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Les Européens descendent des Basques


En étudiant la répartition géographique de deux mutations observées au niveau de l'ADN mitochondrial, plusieurs équipes de généticiens ont supposé en 2001 que 75% des Européens seraient les descendants d'une population qui s'était réfugiée au Pays basque durant le dernier maximum glaciaire.

L'ADN mitochondrial est un ensemble de gènes que tout individu hérite uniquement de sa mère. Trente trois chercheurs d'une vingtaine de laboratoires, dont Antonio Torroni, Bryan Sykes et Ornella Semino, ont étudié une portion d'ADN mitochondrial de 10 365 personnes (dont 97 Basques) provenant de 56 zones d'Europe, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord.

Une première mutation, notée pré-V, a été mise en évidence. Elle est relativement rare actuellement puisqu'elle n'a été retrouvée que chez 73 personnes de l'étude. Elle occupe cependant plusieurs foyers de l'Europe entière : Allemagne, Sicile, Andalousie, Maghreb et Ouest du Sahara, Yougoslavie et à l'est de la Mer Noire (carte A). Cette mutation serait apparue il y a 26000 à 15000 ans.

La seconde mutation, appelée V pour Vascones, du nom donné par les Romains aux habitants de l'actuel Pays basque, est mise en évidence au niveau de l'ADN mitochondrial de 214 personnes de l'étude. Elle est quasiment absente dans le sud des Balkans, la Turquie, le Caucase et le Proche-Orient. On la retrouve dans les populations de tout le reste de l'Europe, avec une fréquence maximale au niveau du Pays basque (12% : 12 des 97 Basques de l'étude sont porteurs de ce gène), cette fréquence décroissant au fur et à mesure qu'on s'éloigne des Pyrénées (carte B). Le gène V serait apparu il y a 16000 ans dans la partie occidentale de l'Europe. A l'est du Rhin et de l'Adriatique, le gène V n'est apparu qu'il y a 8000 ans, ce qui suggère l'existence d'un mouvement migratoire de l'ouest vers l'est.

Les chercheurs en concluent que le gène V serait apparu au sein d'une population refugiée dans le Pays basque lors du dernier maximum glaciaire qui s'est abattu sur l'Europe il y a environ 20000 ans et a obligé les hommes à migrer vers le sud au climat moins rigoureux. Après cette glaciation, ces "Vascons" se seraient étendus peu à peu à toute l'Europe, d'abord dans la partie occidentale de l'Europe il y a 16000 ans, puis vers l'est et la Scandinavie il y a moins de 10000 ans.

Quant au gène pré-V, plus ancien que le gène V, il a dû apparaître il y a plus de 20000 ans, avant le dernier maximum glaciaire, quand les hommes occupaient encore toute l'Europe.

L'essentiel du repeuplement de l'Ouest et du Nord de l'Europe aurait ainsi eu lieu il y a 10000 à 15000 ans à partir d'un foyer franco-cantabrique selon ces données génétiques, qui suggèrent également que 75% des Européens actuels descendent en ligne maternelle directe d'Européens primitifs arrivés en Europe il y a plus de 20000 ans et réfugiés dans le Sud-Ouest de la France et le Nord-Est de l'Espagne durant le dernier maximum glaciaire.

Cette étude est intéressante, mais le maniement statistique d'aussi faibles fréquences reste délicat et les conclusions demeurent hypothétiques. Aussi la confrontation de ces données avec les conclusions d'autres sciences est-elle nécessaire.

Le rapport entre deux isotopes naturels de l'oxygène, l'oxygène 16 et l'oxygène 18, naturellement présents dans l'eau, dans la glace et dans les coquilles d'organismes aquatiques, varie en fonction de la quantité de glace bloquée sur les continents. En effet, la vapeur d'eau des nuages (et donc l'eau de la pluie et des glaciers) est plus riche en oxygène 16 (plus léger que l'oxygène 18) que l'eau de mer. Lors d'une glaciation, une partie de l'eau de pluie est emprisonnée sous forme de glace, diminuant ainsi la quantité totale d'oxygène 16 des océans. Au contraire, pendant une période interglaciaire, la fonte des glaces permet le retour à l'océan de cette eau plus riche en oxygène 16, et le rapport oxygène 16/oxygène 18 augmente à nouveau. L'étude des carottes de sédiments marins et de glace a permis de mettre en évidence une succession de phases appelées stades isotopiques qui ont été datées par différentes méthodes. Nous sommes actuellement dans le stade isotopique 1. Les stades pairs correspondent à des phases froides et les stades impairs à des périodes chaudes.

