, pour, protester contre l'usurpation
des maires du palais, et contre la réaction germanique. L'histoire offre peu d'exemples d'une résistance aussi énergique et aussi
longue.. Elle dura pendant tout le règne de Pépin, et ne succomba que devant
le génie et la puissance de Charlemagne. Le Poitou fut alors le théâtre d'une guerre acharnée. Poitiers fut pris et
repris, et les vieux chroniqueurs parlent alors pour la première fois du
château de Thouars, qui était à cette époque le plus fort de tous les
châteaux d'Aquitaine (2). (1) Voir le dessin au chapitre V. (2) " Thoarciis castrum, quo in Aquitania firmior non erat
destruxit " Annales Mettenses, Recueil de Dom Bouquet. LES CARLOVINGIENS Les Chartes de cette époque (Charlemagne pour le Poitou, comme pour le
reste de la France), reproduisent les anciennes formules et montrent qu'il
n'y eut de changement dans l'organisation administrative et judiciaire, que
pour la relier plus fortement au pouvoir central (1).. Par une contradiction
qu'offrent fréquemment les révolutions, la nouvelle dynastie, née de la
réaction germanique, appuya surtout son gouvernement sur la centralisation,
et contint énergiquement l'esprit d'indépendance. L'institution des missi dominici (2) fut un des plus puissants moyens
qu'employa Charlemagne pour maintenir l'unité dans son gouvernement. Il
envoya en Aquitaine le comte Richard et l'évêque Wilbert, qui firent cesser
les envahissements et rétablirent l'ordre dans les finances de Louis, roi
d'Aquitaine. (1) Plaïd tenu par le comte Abbon, â Poitiers, en 781. - Notice
d'un jugement rendu à Poitiers en 791, par le comte Abbon, assité d'Aldebald
et d'Hermingard, envoyés du roi. (Dom Etiennot). -.Manuscrit de Dom
Fonteneau, Du Fougeroux. - Le Poitou sous la domination Carlovingienne. (2) Hauts fonctionnaires envoyés dans la province, avec mission
d'inspecter les agents locaux, de leur retirer leur charge si -c'était
nécessaire, et de réformer les abus. Ces hauts fonctionnaires étaient pris
surtout dans le sein du clergé. Leur présence est signalée pour la première
fois en Bas-Poitou en 814. Sous Charlemagne, la police des rivières et des
routes, dont plusieurs conservent son nom à Sigournais, à Chantonnay,, et
dans les environs de Talmont, fut assurée ; les voies publiques durent être
entretenues par les comtes. Après lui, le réveil de l'industrie LES VICOMTES. - VIGUIERS Guizot a pu dire avec raison que du Ve au Xe siècle, le règne de
Charlemagne est la seule époque où l'existence des grands propriétaires (1)
et leur pouvoir dans leurs domaines aient vraiment subi avec quelque
régularité le pouvoir royal. Il faut placer à cette époque la création des.
vicomtes, des viguiers et des scabins. A la place du tribunal, où les hommes
libres se jugeaient entre eux, Charlemagne établit des juges nommés scabins
(scabini), fonctionnaires de l'État, chargés de juger sous la présidence du
viguier (vicarius) (2), dans la circonscription rurale de l'ancienne décanié,
qui prit alors le nom de viguerie. Filleau (3) a trouvé dans le Poitou
quatre-vingt-quatre vigueries. De la Fontenelle, dans son savant travail sur
les Vigueries du Poitou, en compte un peu moins. Au-dessus des viguiers fut
placé le vicomte, vicecomes, chargé de remplacer le comte, et venant
immédiatement après lui. Le Poitou eut quatre vicomtes : le vicomte de
Thouars, le vicomte de Châtellerault, le vicornte de Melle et le vicomte
d'Aunais. A la fin du règne de Charlemagne, lorsque les Normands commencèrent
à paraître, le pays d'Herbauges, qui comprenait presque tout et du commerce
eut le méme sort que le' réveil des lettres et des arts. Lé règne de
Charlemagne, pour toute la vie sociale, est un temps de repos entre deux
anarchies, un rayon de lumière entre deux barbaries. le littoral (1), fut
érigé en comté, pour qu'il y eut toujours un chef militaire prêt à agir dans
la portion du pays la plus menacée par l'invasion; mais les comtes
d'Herbauges restèrent cependant dans une situation inférieure à celle des
comtes de Poitou. (1) Charlemagne était grand propriétaire lui-méme, et il