Le stade isotopique 2 (32000 à 13000 BP) caractérise l'avancée maximale de la calotte glaciaire en Eurasie. Lors du maximum glaciaire (25000 à 16500, avec un pic de 22000 à 20000 BP), au climat très froid et très sec, semblable à celui du centre-est de la Sibérie, la densité de population d'Europe centrale et du Nord a fortement chuté. Dolukhanov a établi en 2000 que seules deux zones ont constitué des refuges avec une population importante : à l'ouest la zone franco-cantabrique (Sud-Ouest de la France et Nord-Est de l'Espagne) au climat adouci par la présence de l'Atlantique, et à l'est la zone périglaciaire (Ukraine et Plaine de Russie centrale) qui bénéficiait de la présence de vallées fluviales et de lacs glacés aux ressources variées. D'autres refuges mineurs ont pu exister entre ces deux zones principales. Dolukhanov suppose qu'à ces deux refuges principaux correspondaient deux des plus anciennes langues non indo-européennes connues en Europe, le proto-ouralique dans la zone périglaciaire, et le basque-caucasien dans la zone franco-cantabrique. Sur la base des styles d'outils en pierre, Dolukhanov, Allain et Housley ont situé une première vague de recolonisation du nord de l'Europe à partir du refuge occidental via le Bassin parisien et la vallée du Rhin jusqu'en Lituanie et en Ukraine (carte D).

Des centaines de noms de villes, de lieux-dits ou de fleuves d'Europe et d'Afrique du Nord contiennent des éléments linguistiques ressemblant à des racines basques. Ces toponymes sont localisés dans toute l'Europe et suggèrent qu'une population parlant une langue ressemblant au basque s'était étendue à toute l'Europe. Puis cette langue fut supplantée par celle, indo-européenne, des premiers agriculteurs néolithiques, mais laissa son empreinte dans certains noms de lieux.

Des arguments génétiques, archéologiques et linguistiques convergents semblent donc suggérer que l'Europe postglaciaire fut recolonisée par une population apparentée aux Basques actuels.

La langue basque n'appartient pas à la famille linguistique indo-européenne, mais ferait partie selon certains linguistes du groupe déné-caucasien qui comprend six branches géographiquement isolées les unes des autres. Quatre de ces branches sont des isolats linguistiques, c'est-à-dire des langues qui ne sont pas apparentées avec les langues géographiquement voisines et qui semblaient n'appartenir à aucune famille de langues connues. Ce sont le basque, les langues caucasiennes, le bourouchaski (Pakistan) et le ket (Sibérie, mais provenant du Caucase). Ces quatre familles linguistiques sont parlées par des populations longtemps isolées dans des régions montagneuses, comme si elles y avaient trouvé refuge lors d'invasions. Les deux dernières branches du groupe déné-caucasien sont la famille na-déné (regroupant des langues d'Amérique comme l'apache, le navajo et le tlingit) et la famille sino-tibétaine qui a connu un développement considérable en relation avec celui de l'agriculture.

Un autre élément suggère que les Basques auraient conservé les caractères d'une population européenne primitive : le pourcentage d'individus du groupe sanguin Rhésus négatif est bien plus élevé dans la population basque que dans la plupart des autres populations du monde.

 

 

 

 

 

Carte C : l'Europe à l'époque du dernier maximum glaciaire (20 à 15000 BP).
Carte D : l'Europe lors des dernières glaciations (15 à 10000 BP).
1. Calotte glaciaire. 2. Mer. 3. Lac glaciaire de la Baltique. 4. Régions atlantico-méditerranéennes. 5. Régions périglaciaires. D'après Dolukhanov.

C

D

A

B

fréquence de la mutation

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