attachait. une si grande importance à la bonne administration de ses
innombrables villas qui occupaient environ la quinzième partie du territoire
et formaient tout son revenu, qu'il rédigea lui-même, sur ce sujet, une
ordonnance en soixante-quinze articles (capit. de Villis, vers 789.) Histoire
de France pour tous, page 195. (2) Le nom de vicarius paraît du temps des Wisigoths.: mais à
cette époque c'était surtout une charge militaire. - Le vicarius commandait à
mille hommes. (3) Mémoire de la Société' académique de Poitiers. LES COMTES DU POITOU Le Poitou eut des comtes particuliers sous les rois de la race
mérovingienne. Charlemagne en établit aussi et les mit sous la domination du
duc d'Aquitaine, qui était alors comte de Toulouse. Mais les comtes de Poitiers ne tardèrent pas à partager le premier titre
avec eux ; car, en 846, Charles le Chauve nomma Ranulfe 1er, comte de
Poitiers, duc d'Aquitaine, en plaçant le Poitou, l'Angoumois et la Saintonge
dans sa juridiction. Lorsque Hugues Capet eut usurpé le trône, les comtes de Poitou, toujours
ducs d'Aquitaine, étendirent leur autorité sur l'Aunis et le Limousin. Eudes, fils de Guillaume III et d'une fille de Sanche - Guillaume, duc de
Gascogne, eut en héritage ce dernier duché, Est, à son avènement au comté de
Poitiers, en 1038, le remit à celui d'Aquitaine. On sait comment, par le
mariage d'Eléonore avec Louis VII, puis avec Henri II, roi d'Angleterre, le
Poitou et l'Aquitaine passèrent en ces deux maisons, Philippe-Auguste les
confisqua en 1201 sur Jean-sans-Terre. Le traité de 1250 céda définitivement
le Poitou à . la France. Donné par Louis IX à son frère Alphonse, il fut par la mort de celui-ci,
réuni pour la seconde fois à la couronne. .Conquis de nouveau par les
Anglais, le traité de Bretigny (1360) leur en assura la possession, jusqu'au
moment où Charles V le reprit pour constituer un apanage à son frère Jean,
duc de Berry, à la mort duquel Charles VI le donna aussi à Jean, son fils.
Celui-ci étant mort sans enfants, le Poitou revint- définitivement à la
couronne. L'histoire des comtes de Poitou étant presque continuellement
confondue avec celle des dues d'Aquitaine, et le numéro -d'ordre de ceux qui
portent le même nom variant selon qu'on les compte pour le Poitou ou pour
l'Aquitaine, leur chronologie devient quelque peu difficile à débrouiller.
Dans celle qui va suivre, nous indiquerons, comme le font les auteurs de
l'Art de vérifier les dates, ceux qui étaient en même temps ducs d'Aquitaine,
en faisant observer, qu'à l'égard des Guillaume, il y a lieu d'augmenter de
deux unités le chiffre de leur rang comme ducs d'Aquitaine. Ainsi, Guillaume
1C, de Poitou est Guillaume III d'Aquitaine et ainsi de suite, jusqu'à
Guillaume VIII, qui se trouve Guillaume X d'Aquitaine. COMTES DE POITOU
(1) Dufour. La Fontenelle. - Doué, placé sur les confins de
l'Anjou et du Poitou, et dont la construction remontait aux Wisigoths, fut le
principal séjour de Louis le Débonnaire qui, en 818, rit commencer: les
levées de la Loire, continuées au XIIe siécle par Henri d'Angleterre, enfin
achevées sous Louis XII. (2) Un Begon fut comte pendant quelques années. (3) Extrait des monnaies seigneuriales Françaises, par Poey
d'Avant, pages 94-95. LES DUCS Les Ducs étaient surtout chargés de commander les troupes, tout en
laissant à la garde des frontières et à l'administration civile et
judiciaire, les comtes et les officiers de leur dépendance. Ceux-ci avaient
en outre l'intendance des finances et la direction des ateliers monétaires de
la province dont nous parlons ailleurs. - Les comtes du Poitou, ainsi que
nous l'avons vu, furent mis par Charlemagne sous la domination du duc
d'Aquitaine, qui était alors aussi comte de Toulouse. Néanmoins, les comtes de Poitiers ne tardèrent pas à partager les premiers
titres, et à être les vrais maîtres du Pagus ou Civitas pictavensis. Mais ce grand pays était trop vaste, pour qu'à l'exemple de
l'administration religieuse, et même simultanément à elle, le gouvernement ne
cherchât pas à simplifier ses rouages par des subdivisions indispensables.
Alors on créa des pagus minores, qui en Bas-Poitou, portèrent les noms de
pagus de Mervent, Herbauges, Tiffauges et Thiré. LES VIGUERIES DU BAS-POITOU. - DIVISIONS OU Après le démembrement du pagus de (Mairevant), il- exista une viguerie au
même lieu, à partir de 971, une à Chantonnay en 975. Une autre fut créée
aussi à Talmont et à Brane (Bram, Bran), (Brandois n'est plus aujourd'hui
qu'un point de la côte qui a donné son nom à deux communes : Saint-Nicolas et
SaintMartin-de-Brem). Le document le plus important ayant trait à cette
viguerie est de 1020, contenant don par Adhémar, au monastère de
Saint-Cyprien de Poitiers, `de biens au pays d'Herbauges dans la viguerie de
Bram et de Talmont. Fontenay est mentionné entre 4029 et 1031 comme chef-lieu
de viguerie (1). Dès cette époque Fontenay possédait un château. Les
vigueries (vicaris de vicus, bourg considérable) furent donc placées dans les
centres importants et eurent sous leur autorité les villages ou paroisses
renfermées dans leurs limites. Au XIe siècle l'institution commença à décliner .par suite de la formation
d'un plus' grand nombre de vicomtés, dont les titulaires, devenus
héréditaires et plus indépendants, administrèrent la justice et les autres
choses de leur ressort par des prévôts et autres agents. Au VIIIe siècle, dit Auber, le Bas-Poitou comprenait au point de vu
religieux l'archiprêtré de Pareds, les doyennés de Mortagne et de
Saint-Laurent-sur-Sèvre, qui relevaient de l'archidiaconé de Thouars ; les
doyennés de Fontenay, ou plutôt de Saint-Pierre-du-Chemin, Mareuil et
Talmont, qui relevaient de l'archidiaconé de Briançay, autrement dit Brioux. (1) Il s'agit dans l'espèce d'un don fait à l'abbaye de
Saint-Cyprien de Poitiers par Guillaume le Gras, due d'Aquitaine, d'une
pécherie située dans la viguerie de Fontenay. Fontenay avait alors comme
viguier Ingelelme de Veluire, Veluire faisant alors partie de cette
circonscription administrative (Archives de Fontenay, T. I, page 31. FIDÉLITÉ DU POITOU AUX RÉGIMES DÉCHUS Le Poitou avait combattu pendant cinquante ans pour maintenir sur le trône
les descendants de Clovis lorsque le dernier représentant de la première race
eut disparu, il s'attacha à la seconde, resta fidèle à Charles le Simple dans
sa mauvaise forturie, repoussa Eudes, Robert et Raoul, et résista longtemps à
Huges Capet lui-même (1). Les historiens n'ont pas assez remarqué cette
loyale fidélité qui, dans nos contrées, resta inébranlable à toutes les
époques; nous y trouvons aussi une nouvelle preuve de. la fusion plus rapide
des qualités de chaque race dans notre Poitou. Le respect de l'autorité et
l'amour de l'ordre et de la régularité étaient dans les traditions romaines ;
le dévouement chevaleresque, la fidélité et l'attachement à la personne du
chef étaient dans les mœurs des, Francs. La réunion, de ces qualités, se
retrouve dans les sentiments de, toute, la France au, moyen âge ; elle
s'était développée plus vite et plus rapidement dans notre province. Elle y a
mieux résisté aussi à l'épreuve du temps, et la royauté Au vieux droit, à une
époque peu éloignée de nous, a trouvé encore ses plus énergiques défenseurs
dans le Poitou et sur les champs de bataille de l'héroïque Vendée(2). (1) Dom Bousquet. - Recueil des historiens de France. - Auber. (2) Du Fougeroux. |
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